Alice Solange Tiendrébéogo, Professeur d’Histoire . « Mon père a –t-il démérité ?

Alice Solange Tiendrébéogo, Professeur d’Histoire . « Mon père a –t-il démérité ?

Elle a été longtemps ministre de  l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation de Masse. Elle, c’est Madame Alice TIENDREBEOGO, professeur d’histoire de formation. Depuis le 25 mai 2010 et en dépit de tous les postes occupés, elle porte désormais une n-ième Casquette, celle d’écrivaine. En effet,  c’est depuis le 25 mai 2010 qu’elle a procédé  au lancement d’un ouvrage consacré à la vie de son défunt père, Philippe Zinda KABORET. Pourquoi a-t-elle  écrit ce livre ? Les explications dans cet entretien.

Alice Solange Tiendrébéogo (A.S.T) : Je  suis Alice Solange Tiendrébéogo, fille du premier député de la Haute Volta à l’Assemblée Nationale Française anciennement appelée la « Haute Côte d’Ivoire. » Professeur d’histoire de formation, je suis aussi  titulaire d’un Doctorat de 3ème cycle en sciences de l’Education. J’ai longtemps enseigné dans les lycées et collèges, à l’université, particulièrement à l’Institut National des Sciences de l’Education. J’ai occupé plusieurs postes ministériels dont celui de l’Action Sociale, de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation de Masse, et de la Promotion de la Femme. Enfin, après un passage éclair à l’Assemblée Nationale, je suis aujourd’hui Directrice du Fonds pour l’Alphabétisation et de l’Education Non Formelle. Je suis Mariée et mère de Six enfants.

Artistebf : Comment doit-on vous appeler aujourd’hui, Professeur ou l’Ecrivain Tiendrébéogo ?
Alice Solange Tiendrebéogo (AST) : Bon ! je préfère Professeur parce que je suis restée plus longtemps professeur qu’écrivain.



Artistebf : Après un passage éclair à l’Assemblée Nationale, vous êtes aujourd’hui Directrice du Fonds pour l’Alphabétisation et de l’Education Non Formelle. Pouvez-vous nous parler de vos responsabilités actuelles ?
A.S.T : Le fonds pour l’alphabétisation et l’Education non formelle, a pour objectif le financement des organisations et associations dont l’activité principale est orientée vers  l’alphabétisation. Nous sommes dans la stratégie du « faire faire » et dans cette stratégie, chacun a son rôle à jouer. C’est pour des raisons d’efficacité, que l’alphabétisation a été confiée aux organisations et aux associations. En d’autres termes,  l’Etat ne s’occupe donc plus de mener directement des actions d’alphabétisation mais il définit la politique et assure le suivi.

Artistebf : Nous ne savons pas si c’est la bonne compréhension, mais il nous semble que vous portiez aussi une autre casquette, celle de l’éducation de la fille. Vous n’en avez pas évoquée !
A.S.T : Oui ! Comme j’ai travaillé très longtemps dans ce domaine, j’ai trouvé qu’il était important de faire l’alternance. C’est la raison pour laquelle, je me suis retirée de la Direction exécutive pour rester Présidente d’Honneur de FAWE /Burkina

Artistebf : Professeur Tiéndrébéogo, le 25 mai 2010, vous avez procédé au lancement d’un ouvrage consacré à la vie de Philippe Zinda KABORET, votre père.  Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?
A.S.T : En fait, Philippe Zinda KABORET est décédé très jeune et c’est pour ça que les gens savent peu ou pas du tout  de ce qu’il a fait. A ce sujet, j’ai été approchée à maintes fois par de nombreux  étudiants, qui souhaitaient savoir beaucoup sur sa vie. Ce qui m’a encore plus  motivée, c’est le fait que les gens remettaient de jour en jour en cause les mérites et les luttes que Philippe Zinda KABORET a eu à mener. Vraiment , cela m’a choquée ! et du coup, je me suis donc  décidée à rechercher la vérité. C’est ainsi que j’ai commencé à rassembler tous les documents le concernant . D’abord à la sous préfecture de Nanoro puis à l’Assemblée Nationale Française pour reconstituer les faits.
« Philippe Zinda KABORET, un Héros de la lutte Anti-colonniale » est le titre du livre que j’ai écrit après quelques années de travail et dont le lancement a été fait  le 25 mai 2010, date anniversaire de son décès.

Artistebf : Qu’est-ce que vous avez finalement développé dans ce livre ?
A.S.T : Nous avons tous appris à partir du livre d’histoire du CM2, que c’est Philipe ZINDA KABORET qui avait œuvré à la reconstitution de la Haute Volta. C’est du moins l’image que j’avais gardée de lui. Mais je me suis rendu compte qu’au-delà de la reconstitution,  Philippe ZINDA KABORET fut l’un des pères fondateurs du RDA.  Militant très engagé, il a vraiment  lutté contre le colonialisme et la féodalité. C’est un aspect que les gens ignoraient ! Malheureusement, après sa mort  il n’y avait plus eu de trace parlant de sa lutte. Vous comprenez que dans de telles circonstances, la difficulté avec laquelle  j’ai eu à reconstituer la vie du personnage.

