La proposition du gouvernement en sa séance du 02 septembre 2015 en conseil des ministres relative au port du pagne faso dan fani pour le 8 mars prochain, fait des remous au sein des acteurs de la filière du textile. Si cette proposition est unanimement saluée par ces acteurs, elle garde tout de même un arrière-gout.
Pour la célébration de la journée de la femme le 8 mars 2016, deux types de pagnes sont sur le marché : le pagne “faso dan fani” et des pagnes importés. Les consommateurs sont embarrassés sur le choix du pagne à porter le 8 mars prochain et chacun y va pour le mieux. En attendant de rencontrer les vendeurs et les tisseuses sur la question, nous vous proposons aujourd’hui, l’avis de quelques consommateurs.
Rasmata MODRE, Assistante de Direction : “la solution définitive serait de réveiller l’Usine faso fani ”
Je pense que la proposition du gouvernement est salutaire parce qu’avec la mondialisation, il faut arriver à valoriser les produits locaux. C’est une bonne décision parce qu’elle va permettre à nos tiseuses de pouvoir vivre de leur métier. C’est aussi l’occasion de valoriser notre identité culturelle. Pour les pagnes importés dans le cadre du 8 mars, je ne pense pas qu’on puisse interdire l’importation parce que nous sommes avant tout dans une économie de marché ouverte à la concurrence. Il faut arriver à faire avec. Les pagnes importés sont moins chers. Avec 6 000 frs CFA, on a les 3 pagnes tandis que le pagne tissé ou faso dan fani ne fait qu’un pagne et demi.Retour ligne automatique
Pour que le pagne dan fani soit accessible à tous, je suggère que l’Etat le subventionne. C’est la matière première qui fait que le prix de revient de l’étoffe est élevé. Mais véritablement, la solution définitive serait de réveiller l’Usine faso fani .
Zoungrana ZOURATA Vendeuse de tomates; ” le FDF n’est pas cher mais c’est une question de choix” (traduit du mooré)
En ce qui me concerne, les pagnes traditionnels sont bien parce que c’est d’abord nos produits locaux. Si nous les achetons, ce sont nos enfants et nos grandes sœurs qui gagnent. L’argent va rester ici. Vous savez, nous sommes dans un monde de débrouillardise, chacun se bat pour nourrir sa famille, tout le monde veut se mettre dans le commerce pour un mieux-être. C’est pourquoi des gens se sont lancés dans le commerce de pagnes importés. C’est avec ça qu’ils arrivent à régler les frais de scolarité de leurs enfants et s’occuper de leur foyer.
Pour ma part, je trouve que le FDF n’est pas cher mais c’est une question de choix. Il y a des FDF à 5 000 frs contre les pagnes importés à 7 500 frs les 3 pagnes. Il paraît même que le FDF ne couvre pas les demandes donc, autant laisser les gens chercher se débrouiller comme ils peuvent pour se faire de l’argent.
Rihanata ILBOUDO, Assistante de Direction : “J’ai comme l’impression qu’il y a manque de coordination dans cette affaire de pagne du 8 mars et que chacun fait à sa tête …”
C’est une bonne décision parce qu’elle va permettre à nos tisseuses de faire de bonnes affaires. Mais ce qui me chiffonne un peu, il semble qu’il y a aussi sur le marché des pagnes simples (importés). J’ai même vu une entreprise de la place qui a fait sortir le pagne avec le logo du 8 mars. J’ai comme l’impression qu’il y a manque de coordination dans cette affaire de pagne du 8 mars et que chacun fait à sa tête ; en tout cas, je ne comprends pas ! Pour ma part, j’aurai souhaité comme les années antérieures qu’on s’accorde sur un seul pagne pour le 8 mars ; soit c’est le pagne traditionnel soit, c’est le pagne importé et chacun s’y conforme. J’aime le faso dan fani, mais il faudra que nos tisseuses innovent pour que ce pagne soit vraiment d’une qualité irréprochable.
Dr Cyriaque PARE : Directeur du faso.net : “Au lieu d’instaurer un faux débat, il faut faire l’effort d’acheter le pagne “dan fani ” pour le valoriser et renforcer notre économie”
Je crois que l’invitation du gouvernement ne s’adresse pas qu’aux femmes. Mais c’est tous les burkinabé qui sont invités à valoriser notre tissu traditionnel. Il y a un débat qui se pose avec l’arrivée de pagnes importés d’Asie. Déjà, les femmes reprochent aux pagnes faso dan fani d’être chers donc inaccessibles ; ce qui les amène vers les pagnes importés qui coutent moins chers. Au Burkina, les consommateurs sont prêts à acheter quelque soit ce que vous leur vendez pourvu que ce soit moins cher. Mais ils ne se posent jamais la question sur la qualité et la durée du produit. Sinon, le pagne faso dan fani est plus solide à mon avis. Il permet de valoriser notre tissu traditionnel, de créer des emplois, de valoriser le travail des tisseuses et de développer notre économie. C’est un geste patriotique que le gouvernement demande aux burkinabé en consommant nos produits locaux. Je suggère que le gouvernement prenne des mesures de protection et interdise l’importation des copies de ces pagnes.
