Aristide TARNAGDA : Metteur en scène

Aristide TARNAGDA : Metteur en scène

Depuis février 2016, Aristide TARNAGDA est le nouveau Commandant de Bord de la Direction des récréatrales. Depuis cette date il s’active avec son équipe à préparer la 9è édition des récréatrales prévues du 29 octobre au 5 novembre 2016 au Burkina Faso. En ces temps pluvieux et doux du mois d’août, nous avons voulu tout savoir sur les préparatifs de ce festival. Mais avant, voici le portrait du Directeur des Récréatrales :


Aristide TARNAGDA (A.T. ) : Je suis comédien, auteur de théâtre et metteur en scène. « Et si on les tuait tous madame » est un texte écrit en résidence à Montréal et présenté aux récréatrales 2012 et que je compte reprendre à la comédie Saint Etienne. C’est le pendant des larmes du Ciel d’août. « Et si on les tuait tous madame » est l’histoire de Lamine qui va à la quête du bien être pour sa famille. Il est allé en aventure et se retrouve coincé par les conditions de vie du pays où il s’est retrouvé. Et pendant qu’il attend au feu rouge une conversation naît avec une dame qui est aussi au feu dans sa voiture. Pendant qu’il converse avec cette dame, lui apparaissent son père, sa mère, sa femme, son enfant et son ami d’enfance Robert qu’il a laissés au pays. C’est pour moi une pièce qui parle de ce que nous sommes aujourd’hui. Nous sommes permanemment à la quête d’un ailleurs parce que l’ « Ici » et le « maintenant » nous semble compliqué et nous permettent pas de rêver ou de voir un horizon prometteur.
ArtisteBF (Artbf) : Combien de pièces avez-vous écrites et publiées ?
A.T. : Il y a :
1 – «Et si on les tuait tous Madame »
2 – « Les Larmes du Ciel d’Août »
3- « Alors tue moi ! »
4 – France do Brazil
5 – Sank ou la patience des morts en cours de publication en Belgique
J’ai également fait des mises en scène comme les pièces « Juliette et Roméo », « j’en viens », « Terre rouge », « Façon d’aimer » et « Babou Roi » joué récemment au CITO

Artbf :Depuis, février 2016 vous êtes à la direction des récréatrales, comment vous sentez-vous dans cette nouvelle fonction ?.
 A.T.: Je me sens bien. L’activité est immense et demande beaucoup d’énergie. Mais Dieu merci, j’ai une équipe qui me soutient aussi bien à l’administration, à l’hébergement qu’à la scénographie. De plus en plus, on a des problèmes de production, bien sûr que ça ne manque pas mais nous essayons de tenir et de faire en sorte qu’au Rendez-vous du 29 au 5 novembre 2016 notre public et tous ceux qui feront le déplacement sur Ouagadougou vivent des moments inoubliables.

Artbf : Est-ce que véritablement cette nouvelle casquette n’empêtre pas sur vos anciennes activités ?.
Mais je suis d’abord parti des récréâtrales ; ce sont les récréâtrales qui m’ont envoyé là où j’étais. Pour moi, rien ne change. J’ai été connu à l’international par le canal des récréâtrales à travers ma pièce « Alors tue-moi ! » écrite en 2004 lors d’un atelier d’écriture organisé par les récréatrales au profit des jeunes auteurs. C’est comme ça j’ai été connu et depuis lors, je n’ai plus arrêté d’écrire. La pièce « Et si je les tuais tous Madame » par exemple est une production 100% récréatrales qui m’a permis de sillonner le monde. Le fait donc d’être à la direction artistique des récréatrales ne me désoriente pas ; bien au contraire, c’est pour moi une continuité.

Artbf :Que comptez-vous apporter de nouveau dans la conduite artistique de ce festival si nous partons du fait que changer une direction de main, c’est pour rompre avec une certaine routine et apporter un nouveau souffle à la structure ?,
 Alors j’ai un problème avec ce concept ! On continue avec ce que les autres ont fait. Nous sommes grâce aux autres. Je ne viens pas pour balayer ce qui a été fait ; c’est-à-dire, les acquis de 10 ans pour installer quelque chose à moi. Je viens pour continuer et je pense qu’on sert mieux en s’effaçant. Je n’ai donc pas la prétention d’apporter quelque chose de nouveau. Je vais y apporter mon souffle, ma vision artistique et esthétique. Je vais apporter des choses avec tous les artistes qui seront là, avec cette équipe administrative. Nous allons essayer de continuer le chemin qui va permettre aux burkinabé de pouvoir rêver, se rassembler, discuter, voir du beau et se poser des questions sur la vie. Si nous sommes rentrés dans les cours, c’est juste pour amener autre chose que du pain et de l’eau, c’est ça le but des récréâtrales. Les récréatrales, c’est une idée qui se mûrit, qui devient et qui advient. Nous allons donc laisser les choses suivre leur cours en composant toujours avec ceux qui ont mis la chose en route.

