Cinquantenaire du Fespaco : sous l’arbre à palabre avec Baba HAMA

Cinquantenaire du Fespaco : sous l’arbre à palabre avec Baba HAMA

Nommé à la tête du FESPACO en 1996, Baba HAMA s’est tout de suite atteler à renforcer les acquis de ses prédécesseurs. Pour l’Ancien délégué Général du Fespaco et Ancien Ministre de la culture, le grand écran du cinéma africain doit se poursuivre ” pour réussir le pari d’exister, de créer, de dialoguer, de rapprocher les œuvres du public et d’affirmer l’identité du cinéma africain, dans un monde en perpétuelle évolution”.

Notre invité qui a dirigé l’institution jusqu’en 2008, revient sur les grands axes de son combat durant ses 12 ans de mandata au ESPACO. Retrouvons donc Baba HAMA sous l’arbre à palabre du Fespaco en savoir davantage sur ce festival vieux d’une demi-siècle.

Le FESPACO est l’une des plus grandes manifestations culturelles crédibles du continent africain. C’est un fait indéniable. Cette notoriété est due à la détermination de l’Etat burkinabè, de la Fédération panafricaine des cinéastes (FEPACI) et des partenaires au développement qui ont décidé, ensemble, de faire de  cette importante manifestation une vitrine et un tremplin pour le cinéma  africain.

J’ai eu l’insigne honneur et le privilège de me voir confier la Direction du festival de 1996 à 2008, 12 ans au cours desquels, pour paraphraser l’homme de lettres et de culture burkinabè Me Titinga Fréderic PACERE, je me suis fait le devoir « d’ajouter la terre à la terre ». J’avais en effet hérité d’un festival forgé, bâti avec passion, abnégation et don de soi par mes devanciers, feu Louis THIOMBIANO, Alimata SALEMBERE et Filippe SAVADOGO.

Si j’ai pu maintenir le cap et poursuivre l’élan amorcé par mes prédécesseurs,  c’est grâce aux jalons qu’ils ont posés et surtout à l’accompagnement d’une part de mes collaborateurs et des acteurs du cinéma au niveau national, au niveau du continent et au niveau international, et d’autre part grâce à l’appui des partenaires techniques et financiers du festival. Je saisis l’occasion qui m’est donnée pour leur réitérer mes remerciements.

Regard rétrospectif…

Le devoir de mémoire nous impose de poser un regard rétrospectif sur l’évolution du festival.

Baba HAMA et Filippe SAVADOGO au Fespaco 95©ArtistesBF 2018

C’est une synergie d’actions de l’Etat burkinabè (tous régimes confondus), des professionnels africains du cinéma et des partenaires techniques et financiers qui a fait qu’au fil des années, le FESPACO est devenu le creuset et le lieu de découverte et de promotion des œuvres cinématographiques africaines et de la diaspora. Cela s’est  vérifié à toutes les éditions du festival, tant l’affluence des professionnels mais aussi des cinéphiles est chaque fois plus grande. A titre illustratif et pour s’en convaincre, la première édition  en 1969 avait enregistré la participation de 5 pays africains et de 2 pays européens. 24 films dont 18 africains étaient au programme. 10 mille spectateurs avaient suivi les projections.

Les statistiques sont allées dès lors crescendo au fur et à mesure que les éditions se déroulaient. A l’édition de 2007, la dernière que j’ai organisée, 170 films étaient au programme et le nombre de festivaliers accrédités était estimé à un peu plus de 5.000.

Baba HAMA en compagnie avec Alimata SALAMBERE et Filippe SAVADOGO©ArtistesBF 2018

En terme de participation de professionnels et de corps de métiers, les statistiques de cette édition 2007 étaient éloquentes: 151 producteurs, 46 distributeurs /acheteurs, 402 réalisateurs, 89 représentants de festivals, 216 techniciens de cinéma et de télévision, 52 collaborateurs artistiques, etc.

Le dynamisme du festival lui a aussi permis de tisser des relations durables de jumelages avec des festivals internationaux comme Vues d’Afrique (Canada), le Festival International du Film d’Amiens (FIFA) France, le Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF) Belgique. Cela avait donné lieu à la création d’un Conseil des festivals jumelés dont le FESPACO assurait la présidence.

Par ailleurs, le FESPACO entretient des relations  de partenariat avec les festivals de Cannes, Carthage, Berlin, Locarno, New York, Los Angeles, Mons, Milan, Ecrans noirs, Africa In the pictures  , Sithengi , Noir Toucouleur de la Guadeloupe, Quintessence, etc.

La place et le rôle du festival se sont également consolidés et ses missions se sont diversifiées au cours de son évolution. Depuis 1983, un marché du cinéma et de la télévision africains (MICA) est organisé à chaque édition.