Germaine KABORE, Chargée d’Etudes au MENA : “En achetant le faso dan fani, vous aurez contribué à aider les tisseuses à écouler leurs produits.”
C’est une très bonne décision. Pour encourager nos artisans, je crois qu’il faut passer par des initiatives de cette nature. La présence des pagnes importés sur le marché est lié au fait que des commandes avaient déjà été passées ; c’est ce que j’ai appris mais je ne sais pas si c’est la bonne compréhension. Quand des gens disent que le pagne faso dan fani est cher par rapport aux pagnes importés, je dis que ça n’a rien avoir. Ne comparons pas ce qui n’est pas comparable. Vous avez vu comment ces femmes travaillent, comment elles s’échinent pour faire sortir une étoffe ? C’est cher d’accord ; mais ça dur aussi !
Moi particulièrement, j’adhère complètement à cette idée et j’invite mes sœurs à payer les pagnes faso dan fani. Mais je dis qu’on ne doit pas se gêner à payer même les deux pagnes si on peut (faso dan fani ou pagnes importés). Que vous ayez payé l’un ou l’autre pagne, vous auriez contribué à aider ces tisseuses à écouler leurs produits. Faisons en sorte donc que ces vendeuses ou ces tisseuses ne tombent en faillite. Et la meilleure manière d’y arriver, c’est d’acheter leurs pagnes ; c’est un acte patriotique.
Un Acteur culturel : “l’Etat doit songer à subventionner le pagne”
Depuis que la proposition a été faite, on constate qu’il manque des mesures d’accompagnement. Les femmes se plaignent de la cherté du pagne. Il faudrait que dans l’avenir que l’Etat songe à subventionner le page ou faire en sorte que le prix de vente de ce pagne soit moins cher que le pagne importé. Les produits nationaux sont concurrencés par les produits asiatiques qui ne sont rien d’autres que des copies de nos pagnes tissés.
Pour moi, les pagnes faso dan fani sont de bons produits, 100% coton, et bien faits. Le fait d’inviter les burkinabé à porter ce tissu le 8 mars est une manière de participer à la construction de l’économie de notre pays.
Madame GUIRO, service TIC : “A mon avis, je suggère que l’Etat subventionne le dan fani afin de permettre aux tisseuses d’acquérir le fil à moindre cout “.
Est-ce que le faso dan fani n’est pas cher ? Je pense que l’engouement des femmes pour les pagnes importés serait d’abord lié au cout du faso dan fani. En effet, avec 7 500 frs, tu as 3 pagnes importés. Les 3 pagnes te suffisent pour coudre et même faire une chemise pour Monsieur. De l’autre côté, avec la même somme (7 500 frs voire 8 000 frs), tu as un pagne et demi (rires). A mon avis, c’était judicieux que les acteurs de ce secteur puissent parler le même langage en attendant de voir ce qu’il y a lieu de faire les années à venir. La seconde raison qui pourrait expliquer la ruée vers ces pagnes importés, c’est la faiblesse de production de nos tisseuses. Les tisseuses, ont-elles vraiment la capacité de satisfaire à la demande ; les gens se sont aussi posé cette question et je me l’interroge aussi. Pour que le dan fani connaisse de beaux jours, je suggère que l’Etat le subventionne afin de permettre aux tisseuses d’acquérir le fil et les teintes à des prix abordables.
Madame CONGO, vendeuse ” Si on achète le pagne tissé, l’argent va rester dans notre pays.”
Moi je pense que c’est bon comme décision. Bon la mesure du gouvernement va permettre à nos sœurs de gagner l’argent. Cette année, l’argent va rester dans notre pays au lieu que chaque fois, on commande à l’étranger et l’argent reste là-bas ; notre pays ne profite pas. Je trouve aussi que c’est bien parce que ça va aider les femmes qui tissent. En même temps, c’est notre culture qui est valorisée. Partout où tu vois ce pagne, tu sais que c’est le Burkina. Je préfère le faso dan fani plus que les pagnes importés parce qu’il dur.
Nous sommes encore à 14 jours de la journée du 8 mars et nous avons bon espoir qu’un consensus sera trouvé; un consensus qui prendra en compte l’avis des producteurs et des revendeurs du textile. Que proposeront-ils exactement ? Nous le saurons dans les jours à venir. Affaire donc à suivre …
Artistebf