Artbf : A cette date, où en est-on avec les préparatifs des Récréatrales 2016
A.T.: Nous avons clos le côté cour. Le collège scénographique s’est retrouvé pour travailler autour de la thématique et évaluer les besoins techniques. Il s’agit déjà de voir comment habiller la Rue9.32 qui doit recevoir le monde parce que nous aurons 16 salles à équiper et 13 cours pour installer le théâtre afin de rendre les lieux agréables pour les artistes et les spectateurs. Cette année, nous prévoyons de gros plateaux, des spectacles à l’image d’une

« saison au Congo »’ avec 38 personnes sur scène ; ma mise en scène à moi fait déjà 18 personnes. Il y aura également ‘’un arc- en-ciel pour un occident chrétien’’ avec une vingtaine de personnes. Les scénographes sont aussi à pied d’œuvre pour préparer les assises pour les différentes salles. L’administration pendant ce temps est en pleine concertation pour signer les contrats, travailler à la production pour qu’on puisse avoir les moyens pour accueillir ce beau monde. Enfin, il y a l’équipe d’hébergement avec laquelle j’étais en réunion. Comme vous le savez, il n’y a pas assez d’infrastructures pour recevoir les invités. (85 à 150 personnes à loger dans les quartiers, c’est assez costaud). » C’est véritablement tous ces problèmes que nous sommes en train de résoudre en ce moment. A partir du 8 septembre c’est le collège scénographique qui va déjà se déployer dans les cours. Le 15 septembre, toutes les équipes en résidence arrivent et on commence le rêve des artistes, des poètes. Enfin, à partir du 29 octobre, c’est le lancement du festival.

Artbf :En tant qu’homme de théâtre, quelle pourrait être la contribution de la culture au retour du civisme au Burkina. ?
 A.T.: A mon avis c’est parce que les gens se sont un peu écartés de la culture que nous en sommes là. A l’heure actuelle, cette situation n’est pas seulement propre au Burkina ; elle est une situation propre au monde entier parce que simplement notre humanité ne se retrouve plus. On a un peu perdu de vue que nous ne sommes pas sur terre que pour boire de la bière, manger des pâtes et du pain puis rentrer dormir. Non ! Nous sommes sur terre pour créer du beau, du lien, du sens et ça, c’est par la culture, ce n’est pas par autre chose. Ce n’est pas en ayant des cartes de crédit ou en ayant des comptes en banque ou des V8 que nous ferons grandir l’humanité. C’est en créant du sens, du lien d’où justement le thème des récréatrales 2016 « Sortir de l’ombre » . Lors du festival, nous aurons des soirées partages dans les cours. Cette année, les soirées partages se feront autour d’une question qui est « Un autre monde est-il possible ? » Pour la circonstance, nous recevrons Aminata TRAORE du Mali et Felwine SARR du Sénégal. Pour que nous nous retrouvions, il va falloir à un moment donné que nous revenions à un projet qui est celui d’être burkinabé. C’est un projet, être Burkinabé! Qu’est-ce que ça veut dire ? Comment faire maintenant pour que ce projet ne soit pas un concept, un tee-shirt mais qu’il soit une philosophie de vie, une façon d’être chez nous et une façon aussi d’être au monde. C’est la culture qui redonne du sens et c’est elle qui va permettre aux êtres humains à travers les pièces, le cinéma ou la musique de repositionner ou de questionner. L’incivisme c’est parce qu’à un moment donné tu ne te sens pas attaché à ce pays. Tout cela arrive parce que nous nous sommes trop écartés de notre boussole qui est la culture.

Artbf : Que proposez-vous concrètement ?
A.T.: C’est la justice ! Pour moi, nous sommes en train d’errer. Comme vous le savez, notre pays a connu des soubresauts et des remous pendant 27 ans ; ça laisse des traces. Il faut donc que ceux qui nous dirigent travaillent à ce qu’on sente très clairement à établir la confiance afin de faire tomber la barrière qui existe entre eux et le reste du peuple. Pour cela, il faut rétablir la justice pour restaurer la confiance afin que nos morts pendant les insurrections ou qui sont tombés pour des bonnes causes puissent dormir en paix. Cela passe aussi par le soutien des acteurs culturels (danseurs, artistes musiciens, peintres, comédiens) qui parlent de ça ; je veux parler. Enfin il faut aussi que le citoyen ne démissionne pas ; c’est à dire qu’en tant que citoyen, tu as le devoir de respecter les feux tricolores, tes enseignants et ta hiérarchie. Pour l’instant, on navigue à vue et on attendra dans deux ou trois ans pour voir s’il y a un projet clair. Heureusement qu’à travers le théâtre, nous soulevons toutes ces questions. Il faut maintenant que les autorités viennent à nos représentations pour voir et entendre ce que nous disons. C’est de cette façon que nous apportons aussi notre pierre à la construction nationale parce que je ne suis pas politicien. Je n’ai pas la solution parce que si j’en avais une, je serai politicien tout de suite !
Patrick COULIDIATY

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