39è anniversaire de la révolution d'Août 83: Etat des lieux avec Yéli Monique KAM

39è anniversaire de la révolution d'Août 83: Etat des lieux avec Yéli Monique KAM

C’est en 1983 et le 04 août précisément de la même année qu’un groupe d’officiers dirigé par la Capitaine Thomas SANKARA s’est emparé du pouvoir. En lieu et place des régimes bourgeois et capitalistes jusque-là connus en Haute -Volta depuis son indépendance  en 1960,  les jeunes officiers mettront en place un régime révolutionnaire avec une dictature prolétarienne. Depuis lors, le Conseil National de la Révolution (CNR) qui est l’organe dirigeante opérera à un profond bouleversement sur tous les plans dont notamment, le changement du nom du pays, l’hymne national, les couleurs nationales. Malheureusement cet élan patriotique n’a duré que 04 ans avec l’assassinat  en 1987 de Thomas SANKARA,  par son frère d’armes Blaise COMPAORE.

A l’occasion de ce 39 ème anniversaire de la révolution d’Août et en prélude de l’indépendance du Burkina le 05 Août 1960, la Présidente du Mouvement pour la Renaissance du Burkina (MRB), Yeli Monique KAM fait l’état des lieux et un brillant réquisitoire pour l’indépendance effective du Burkina. vidéo :

Monique Yéli KAM (M.Y.K) : permettez-moi de reconnaître et de saluer la contribution des journalistes dans le renforcement de ce processus d’indépendance de notre pays. Vous m’avez proposé d’analyser et de donner mon avis sur la date du 04 août 1983 et celle de l’indépendance en 1960 de la Haute Volta aujourd’hui, Burkina Faso.

Alors, l’avènement de la révolution en 1983 est simplement pour moi une étape du processus d’indépendance.



Comme nous le disons bien, la proclamation de l’indépendance, c’est une formalité écrite. Il s’agit maintenant pour nous de rendre cette indépendance effective. Et c’est là qu’il faut comprendre l’avènement de la révolution en ce sens qu’elle (la révolution) est venue rendre effective notre indépendance formelle acquise en 1960.

En regardant aujourd’hui dans le rétroviseur, on se rend compte que notre pays a connu plusieurs étapes avant d’accéder à la proclamation de son indépendance. Je précise que toutes les étapes de cette période pré-coloniale n’avaient pour motivations que des visées économiques.

Les différentes étapes 

Il y a eu d’abord la période pré-coloniale marquée par le commerce triangulaire entre l’Afrique, l’Europe et l’occident. L’Afrique a donc rencontré la métropole qui est venue sur son continent à la recherche des opportunités. C’est une rencontre qui été marquée par des transactions essentiellement économiques dont le commerce triangulaire. La seconde étape, c’est la guerre des conquêtes dont l’objectif était de se partager l’Afrique. Cela a eu pour conséquence, la balkanisation du continent africain. Pour ce qui est du cas précis de la Haute volta, c’est la dislocation du territoire à partir de 1919. Mais grâce à l’ingéniosité des souverains mossis de Ouagadougou, le territoire de Haute-volta a pu être reconstitué en 1947.

La 3ème étape post-coloniale a été le protectorat qui a placé le territoire et les royaumes de la Haute-volta sous la domination de la France. La Haute-volta était tout simplement une colonie sous tutelle française.

La 4ème époque, c’est la colonisation avec des lois indigènes. La Haute-volta fonctionnait comme une préfecture de la France. Comme vous pouvez le constater, toutes ces périodes ont été marquées par des luttes et la résistance. Durant toutes ces périodes, l’Afrique a perdu beaucoup en termes de ressources, de richesse et en bras valides. Et c’est cela qui justifiera plus tard, les indépendances des territoires africains, des faits précipités en 1889  lors de la conférence internationale de la paix à la Haye.

