Cinquantenaire du Fespaco avec Boureima Jérémie SIGUE : “Le Fespaco, c’est vraiment l’âge de la maturité”

Son premier  FESPACO remonterait des années 70 où le festival était certainement encore à la recherche de ses marques. Le FESPACO en ce temps, bien que célébré dans la sobriété a gardé une forte empreinte sur laquelle s’est construite une pléiade de cinéastes qui a continué de brandir haut le flambeau du cinéma africain. C’est  du moins en substance les souvenirs évoqués par un cinéphile, aujourd’hui journaliste-écrivain. Boureima Jérémie SIGUE puisque c’est de lui qu’il s’agit est également le fondateur des éditions LePAYS, un groupe de presse qu’il a créé  depuis 1991. C’est donc un témoin et pas des moindres  que nous avons rencontré pour qu’il nous conte ce qu’il sait du parcours du Fespaco. Entre Souvenirs et Avenirs ou plutôt, entre  “Mémoires et Avenirs des cinémas Africains” (pour reprendre le thème du cinquantenaire), le Fondateur des Editions LEPAYS se souvient encore … Rejoignons-le rapidement sous l’arbre à palabre du Fespaco où il s’impatiente déjà pour nous entretenir sur ce festival.

Aussi bien pour les institutions que les humains, 50 ans, c’est vraiment l’âge de la maturité. C’est l’âge de la conviction, de la clairvoyance, la fermeté et de la détermination sans faille. 50 ans, où on est solidement ancré dans  ses convictions, c’est l’âge où on s’est fait une vision, sur tous les compartiments de la vie. 50 ans méritent une halte pour regarder en arrière, regarder devant et faire des projections à court, moyen et à long terme et j’imagine que c’est plus ou moins ce que vous êtes en train de faire. Je salue donc ce cinquantenaire à titre personnel parce que j’ai une idée de la manière dont le FESPACO est né. Il faut saluer d’abord les géniteurs de cette grande institution qui est devenue aujourd’hui une superbe institution et qui rayonne à l’échelle du continent et même à l’échelle mondiale. Il faut les saluer parce qu’ils ont été de grands pionniers, de grands bâtisseurs, de grands hommes et femmes qui ont été poussés par la foi qui était la leur vers une direction qui s’avère aujourd’hui salutaire pour le cinéma. Il faut saluer enfin ceux qui, après ces pionniers ont tenu le flambeau et ont fait du FESPACO ce qu’il est aujourd’hui.

Boureima Jérémie SIGUE, Fondateur des Editions LEPAYS

Entre l’Afrique et le cinéma existe-il véritablement une histoire ?

Si une institution comme le FESPACO n’a pas d’histoire, ce sera  une catastrophe  et  même illogique. Le FESPACO autant que je sache a bel et bien une histoire faite d’héroïsme, de courage, de   motivation et de conviction. Le FESPACO a une histoire parce que s’il n’y en a avait pas une,  il ne serait pas vivant aujourd’hui.

Est-ce que vous avez souvenir de votre première séance cinéma ou de votre premier FESPACO ?

Mon premier  FESPACO renvoie un peu à la  préhistoire. Ce fut un FESPACO très sobre, simple mais qui garde à l’issue une forte empreinte et sur laquelle s’est appuyée la pléiade de cinéastes qui a continué à brandir haut le flambeau. Le premier FESPACO a été un condensé de belles images et qui a tracé les véritables sillons des FESPACO des éditions qui ont suivi. C’est fort de ces sillons que le FESPACO continue de vivre avec force et beauté jusqu’aujourd’hui. Je le dis d’autant plus volontiers que depuis un certain temps, les gens ont voulu copier le FESPACO à défaut de n’avoir pas pu le détourner à leur profit pour leur pays. Tellement bien bâti,  ce festival ne pouvait être copié ou être un FESPACO bis sur le continent.

Quels sont les réalisateurs ou les films des années 70 qui vous défilent à cet instant à l’esprit ?

Il y a l’incontournable Sembène Ousmane avec le film “le Mandat”,  le réalisateur nigérien Oumarou GANDA avec son film “Kabaskako”. Donc c’était vraiment l’époque héroïque. Les salles de cinéma de l’époque étaient  une sorte de patrimoine sur lequel s’est bâti en quelque sorte le FESPACO. Je me souviens toujours du ciné Oubri et le ciné Rialé qui étaient les deux salles principales. Je n’imagine pas un FESPACO sans salle de cinéma,  ce serait une aberration. A l’époque, ce n’était pas tous les pays qui avaient des salles de cinéma  comme la Haute Volta aujourd’hui Burkina Faso.

Aujourd’hui, on a l’impression qu’il  y a comme un manque d’engouement pour le cinéma.

Vous savez à chaque époque, ses mœurs et ses coutumes. Nous sommes aujourd’hui dans l’ère de la technologie de l’information et de la communication. Il faut reconnaitre que l’avènement des tics a été salutaire. C’est vrai qu’il est difficile d’arrêter le progrès mais le numérique a beaucoup contribué à éroder un tant soit peu l’engouement des cinéphiles pour les salles de cinéma. Ce n’est pas qu’il y a une désaffection des cinéphiles vis-à-vis des films, loin s’en faut !. Les gens continuent d’aimer les films mais le petit écran et le développement de la vidéo ont contribué à freiner un peu  l’affluence des cinéphiles dans les salles. Mais c’est aussi compréhensible parce que comme je l’ai dit tout cela participe d’une certaine façon au  développement de l’image soutenu par l’avènement des TIC. Mais je vous dis qu’il y aura une sorte de renaissance, si ce n’est pas déjà fait. Tout dépend de la qualité de la production.

Avec tout ce que vous savez du cinéma (difficultés de financement,  concurrence de la vidéo soutenu par l’avènement du numérique, quel avenir pour le cinéma africain?

Je ne suis pas un expert en la matière (Rires).  Mais je pense que la vie est d’autant plus belle lorsqu’elle est menacée et quand elle ne l’est pas, elle reste telle.

Je crois plutôt que l’impact du numérique dans le paysage audio-visuel a surtout été une sorte de levain qui a poussé et galvanisé les cinéastes à beaucoup produire et surtout, à faire en sorte que la qualité l’emporte sur la quantité. D’une certaine manière, les TICS ont éveillé la conscience des cinéastes et les a amené à comprendre davantage qu’il faut réinventer le cinéma pour pouvoir exister. Toute chose qui a conduit aujourd’hui les réalisateurs et les acteurs des métiers du cinéma  à être  plus ingénieux et   imaginatifs.  Et je crois que c’est une bonne chose.

Vous savez, c’est comme dans la presse. Avec l’avènement des TIC, les gens ont tout de suite conclu que le journal papier va disparaître. Mais depuis plus de 30 ans qu’on en parle, le journal papier se vend toujours bien.

Quel est mot de fin à l’endroit des organisateurs du festival ?

Je salue le cinquantenaire du FESPACO. Je l’ai vu naître et grandir et je dois dire que je le verrais croître toujours d’avantage. Je salue le courage de tous les acteurs, le jeu des comédiens qui ne sont pas toujours bien lotis en Afrique mais qui font preuve d’un courage et d’une passion extraordinaire. Ils aiment bien ce qu’ils font et quand on les voit, on ressent en eux la flamme de la passion.

Bon vent au FESPACO, à tous les cinéastes, les acteurs, les réalisateurs, les comédiens et aussi les cinéphiles.

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