Rodrigue KABORE, exploitant de salles de cinéma du Burkina

Rodrigue KABORE, exploitant de salles de cinéma du Burkina

Après “l’Or des YOUNGA “, “DOSSIER BRULANT” et le “FOULARD NOIR” du réalisateur burkinabé Boubacar DIALLO, voici “FASO FURIE”, un autre film d’action réalisé par Michael KAMOANGA et produit par Rodrigue KABORE. FASO FURIE , ce film qui est à la croisée du rire et de l’action policière a coûté la bagatelle de 57 millions. Même s’il avait coûté trois fois cette somme, là n’est pas la question. Il serait plutôt intéressant de savoir comment l’idée est venue à Rodrigue KABORE, ce jeune exploitant de salle de devenir subitement producteur malgré les soucis de trésoreries liés à la gestion des salles de cinéma. Retenez en passant que Rodrigue KABORE est le fils de Monsieur Franck Alain KABORE, Président Directeur Général de ” NEERWAYA MULTIVISION
Cependant, ce qui est réconfortant, c’est le courage, la vision et la détermination de ce garçon à relever un défi ; celui de reconquérir à tout prix les cinéphiles par des films d’une nouvelle génération notamment des films d’action à l’africaine. Conscient de la faiblesse de production cinématographique au Burkina, notre invité apporte la solution en se lançant lui-même dans la production. Son investissement personnel en tant que producteur dans les films “DOCTEUR FOLIE” et “FASO FURIE” répond sans doute à ce souci. C’est en présence de MICHAEL KAMOANGA, Réalisateur du Film “FASO FURUE” et des étudiantes de l’Ecole Supérieure de Technologie et de Management que Rodrigue KABORE, notre invité de cette semaine s’est prêté à nos questions :

Artistebf : Comment va -t-on vous appeler ? Producteur, comédien, exploitant de salles de cinéma ou réalisateur puisque dans le film Faso furie, vous portez les 3 casquettes ?
Rodrigue KABORE ( R.K.) : Producteur ! C’est vrai qu’au Burkina, les cinéphiles font toujours la confusion; c’est tout à fait normal. Depuis des années, la plupart de nos réalisateurs sont en même temps les producteurs de leurs propres films. Dans la logique des choses, le producteur est totalement différent du réalisateur. Alors dans mon cas, je ne suis pas du tout réalisateur parce que je n’ai pas la formation de réalisateur. Je ne suis que producteur du film Faso Furie et Michael KAMOANGA en est le réalisateur.

ART : Faut-il donc vous ôter aussi votre casquette d’exploitant de salles de ciné ?
R.K. : Non ! C’est même la base comme ça ! Je suis exploitant de salles; là, je ne peux pas m’échapper. Je suis le président des exploitants des salles de cinéma du Burkina. C’est de l’exploitation qu’est venue l’envie forte d’aller aujourd’hui vers la distribution. De la distribution, est née l’envie de m’investir dans la production. En tant qu’exploitant, je n’avais par an que trois films burkinabé : les films de Boubacar DIALLO, de Sid-Naaba et d’Adama ROUAMBA. Ce sont ces 3 réalisateurs qui arrivaient régulièrement à produire des films dans un temps relativement raisonnable. Donc, si un exploitant de salle ne doit attendre dans l’année que deux ou trois films pour fonctionner, il risque de fermer boutique. C’est ce qui explique la fermeture de nombreuses salles de cinéma en Afrique parce qu’il manque tout simplement la matière première. C’est fort de ce constat, que nous avons décidé de nous lancer dans la production cinématographique. Dieu merci, j’ai trouvé un challenger de taille en la personne de Michael KAMOANGA. Au départ, les gens ne nous prenaient pas au sérieux, parce que faire des films d’action n’était pas donné à n’importe qui, encore moins à des Africains. Heureusement, le film “Docteur Folie”, (notre premier bébé) a surpris plus d’un cinéphile.


ART : Quelles peuvent être les difficultés d’un exploitant de salle ?