A cette conférence donc, il a été décidé de la nécessité de libérer les anciennes colonies. Ainsi, l’ONU prend le slogan : Paix, Dignité et égalité sur une planète saine et s’emploiera à faire en sorte que tous les peuples sous domination coloniale accèdent à leur indépendance. En décembre 1960, la résolution 1514 fut adoptée et décide  d’accorder l’indépendance aux peuples encore sous domination coloniale.

Depuis l’indépendance formelle en 1960, où en sommes-nous aujourd’hui ?



Pour ce qui est du Burkina Faso, ce jour 04 août 2022 devrait en principe être consacré au bilan. Après 62 ans d’indépendance, où en sommes-nous? Jouissons-nous pleinement des droits que nous confère notre statut de pays indépendant ? Pour répondre à cette question, nous nous sommes référés au contenu de la résolution 1514 de 1960. Cette résolution en effet définit judicieusement les contours d’un Etat souverain à savoir  :

  • Une population permanente,
  • un territoire déterminé,
  • un gouvernement qui refuse la subordination à un autre Etat et qui établit des rapports de coopération réciproques avec des intérêts équilibrés dans un respect mutuel.
  • Enfin, un Etat souverain est celui qui est libre d’établir des relations avec tout autre Etat de son choix. Elle dispose d’une armée régalienne, une justice endogène plurielle, une souveraineté monétaire.

Partant donc de ses caractéristiques sur la base de la résolution 1514, nous nous rendons compte que notre pays n’est pas encore indépendant. Avant la révolution d’Août 83, ce sont trois (03) gouvernements qui se sont succédé. Il s’agit de Maurice YAMEOGO, Sangoulé LAMIZANA et de Seye ZERBO. Malheureusement, aucun des gouvernements au nombre de sept (7) y compris celui de Roch Marc KABORE n’a pu terminer son mandat. Ce qui veut dire que jusqu’à cette date du 04 Aôut 2022, que nous n’arrivons pas à offrir le bien être à nos populations.

Au Burkina, avec cette crise multiforme marquée par une pauvreté abjecte qui nous fait perdre notre dignité, nous sommes loin du Slogan de l’ONU qui est : « Paix, dignité, égalité » . Notre indépendance telle qu’elle se présente aujourd’hui est aliénée et prise en otage par la France qui nous maintient dans une sorte de traité de protectorat. Allez visiter le site web de l’Ambassade de France notamment dans sa rubrique « Archives France » et vous vous rendrez compte que notre pays n’est pas encore indépendant.

En effet, la France déploie des fonctionnaires à tous les niveaux de notre administration : Sécurité, éducation, l’eau, les infrastructures, la gouvernance et même la gestion des OSC … etc. Malheureusement encore une fois, les journalistes que vous êtes ne s’intéressent pas à ces aspects.

Le HIC, ce sont des fonctionnaires qui ne sont même pas productifs. Ils sont aux premiers rangs dans toutes les conférences publiques et ce sont eux qui lisent les documents stratégiques et qui nous orientent. Ils interviennent dans 58 ONG et financent même les OSC. Et  ce sont justement dans les zones où ces ONG étaient hier très actives qui sont aujourd’hui sous défis sécuritaires et sous l’emprise des groupes armés. Il faut dire la vérité ! Et c’est le lieu pour tous les Burkinabè de faire un état des lieux de la Coopération française au Burkina. Quelle est réellement la contribution de la France qui, au chevet d’un malade refuse que ce dernier bénéficie de l’assistance ou la diversification d’autres partenaires ?

C’est pourquoi, nous nous levons pour dénoncer ces accords de coopération. Nous tenons pour responsable la France à travers sa coopération qui nous prend en otage, qui déploie des espions dans notre administration et qui vole nos ressources. Nous tenons la France pour responsable dans ce conflit qui mine notre pays et dans l’expansion terroriste dans la sous région. Le Burkina n’ayant pas une souveraineté monétaire, on se demande donc comment les groupes terroristes arrivent à s’approvisionner et à se faire payer leur prestation. La France a tenu notre population dans une pauvreté abjecte de sorte qu’elle soit vulnérable et facile à recruter par les groupes armés.

