Littérature : La 3ème guerre du Burkina de Lona Charles OUATTARA

Littérature : La 3ème guerre du Burkina de Lona Charles OUATTARA

Nous avons rendez-vous cette semaine avec Lona Charles OUATTARA. Militaire de profession, il fait sa formation à l’école Spéciale Militaire de Saint-Cyr où il sortit avec un diplôme d’officier. De retour au pays entre 74 et 77, il dirige la Compagnie « BULGU – III  » dans le cadre de la guerre Mali-Burkina. L’ancien professeur du Général Gilbert Diendiéré a également Dirigé en 1976, le Régiment d’Infanterie Commando (RIC), actuel 11è RIC en qualité de Chef d’Etat Major. Bien qu’étant admis à la retraite aujourd’hui, le Colonel  Lona Charles OUATTARA continue d’être actif et prêt à servir son pays. Il est auteur depuis 2019 de  04 publications dont  » La Troisième guerre du Burkina », un livre dans lequel il met le doigt sur la situation sécuritaire du Burkina et les conditions pour sortir de ce bourbier.

Dans les lignes qui suivent, le Colonel Lona Charles OUATTARA explique pourquoi le France éprouve tant de difficultés à vaincre l’ennemi dans « cette 3è guerre » dans laquelle se trouve plongé le Burkina.

« L’erreur serait comme nous l’entendions ici et là,  d’aller chercher des soi-disant Russes parce que ce sera la catastrophe totale. »



Col. Lona Charles OUATTARA (Col. LCO) : Je suis un ancien militaire, un officier à la retraite et tout bon officier doit pouvoir prévoir. Dès le début de cette guerre en 2015, j’avais toujours dit que nous étions en guerre. Je dis que les escarmouches que l’ennemi commet sont des ballons d’essai en vue de tester nos points de vulnérabilité, notre solidité et notre capacité de dissuasion militaire. Je l’ai dit et répété sur tous les plateaux radio et télé. Je ne suis pas quelqu’un qui s’en dort sur des phénomènes aussi importants. Et quand on commence à vous attaquer, à vous harceler, à tendre des embuscades à vos forces régulières, vous devez savoir qu’il s’agit d’une guerre. Malheureusement, les gens ont toujours considéré que c’était du terrorisme. Mais le terrorisme, on en vient à bout parce que si ce sont des terroristes, ils sont incapables d’occuper une zone ou un terrain donné.! Et c’est toute cette confusion qui nous a amené la situation actuelle. Mais moi, j’étais déjà sur mes gardes et j’ai déclaré que le Burkina est en guerre !

Burkina7Seven (B7 ) : Contre qui ?

Col. LCO : Contre un ennemi que malheureusement on n’a pas encore pu définir. Et là, c’est une erreur; vous comprenez ? On ne peut pas mettre six ans sans avoir pu définir qui nous attaque !!!

B7 : Nous sommes dans la troisième guerre dites-vous; et quelles sont les deux premières guerres ?

Col. LCO : Oh mais c’est dommage ! On n’a pas besoin de lire le livre pour le savoir. Un burkinabè bien éveillé et qui s’intéresse aux questions de son pays doit savoir qu’en 1974, nous avons eu le premier conflit armé avec le Mali. Et qu’en 1985, c’est-à-dire une dizaine d’années plus tard, on a eu un deuxième conflit. Et celui -là, c’est le 3ème conflit ; c’est la 3ème guerre du Burkina.

B7 : Qui nous attaque selon vous ?

Col. LCO : Moi je ne suis pas obligé de le savoir. Je ne suis pas aux commandes. Je ne suis pas responsable de cette analyse. Il y a un Président de la République, Chef suprême des armées, un Chef d’Etat Major Général des armées, un Ministre de la Défense. C’est à ceux-là qu’incombe le rôle de nous définir qui nous attaque. Je ne peux pas en tant que citoyen. Mais je devine que ce sont des gens qui nous attaquent pour occuper notre pays, pour se faire une partition ou pour remettre en cause les limites territoriales de notre pays. !

B7 : Certains observateurs pensent même que c’est la France qui impose cette guerre à l’Afrique entière

Col. LCO : De la plaisanterie ! Je ne suis pas dans le complotisme. Vous ne pouvez pas demander aux Français de vous aider et en même temps les accuser d’être derrière notre ennemi.



B7 : Et comment expliquez-vous que malgré la présence des militaires français les attaques continuent de s’amplifier ?

Col. LCO : Un pays raisonne en termes de stratégie et de globalité. Il faut des preuves tangibles que la personne que vous incriminez est vraiment derrière l’affaire. On ne peut pas raisonner ainsi quand on est responsable d’un pays ou chef d’une armée. Et là, ce ne sont que des supputations. Quand vous aurez les preuves que ce sont les français qui sont derrière notre ennemi, j’accepterai. Je précise que je ne fais pas l’avocat du Diable mais c’est le bon sens !

B7 : Alors la question est là ! Comment expliquez-vous qu’ une grande puissance comme la France n’arrive pas depuis 5 ans à venir à bout de cette insécurité ?

Col. LCO : Bonne question ! Très bonne question ! Vous savez que le Burkina déploie 20 000 hommes. L’armée burkinabè à ce jour compte approximativement 20 000 soldats. Notre pays a demandé que la France vienne avec 5 500 hommes. D’accord ? Divisez donc 5 500 hommes par 5 pays du G5 Sahel (Le Niger, le Mali, le Burkina, le Tchad et la Mauritanie). Vous trouvez environ 1 100 hommes par pays. Et vous attendez donc que seulement un millier de français défendent le Burkina Faso, un boulot que 20 000 soldats burkinabè n’ont pas pu faire. Qu’est-ce que cela traduit exactement ? Qu’un soldat français est 20 fois meilleur à un soldat national ? Faites le rapport ; c’est de l’arithmétique ! 20 000 hommes n’arrivent pas à faire un boulot et maintenant que c’est un millier d’hommes qui n’arrivent pas à faire le même travail, nous crions à la trahison. Ce que nous devons savoir, c’est que personne ne viendra mourir pour nous. Mettons cela à l’esprit parce qu’aucune nation ne viendra se faire trouer la peau à notre place. Si tel était le cas, il faudrait alors que les intérêts soient clairs, colossaux et disproportionnés.

Vous me donnez ainsi l’occasion de dire que l’erreur fondamentale que nous avons en Afrique, c’est de penser que l’aide, c’est la substitution, l’assistanat total et sans contrepartie. Mais c’est dommage de penser que les Nations Européennes, occidentales d’une manière générale ont la même âme que nous. En Afrique, nous débordons d’humanisme au point de penser que quand on dit aide, tout doit être cadeau ; ça ne marche pas. Vous pourrez remplacer la France par n’importe quelle nation blanche, ce sera pareil ! Pire ! Avec les Français, nous avons une histoire commune dont la durée avec le temps nous a permis de parler et d’écrire la même langue. Et c’est cette même langue (le Français) qui nous permet de nous unir à l’intérieur du pays étant donné que nous ne sommes pas encore une nation. Alors faisons attention ! Et ne pensons pas que nous pouvons aujourd’hui finir avec les Français. Mais l’erreur serait comme nous l’entendions ici et là,  d’aller chercher des soi-disant Russes parce que ce sera la catastrophe totale.

Source :  Burkina7Seven

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