La déclaration Universelle des droits de l’homme a-t-elle une vocation universelle ?

La déclaration Universelle des droits de l’homme a-t-elle une vocation universelle ?

Adoptée il y a 70 ans par les Nations unies, la Déclaration de 1948 s’applique plus difficilement sous certaines latitudes. Faut-il tenir compte des spécificités culturelles locales dans l’application de ce texte ou, au contraire, réaffirmer son caractère universel ? Le débat perdure entre les juristes.
« Opposer universalité des droits et diversité des sociétés est absurde »

Magali Lafourcade, Secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme

« Les droits de l’Homme ne sont pas, comme on l’entend souvent, une création occidentale. Ils synthétisent l’indignation devant les expériences les plus tragiques auxquelles l’humanité a pu être confrontée. La déclaration de 1948 a donc clairement une portée universelle. Il n’est qu’à voir – pour s’en convaincre – la façon dont les défenseurs des droits humains se battent aux quatre coins du globe contre les atteintes à la dignité humaine.

Il est vrai qu’un contre-discours s’est structuré ces dernières décennies, récusant l’universalité des droits de l’homme, récusant aussi l’idée d’une nature humaine transcendant la diversité des sociétés. Le caractère indivisible de l’ensemble du corpus des droits de l’homme se trouve remis en question au nom des particularismes culturels ou religieux. Ainsi, la Charte arabe des droits de l’homme rompt avec la visée universaliste des droits de l’homme, notamment en s’adossant à la charia. La fronde vient aussi de pays asiatiques désireux de s’inscrire dans une tradition néo confucianiste faisant primer la communauté sur l’individu ou le droit au développement sur les droits civils et politiques.

Mais, je persiste, opposer universalité des droits et diversité des personnes et des sociétés est absurde. L’universalité des droits de l’Homme peut tout à fait s’articuler avec les différences culturelles, économiques ou sociologiques. Les droits de l’Homme sont une sorte de filet de protection minimal des intérêts les plus fondamentaux de l’être humain. Et, oui, on doit pouvoir revendiquer le fait de ne pas être torturé quelle que soit sa culture, les traditions de son pays ou son niveau de développement ! L’inverse serait intolérable.

Une fois cela posé, reste à garantir l’effectivité de ces droits. Et là, le défi est immense. Les contrôles des instances onusiennes sont utiles… mais ne suffisent pas. On a, un temps, envisagé la création d’une cour mondiale des droits de l’homme mais cela est resté une utopie. Il est plus réaliste de créer des juridictions régionales des droits de l’homme, notamment en Asie, et de renforcer les juridictions régionales existantes. Le fait que ces juridictions soient implantées à l’échelle d’un continent permet de couper court aux critiques d’un soi-disant hégémonisme culturel occidental.

Le système de la Cour européenne des droits de l’homme a permis de faire bouger les lignes en Europe à la suite d’arrêts importants. L’Afrique s’est dotée d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples qui a adopté des arrêts très innovants. Mais sa compétence juridictionnelle reste, pour l’heure, reconnue par un nombre trop limité d’États… »

« En voulant aller trop vite, on passe pour des GI des droits de l’homme » Ioannis Panoussis, Doyen de la faculté de droit de l’Université Catholique de Lille

« J’ai envie de répondre à cette question par une autre : Que met-on, exactement, derrière le terme d’universalité ? Tout l’enjeu est là. Tous les malentendus, en tout cas, découlent de là. Je m’explique : la déclaration de 1948 est un corpus universel qui renvoie, bien évidemment, à des valeurs partagées. Le texte a, très clairement, une prétention universelle. Cela étant posé, reste à savoir si “universalité” signifie “uniformité”. Je ne le crois pas. On doit pouvoir porter l’exigence d’universalité tout en acceptant une certaine forme de pluralisme dans l’application de ces droits.

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