Nafissatou CISSE. Ce nom était encore méconnu il y a quelques mois. Aujourd’hui, il fait référence au film d’Apolline TRAORE à travers, « SIRA », la fiction long métrage qui a remporté l’Etalon d’Argent de Yennenga à la 28ème édition du FESPACO. Mais ce nom est surtout celui d’une femme burkinabè, désormais citée parmi les talents d’Afrique. Rencontre avec Nafissatou CISSE, l’actrice qui a incarné le rôle principal dans « SIRA ».

 

ArtsitesBF (ArtBF) : Comment est-tu passée du marketing au jeu d’acteur ?

Un de mes oncles m’a envoyé l’affiche du casting. Il m’a dit que j’avais de fortes chances d’être retenue parce que le profil recherché me correspondait. Et comme je n’avais jamais fait de cinéma, je me voyais mal me présenter à ce casting. Mais j’ai tout de même fait une vidéo que j’ai envoyée à la production. L’équipe du casting m’a appelée pour un entretien. Après cette étape, le scénario du film m’a été remis, histoire de m’entrainer pour la suite du casting. J’avoue que j’ai été très surprise d’avoir été retenue. Je n’avais jamais joué dans un film auparavant ni suivi de formation en jeu d’acteur ;  je me suis vue attribuée le rôle principal du film et je me demandais si ce n’était pas une petite farce.

ArtBF : Il parait que tu t’es évanouie plusieurs fois sur le tournage. A quel point était-ce intense ?

Oh ! C’était très intense! La réalisatrice voulait des résultats et pour ça, elle était très rigoureuse. En réalité, le tournage n’a pas été facile ni pour moi ni pour les autres. Il y avait comme une sorte de challenge et un défi à relever à tous les niveaux et ce n’était pas le moment de  jouer au fainéant. Il faisait extrêmement chaud dans  la zone où nous étions. Il fallait donc  s’y adapter et se mettre vraiment à 100% dans la peau du personnage. C’était très compliqué mais nous avons pu aller jusqu’au bout.

ArtBF : Alors parlant de difficultés, quel a été pour toi le plus gros challenge ?

C’était le viol ! Honnêtement, cette partie a été très compliquée. Il a fallu me mettre entièrement dans la peau du personnage et ressentir ses émotions. C’était très intense et je me suis demandée si les femmes qui vivaient cela ressentaient toutes ces choses. Pour une femme, ce n’était pas facile et après il m’a fallu deux à trois jours pour m’en remettre.



ArtBF : Quel était l’ambiance sur le tournage de SIRA ?

L’ambiance était cool au début. Il y avait des gens de différentes nationalités : des sénégalais, des maliens, des ghanéens, des mauritaniens, des ivoiriens, des burkinabè, etc. Je me suis faite de très belles amitiés là-bas. Mais à un moment, chacun était dans sa bulle (rires). Comme je vous le disais tantôt, il faisait très chaud. Dans la région où on tournait le film, il n’est pas tombé une seule pluie pendant cinq à six ans. Comme par miracle, c’est quand nous sommes arrivés qu’il a commencé à pleuvoir  (rires). Il y avait des jours où on ne tournait pas et tout le monde était stressé, chacun voulait rentrer chez lui. Mais malgré tout cela, on arrivait à partager nos expériences, nos vécus. Nous vivions comme une famille en fait, parce qu’il n’y avait pas que le travail. Il y avait des moments pendant lesquels, on pouvait échanger.

ArtBF : Comment c’était de jouer avec des acteurs plus expérimentés que toi ?

Au début, j’avais peur. C’était très intimidant. J’étais novice et je me demandais dans quel pétrin la réalisatrice m’avait mise (rire). Mais au final, je crois que j’ai pu le faire grâce à ces acteurs aussi. Ils m’ont soutenu, ils m’ont donné des conseils, ils m’ont aidé à bien jouer. Il y avait par exemple Ildever MEDA que j’appelle papa ou tonton, avec qui j’ai beaucoup répété une scène. C’était vraiment bien ! Il m’aidait à faire ressortir des émotions et j’avais parfois du mal à croire qu’elles émanaient de moi. Il lui arrivait même souvent de me rappeler à l’ordre en me disant,  » Ma fille, concentres toi !  » (rires). C’était un très grand honneur pour moi de travailler avec lui et tous les autres.

Sira, personnage interprété par Nafissatou CISSE, déjoue les plans des terroristes.

 

ArtBF : Qu’est-ce que ça t’a fait de jouer une scène à moitié nue ?

C’était ma première fois, alors il fallait d’abord y réfléchir. Avant même d’aller en Mauritanie, j’ai vu le scénario et mes parents aussi. Avec la réalisatrice, nous avons échangé sur le sujet. Et je me suis dit que je le faisais pour une bonne cause, et pour donner la voix  à des personnes qui n’en ont pas. C’était un défi qu’il fallait relever.

ArtBF : Est-ce que tu t’attendais à un tel succès pour ce film ?

(soupir). J’avais peur. Pas lorsqu’on était à Berlin. Là-bas, le public était estimé à près de 800 spectateurs, et c’était nouveau pour eux de voir un film africains et de connaitre les conditions dans lesquelles certaines personnes vivaient en Afrique. Mais au Burkina, j’étais très stressée. Tout le monde essayait de me rassurer en me disant que les gens aimeraient. Mais la question était surtout de savoir si le public allait comprendre ou saisir la portée du message du film, ressentir les émotions qui l’accompagnent. C’était cela ma plus grande peur. Mais au regard de l’engouement, je crois que le message est passé ; et je ressentais une certaine fierté en moi.



ArtBF : Est-ce qu’on te reconnait en public ?

Oui ! On me reconnait; même si je ne m’y attendais pas, vue le maquillage que je portais dans le film.

ArtBF : Comment cette expérience a-t-elle changé ta vie ?

Positivement ! De manière générale, je suis la personne à travers laquelle un message est passé, celui de la souffrance des femmes. Pour moi, ce n’est que le début et le meilleur à mon avis est à venir.

ArtBF : Comment gères-tu ce début de célébrité ?

Je crois qu’en toute chose, il faut garder la tête sur les épaules, rester soi-même, être humble et prendre les choses de la manière dont elles viennent. Et c’est à partir de là que nous aurons les plus belles opportunités.

ArtBF : Quelle est la suite pour toi ?

Je vais me former pour combler mes lacunes, tout en cherchant d’autres opportunités.

ArtBF : Quel message donnes-tu à toutes les femmes qui ont été violées ou qui abandonnent les bébés non désirés ?

Mon message à ces femmes, c’est de ne pas perdre espoir. Ce n’est pas facile certes, mais il faut affronter la douleur et la surmonter. Et qui sait? Dans les cas où des enfants sont nés de ces tragédies, peut-être que ces derniers pourraient être sources de belles choses pour la mère.

 W. Kevine Elodie ZABA.

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