Artistebf : Vous écrivez un livre à un moment où la lecture tend à la baisse ; les gens lisent de moins en moins. Pourquoi n’avoir pas choisi par exemple de faire un film documentaire sur la vie de feu votre père ?
A.S.T : Il me manquait peut-être la compétence pour le faire en documentaire. Mais déjà, le livre constitue  une base à partir de laquelle, on peut réaliser un film documentaire ou une BD (une bande dessinée).

Artistebf : Professeur Tiendrébéogo, vous étiez tout à l’heure en train d’écouter la musique à partir de votre ordinateur. Ce qui nous laisse croire que vous êtes un fan de la musique . A ce propos justement, quelles sont vos impressions sur la musique d’aujourd’hui ?
A.S.T : Pour ce qui est de la musique, je dirai que je suis déphasée. Moi je préfère la musique d’avant (rire) ; je préfère l’harmonie voltaïque de l’époque. Pour être franche, Je n’aime pas danser mais j’aime surtout écouter.

Artistebf : Où peut-on acheter  votre livre ?
A.S.T : A la DIACFA au prix de 5000 frs CFA



Artistebf : Votre dernier mot.
A.S.T : Disons que, je suis un peu… je ne sais pas quel  terme employer. En tant que professeur d’histoire, je pense qu’il est important pour chacun de savoir d’abord d’où l’on vient. Les jeunes doivent savoir que leur époque est totalement différente de celle de leurs grand- parents. Je sais que la vie n’est pas aussi facile pour eux;  mais ce n’est pas pour autant qu’il faut oublier Ouézzin COULIBALY,  Philippe  Zinda KABORET et leurs camarades de l’époque qui se sont farouchement opposés aux travaux forcés et à la colonisation. Ne pas en parler aujourd’hui ou ignorer  l’histoire de ces gens serait, à mon avis, très grave. J’ai comme l’impression que le burkinabé n’a pas tendance à reconnaître le mérite des autres. Il faut que les autorités fassent quelque chose pour réhabiliter et perpétuer  la mémoire de ces grandes figures de l’histoire du Burkina. C’est vrai qu’on a donné le nom de mon père à l’un des plus grands lycées du pays (le Lycée Philippe Zinda KABORET) et beaucoup de gens se demandent  d’ailleurs pourquoi ? Parallèlement à cela, le Jardin qui est en face de la Marie Centrale de Ouagadougou qui s’appelait « le SQUARE PHILIPPE ZINDA KABORET » a été débaptisé sans qu’on ne connaisse la raison. Pourquoi  a-t-on débaptisé ce jardin ? Mon père a –t-il démérité ? Est-ce que tous les hauts personnages de notre pays ont des rues qui correspondent à leur valeur ? Quand je vois par exemple écrit : « AVENUE GUILLAUME OUEDRAOGO »,  alors tout de suite une question me vient à l’esprit : qui est en fait  GUILLAUME OUEDRAOGO ? et qu’à-t-il fait ?. Vous voyez ! il y a tant de questions comme ça sur lesquelles les jeunes n’ont pas de réponses. Le Général  Sangoulé LAMIZANA a dirigé le pays pendant des années et la sagesse avec laquelle il a géré le pays méritait aujourd’hui qu’on donne son nom à un aéroport plutôt qu’à une simple rue.
A mon avis,  quand on a une histoire et qu’on est  fier d’elle, il faut se fixer des objectifs. Pour ce qui de la jeunesse actuelle, il faut lui assigner des objectifs parce que nous avons à construire notre pays. Or construire un pays, passe par quoi ? c’est par le courage, le travail et  l’intégrité. Ce sont des valeurs que nous devons cultiver dans les mentalités des jeunes ; et pour le faire, il faut que les gens aient des repères, des personnages  auxquels  s’identifier. Je crois qu’il faut surtout compter sur ces valeurs plutôt que sur les facilités.
A propos du cinquantenaire qui est aujourd’hui d’actualité, il ne suffit pas de dire c’est bien ou c’est mal. Je pense que c’est vraiment un moment de rétrospection et de questionnement. Qu’est-ce qu’il faut faire ? quels sont les chemins que nous avons empruntés et qui nécessitent aujourd’hui d’être corrigés ? Quelles sont les nouvelles voies à suivre pour éviter les erreurs du passé. Aussi, gardons à l’esprit que nous sommes dans le cadre de la mondialisation et le Burkina Faso n’est pas en reste de ce système qui a aussi ses lois et ses barrières. Dans l’ensemble, après 50 ans d’indépendance, Chaque génération a essayé de faire ce qu’elle peut.

Patrick coulidiaty

 

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