Aujourd’hui, nous disons NON à la France, NON à son arrogance, au mensonge et au pillage. Prenant la communauté internationale à témoin, nous revendiquons notre indépendance selon la résolution 1514. Nous exigeons du même coup le départ de l’Ambassadeur de France au Burkina pour ses propos discourtois.

Le Burkina doit se tourner vers de nouvelles orientations aujourd’hui ?

Le Burkina doit se retourner vers de nouvelles orientations. Nous voulons disposer d’une autonomie de gestion, une autonomie pour décider de nos politiques. Désormais, nous voulons établir des règles de réciprocité dans tous les accords et dans les relations diplomatiques. Nous voulons mettre en œuvre notre propre politique agricole, nous voulons refonder notre système éducatif et l’arrimer à l’agriculture pour une auto suffisance alimentaire, nous voulons réviser le code minier, avoir une liberté de gouvernance dans le secteur minier et dans la gestion des ressources naturelles.

Nous nous levons contre la politique française, avilissante et asservissante.

Au plan de la gouvernance démocratique et des élections, nous voulons disposer de notre autonomie, être libres de choisir notre calendrier électoral.

Au plan de la gouvernance économique et en lien avec l’exploitation de nos minerais, nous voulons mettre en place des projets endogènes en vue de réduire la pauvreté.

Au plan de la sécurité, nous voulons une diversification des partenaires.

Au plan diplomatique, nous voulons une diplomatie au service de l’économie, nous soutenons le processus du retrait du franc CFA au profit d’une monnaie africaine. Nous dénonçons  la CEDEAO pour sa complicité avec la France.



« Je fais sienne la parole de Thomas SANKARA »

La date du 04 Août est également une date repère pour la libération de la femme. En effet, les femmes en termes d’effectif numérique sont majoritaires (près de 52% de la population). Mais elles sont peu représentées dans les instances de décision de notre pays. C’est pourquoi, comme l’a dit Thomas SANKARA, La libération de l’Afrique et celle de la femme sont un même combat . C’est pourquoi, nous répondons à cette vocation ; c’est-à-dire, être une actrice, être une citoyenne qui va contribuer à la libération de notre pays. A propos de la femme, voici ce que Thomas SANKARA a prononcé lors d’une conférence de la femme. « Je parle au nom des femmes du monde entier, qui souffrent d’un système d’exploitation imposé par les mâles. Pour ce qui nous concerne, nous sommes prêts à accueillir toutes les suggestions du monde entier nous permettant de parvenir à l’épanouissement total de la femme burkinabè. En retour, nous donnons en partage à tous les pays l’expérience positive que nous entreprenons avec des femmes désormais présentes à tous les échelons de l’appareil de l’État et de la vie sociale au Burkina Faso ».

Je fais sienne la parole de Thomas SANKARA  et je vais au combat en tant qu’actrice du changement.

Femmes hommes jeunes, à l’occasion de ce 04 Août 2022, je suggère deux postures. La première est d’apprendre à connaître notre histoire. Les informations sont disponibles partout dans les archives sur internet. Nous devons aller à la conquête du savoir. Nous devons nous appuyer sur notre histoire pour nous libérer.

Ensuite, assumer notre responsabilité. Prendre part à la lutte et assumer chacun sa responsabilité parce que nous sommes à une étape décisive d’un bouleversement mondial où chacun doit assumer sa mission dans ce processus de libération du continent africain et du Burkina en particulier. J’invite chaque burkinabè à s’impliquer dans ce combat, que chaque burkinabè apporte sa pierre à l’édification d’un Burkina Faso uni, souverain, prospère et stable !

Propos recueillis par Patrick COULIDIATI

NB : Les sous titres sont de la rédaction

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