Report du Fespaco 2021, faut-il réinventer le Fespaco ?

Report du Fespaco 2021, faut-il réinventer le Fespaco ?

« Il  est exclu pour le Burkina Faso de faire  une impasse sur cet évènement qui constitue la voie du cinéma africain dans le monde… Nous ne devons pas faillir au nom des devanciers et aussi de la place stratégique du FESPACO en Afrique et dans le monde » Ces propos sont de l’ex-ministre en charge de la culture, Abdoul Karim SANGHO, des propos prononcés peu après l’ouverture d’un l’atelier de réflexion dans le cadre de la tenue du Fespaco 2021. Aujourd’hui, ces propos seraient en déphasage avec l’actualité.

En effet, avec la recrudescence de la pandémie à coronavirus ces derniers mois, le gouvernement du Burkina Faso a décidé du  report de la biennale pour une date ultérieure.

Cette nouvelle  qui tombe comme un coup de massue laisse un arrière goût quelque peu amère. Il ne fait plus de doute que le Fespaco et les africains, c’est bras dessus, bras dessous il y a 50 ans de cela.

A travers un micro trottoir, nous proposons de lire les appréciations de quelques professionnels du cinéma sur le sujet. Mais avant, voici la réaction de SEM Luc HALLADE, Ambassadeur de France au Burkina.

C’est triste ! Le monde culturel, que ce soit au Burkina, en France, en Europe ou ailleurs, les artistes souffrent, la culture souffre. Le Fespaco est une belle fête, tellement de gens qui assistent aux heures de cinéma que je peux comprendre effectivement que c’était délicat de le tenir dans le contexte actuel. C’est dommage et c’est triste. J’espère que ce n’est que reporté et qu’on l’aura d’ici quelques mois ou au plus tard l’année prochaine. Évidemment c’est triste pour tous les cinéastes africains, pour les organisateurs. Mais encore une fois, on espère que ça leur laissera plus temps pour mieux l’organiser quand il se tiendra.

Pouvez-vous revenir sur votre lettre relative au report du Fespaco 2021.

Merci pour cette l’invitation, tout d’abord, on est tous conscients de la situation de cette pandémie qui sévi aussi bien sur  le continent Africain qu’en Europe.  On n’a eu plusieurs vagues  sur le continent Européen que sur le continent africain et donc, il était de notre devoir de pouvoir réfléchir sur la tenue de cette édition du FESPACO. L’impact de cette pandémie a été très-très dure pour les producteurs, les réalisateurs et les distributeurs. Vous savez que pour faire un film, ca nécessite beaucoup de temps, beaucoup d’échanges entre réalisateurs, producteurs et partenaires financiers. Vous savez aussi que la fabrication des films, la majorité des films africains ont toujours besoin dans leur stratégie de coproduction, ont toujours besoin de finir la post-production dans les pays européens. Vous le savez autant que moi que la question de la post-production en Afrique est encore à revoir, elle n’est pas encore bien développée. Et du coup ça a joué sur la qualité des films. Voici donc pour moi les deux raisons qui nous ont poussés avec bien sûr le gouvernement, à prendre cette décision du report.

« On n’a pas besoin de trop réfléchir pour comprendre la raison du report « 

Lire : Ousmane BOUNDAONE, « On n’a pas besoin de trop réfléchir pour comprendre la raison du report « 

Voulez-vous dire que toute la vérité n’a pas été dite pendant l’atelier de réflexion qui s’est tenu le 12 octobre 2020 en vue de la préparation du festival ?

Cet atelier de réflexion entrait dans le cadre de la première vague de la pandémie qui sévissait sur le continent. Et à l’époque,  on était tous conscients et optimistes que la pandémie allait passer, on n’était pas encore dans les questions de la nouvelle variante, de la recrudescence. On avait plusieurs Formats et plusieurs propositions avaient été faites. Mais aujourd’hui, on se rend compte que la recrudescence est plus forte. Donc, il est de notre devoir, bien vrai que le FESPACO après tout ça c’est un festival de cinéma, c’est la culture de notre pays et de tout le continent africain, mais aussi un festival qui a une responsabilité. Et pour nous, cette responsabilité citoyenne  nous tient beaucoup à cœur.