Suite à un appel lancé à Niamey par la Fédération panafricaine des cinéastes (FEPACI), le festival a ajouté à son action la contribution à l’essor, au développement et à la sauvegarde du cinéma africain avec la création de la cinémathèque africaine de Ouagadougou chargée d’archiver, de restaurer et de sauvegarder le patrimoine cinématographique et vidéographique du continent africain.

Aujourd’hui, la cinémathèque africaine de Ouagadougou (inaugurée en 1995) possède un centre moderne de conservation et de restauration des œuvres, où sont traitées et stockées près d’un millier d’œuvres, tous genres confondus et représentatifs des cinématographies de toutes les régions d’Afrique.

Pour que vive la termitière…

A la tête du FESPACO de 1996 à 2008, j’ai contribué avec mes collaborateurs, au cours de ces 12 années, à la consolidation des acquis et ajouté des pierres à l’édifice en construction.

Il s’est agit, entre autres, de la mise en ligne en 1997 du site internet du FESPACO (le FESPACO est la toute première structure étatique à créer son site internet), de la création et l’institution du comité de sélection des films, de l’érection en 1999 du secrétariat permanent en Etablissement publique de l’Etat (EPE), de la construction du bâtiment administratif abritant le siège définitif du festival (inauguré en 2005), de l’élargissement du palmarès par la création des étalons et des poulains d’or, d’argent et de bronze, la création de trophées (à l’image du monument des cinéastes) pour tous les autres prix du palmarès officiel (2005), la création de la section films documentaires, la création du ciné-club FESPACO, la création de la section films des écoles en collaboration avec l’ISIS, l’instauration de présidents d’honneur des éditions du festival (Richard BOHRINGER : FESPACO 2005, Manu DIBANGO : FESPACO 2007…), l’instauration de la carte d’abonnement (badge) ETALON pour les cinéphiles, l’institution de plateau d’animation musicale à la place de la nation pour renforcer le volet festif et surtout pour  favoriser les contacts entre artistes musiciens et réalisateurs parfois à la recherche de compositeurs pour des musiques de film.

Au-delà des compétions de films et des activités diverses, les réflexions sur le cinéma africain ont été poursuivies sur la période 1996-2008. Les thèmes majeurs qui ont été traités dans le cadre de rencontres professionnelles ont porté sur : cinéma, enfance et jeunesse, cinéma et circuits de diffusion en Afrique, cinéma et nouvelles technologies, le comédien dans la création et la promotion du film africain, la formation et les enjeux de la professionnalisation, cinéma africain et diversité culturelle.

Baba HAMA en studio à Annecy-le-vieux avec Jean Claude de la Rocque©ArtistesBF 2018

L’avenir…

Que de chemin parcouru par le FESPACO ! Mais qu’en est-il de l’avenir ? La question se pose légitiment au moment où nous allons célébrer le cinquantenaire du festival en 2019.

La lutte se poursuit et doit assurément se poursuivre pour réussir le pari d’exister, de créer, de dialoguer, de rapprocher les œuvres du public et d’affirmer l’identité du cinéma africain, dans un monde en perpétuelle évolution.

Malgré l’apparition sur le continent d’autres manifestations et rencontres cinématographiques, la question de la distribution et de l’exploitation cinématographique reste entière. Les salles ferment. Les distributeurs se font rares. Les sources de financement s’épuisent. L’action du FESPACO qui est de révéler restera inachevée si les autres maillons de la chaîne restent inopérants.

L’espoir est cependant permis pour peu que les parties prenantes s’attèlent à une meilleure organisation et à la recherche de solutions de financements endogènes. Pour favoriser la mise en place d’une industrie cinématographique, il faudra en effet que les secteurs de la production, de la distribution, de la promotion et de l’exploitation se complètent harmonieusement.

Le cinéma évolue dans un système de marché qui suppose des responsabilités que tout un chacun doit assumer pour contribuer à son ressort. Les programmes d’ajustement structurel menés dans les années 90 dans nos pays ont porté un coup sévère aux politiques publiques de soutien aux activités cinématographiques. Cependant, en dépit de cette situation de crise, on constate une effervescence dans la production cinématographique.

Dans la recherche de solutions, il y a de la part des acteurs du secteur du cinéma et de l’audiovisuel africain une demande croissante et permanente de l’intervention des pouvoirs publics, même si le monde de la  culture attend de la puissance publique moins de gestion directe, mais tout autant d’énergie, d’analyse et  d’incitations. Si la puissance publique incarne pour beaucoup une garantie de qualité, de neutralité et de liberté, elle doit accompagner, observer mais ne pas se substituer aux acteurs culturels.

En plus des pouvoirs publics, il nous faut sans doute, face à la situation qui prévaut en matière de ressources, prendre en compte  toutes les possibilités, tous les mécanismes pouvant concourir à la mise en place de systèmes innovants  pour soutenir nos cinématographies.  La production d’un film en Afrique reste en effet un véritable parcours de combattant en dépit de la révolution numérique qui favorise l’émergence de nouveaux talents.

Une histoire envoyée par Baba HAMA, Ancien Délégué général du FESPACO

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