R.K. : Le premier gros souci, c’est l’approvisionnement des salles de cinéma en films. Avant, c’était le cinéma américain qui était en vogue dans les salles. Aujourd’hui, avec internet, le piratage et la vidéo, vous avez les mêmes films à moindre frais . (500 frs) en DVD ou peut-être moins que ça. C’est donc dire que le niveau même des films américains a beaucoup baissé.
Le second problème, c’est le manque de volonté politique de l’Etat. C’est vrai que le Burkina Faso est la capitale du cinéma africain; mais sans forte volonté politique d’accompagnement, nos efforts seront vains. Bien au contraire, l’Etat a très rapidement privatisé toutes ses salles de cinéma à travers la SONACIB, la seule représentation nationale en son temps et qui avait le monopole de l’exploitation cinématographique au Burkina. Seulement, dans la privatisation, l’Etat n’a pas pris assez de garde-fous au point que les gens rachetaient les salles pour en faire soit des églises, des alimentations ou encore des mosquées. Le Ciné Burkina par exemple, a été sauvé de justesse parce que les Libanais de Marina Market voulaient de la salle pour agrandir et en faire une alimentation. Constatant le désordre dans de telles offres, nous avons exigé que les salles de ciné soient rachetées dans le but uniquement d’en faire du cinéma.
Le 3ème problème, c’est l’électricité. Le Burkina n’ayant pas assez de barrage hydro-électrique, le cout de l’électricité revient excessivement cher aux exploitants de salles. Il n’y a pas une salle de cinéma au Burkina qui ne doit à la Société Nationale d’Electricité du Burkina (SONABEL). Les salles sont constamment en négociation avec la SONABEL.
Le dernier point, c’est de trouver des investisseurs privés qui pourront injecter un peu d’argent dans les salles de cinéma, les réaménager pour offrir plus de confort aux cinéphiles. A cela, il faut ajouter les taxes. La salle du ciné Neerwaya compte 1 160 places. En raison de 1000 frs par place, vous avez facilement 1 160 000 frs CFA par séance. Ça fait rêver n’est-ce pas ? Mais les gens ne savent pas que sur chaque ticket d’entrée, l’Etat nous prélève 37,5% au titre des taxes soit 375 frs par ticket de 1 000 frs. Au bout du compte, nous nous retrouvons avec une somme de 500 000 frs environ qui doit couvrir les frais du film, les charges directes (électricité, personnel, eau, entretien des appareils et de la salle). A la longue, il ne vous reste plus rien sur les recettes et on a comme l’impression de travailler pour l’Etat. Voilà de manière rapide les véritables problèmes que nous rencontrons.

ART : Un mot sur la production
R.K. : La production est faible au Burkina. Comme je vous le disais, Il n’ y a que trois grands producteurs au Burkina. Il s’agit de Boubacar Diallo, Sid-Naaba et Adama Roamba qui se battent et qui nous font sortir régulièrement des productions. Les autres, sont à la lisière d’un film par an.


ART : En vous écoutant, nous nous rendons compte que tous les acteurs n’ont pas eu le même cachet. Si Oui, à combien de millions s’élève le cachet de l’actrice qui a joué la scène de nudité ?

R.K. : Ah ! Franchement (rires), c’est très confidentiel. Je ne peux vous le dire !

ART : Comment comptez-vous rentabiliser le film “FASO FURIE ” ?

R.K. : La stratégie, c’est de faire en sorte que le film plaise d’abord aux cinéphiles Je crois qu’il faut être patient parce qu’il est difficile encore de réussir le cinéma Business en Afrique. Nous avons investi près de 57 millions dans le film “FASO FURIE” et il est difficile de rentrer dans nos fonds en un mois. Certes, la rentabilité se fera mais c’est à long terme. La stratégie, si vous le voulez consistera à projeter le film d’abord dans les salles de cinéma qui sont actuellement au nombre de 12.

ART : Vous tournez des films au moment même où les salles de cinéma se ferment. Il y a comme un paradoxe.
R.K. : En 1998, le Burkina disposait de 67 salles de projection; entre 2007 -2008, on s’est retrouvé avec 10 salles; en 2009, il y avait à peine 8 et en 2012, nous sommes remontés à 18 avec les réouvertures. C’est déjà un bon signe, un espoir que nos films commencent de nouveau à reconquérir son public. Nous espérons que le nombre de salles va continuer de croître.
Pour terminer, je dirai qu’un film, ce n’est as seulement l’écrire, le réaliser et diriger les comédiens. C’est tout un ensemble de logistique qui fait qu’on peut arriver au succès. Donc toutes les étapes sont importantes.

Mars 2012

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