Mais il n’y a que des festivals privés comme Ouaga Films Labs, les récréatrales et le FIDO qui se sont déroulés dans le même contexte et qui drainent aussi du monde et des festivaliers étrangers.

C’est quand même un peu étonnant de vouloir comparer le FESPACO à ces festivals. On ne peut pas comparer OUAGA-Film-Labs, les récréatrales à la dimension du FESPACO. A la cérémonie d’ouverture et de clôture du Fespaco, nous avions un minimum  de 40 000 spectateurs auxquels s’ajoutent les professionnels et la population de Ouagadougou.  Et pour les réunions, nous avons 200 000 personnes qui se sont réunis en 10 jours au niveau de la capitale burkinabè. Vous imaginez que l’impact et le risque qu’on prend sont  assez énormes. Et les festivals dont vous parlez se tenaient au moment où la pandémie était encore quasi -imperceptible au niveau du Burkina Faso. On ne peut pas prendre le risque de mettre quand-même 200 000 personnes en 10 jours face à cette maladie. Et comme je le disais tout à l’heure, nous sommes un festival de cinéma, un festival panafricain et le travail que nous menons, n’est pas juste  pour le Burkina seulement. Le FESPACO, c’est quand même pour tout le continent africain et au-delà. En toute responsabilité, le gouvernement a pris la bonne décision selon moi.

Lire aussi :  Sékou TRAORE  » On allait tenir un festival avec peut-être 07 films. Un étalon qui sortirait de ce festival, est-ce que le lauréat serait fier ? Ce  serait un étalon au pied cassé. 

Avez-vous bénéficié de quelques conseils de vos amis Européens ?. Que vous  ont-ils dit exactement à propos de la tenue de la 27ème édition ? C’est entre nous ! Nous  vous promettons de taire le secret !

Je crois que j’ai été nommé par le gouvernement du Burkina Faso. Je suis un fils du Burkina Faso et je travaille pour le FESPACO. Je ne travaille pas pour des festivals à l’extérieur. Il est évident qu’un festival à l’envergure du FESPACO est en communication et en concertation avec de nombreux festivals partenaires. La décision a été prise par le gouvernement Burkinabè que je respecte.

Comment comptez-vous soutenir les professionnels  qui avaient déjà préfinancés leurs projets sur la base des conclusions de l’atelier du 12 octobre 2020 qui laissaient voir un certain espoir quant à la tenue du Fespaco 2021 ?

La décision qui a été prise est de pouvoir préserver la santé des burkinabè. Et dans toute entreprise, dans toute activité qu’on mène à un certain moment, il y a des risques. On était tous conscients que la pandémie était là et qu’il fallait prendre des mesures. Et à propos de l’atelier dont vous parlez, il n’y avait pas la question de cette deuxième vague dont -il  est question maintenant. Mais en même temps aussi, nous pensons que prendre une décision pour pouvoir maintenir la santé des citoyens est plus important que l’aspect économique. Comme on le dit dans notre jargon habituel, « La santé avant tout… ! »

Lire aussi : Jean Baptiste OUEDRAOGO, » Ce report est la manifestation d’un pays responsable. C’est vraiment un coup dur pour nous les cinéastes d’apprendre que le FESPACO est reporté à une date ultérieure »

Quel message à l’endroit de tous ces festivaliers et les professionnels du cinéma qui avaient commencé à enfiler leurs baluchons pour Ouagadougou ?

Je comprends la déception de tous ces professionnels, des spectateurs et de ces amateurs de cinéma. Je voudrai rassurer les uns et les autres qu’il ne s’agit pas d’une annulation, mais d’un report. Et comme je vous le disais, nous travaillions d’arrache-pied et en concertation avec nos partenaires locaux et internationaux pour avoir une édition responsable en ayant à cœur la santé de tous les burkinabè et de tous ceux qui aiment le cinéma.

Nourrissons-nous d’espoir qu’avec le vaccin, le monde arrivera à bout de la pandémie. En attendant et étant donné que personne ne peut affirmer la fiabilité de ces vaccins, faut-il réinventer le Fespaco ?

ArtistesBF

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