Fespaco 2021 : Les réalités des salles au Burkina

Fespaco 2021 : Les réalités des salles au Burkina

Dans le cadre de la 27è édition du FESPACO, le président des exploitants de salles de cinéma du Burkina Rakis Rodrigue KABORE nous entretient sur les réalités des salles de cinéma.

Je m’appelle Rakis Rodrigue KABORE, je suis le président des exploitants de salles de cinéma du Burkina.  Je suis également le président de l’Association des Distributeurs cinématographiques du Burkina et aussi le premier responsable de la structure PUBNEERE du groupe NEERWAYA qui est une structure de production, de distribution et d’exploitation cinématographique.  A mes temps perdus, je suis acteur de cinéma.

Artistes.bf (Artbf) : quelle est votre actualité ?

Rakis Rodrigue KABORE(RRK) : l’actualité cinématographique, c’est d’abord les films burkinabè qui passent dans les différentes salles de cinéma. Mais c’est aussi la rareté et la fermeture des salles existantes, malheureusement !



Les salles de cinéma existantes

Comme vous l’avez constaté, il y a quelques années, nous étions à une cinquantaine de salles de cinéma.Aujourd’hui, nous sommes à 02 salles de cinéma fonctionnelles 24/24. C’est notamment le ciné NEERWAYA qui fait 1000 places et le ciné Burkina qui dispose de 600 places. Ensuite, nous avons deux salles Canal Olympia de 300 places chacune qui permettent d’envoyer l’univers à 04 salles fonctionnelles sur Ouagadougou. Hors de Ouagadougou, dans les provinces notamment, nous n’avons plus de salles fonctionnelles pour diverses raisons. Ces salles n’ont malheureusement pas eu d’accompagnement des infrastructures financières, même morales et psychologiques.

Donc du coup, ces salles ont été abandonnées et les gestionnaires de salles se sont reconvertis à autre chose. Notre combat donc avec la prochaine tenue du FESPACO, c’est encore de tirer la sonnette d’alarme à l’endroit de nos décideurs pour qu’on ait encore une forte volonté politique plus intense. Si à l’époque, le Burkina était considéré comme la capitale du cinéma africain, c’était justement dû à une volonté politique de l’ex-président Thomas SANKARA. C’est ce qui nous avait permis d’avoir pratiquement dans chaque secteur des salles de cinéma. Mais la particularité du Burkina, c’est l’adhésion des cinéphiles à la cause cinématographique, le Burkinabé adore voir ces films.



Les belles initiatives ne sont encouragées

Les maux que nous rencontrons dans nos salles de cinéma, c’est d’abord l’investissement. Dire par exemple que l’Etat ne doit pas investir dans un privé comme nous l’entendons souvent, est une grande erreur. Il faut qu’on arrête de tenir de tels propos. Le Ciné NEERWAYA est certes privé mais aujourd’hui, la salle n’appartient plus à Franck Alain KABORE; je le lui ai déjà dit. Le CINE NEERWAYA est considéré comme un patrimoine national qui a vu naître plusieurs générations évènementielles. De Miss Burkina, aux premiers concerts de Floby en passant par le KUNDE, c’était au CINE NEERWAYA. Pendant 30 ans le propriétaire du Ciné NERWAYA s’est battu seul à entretenir cette salle. Et si malgré ces efforts et cette belle itérative, le promoteur n’est pas encouragé par le ministère de tutelle, il y a de quoi lâcher et prospecter ailleurs ! Je vous rappelle que depuis 30 ans d’existence, jusqu’à cette date, le Ciné NERWAYA n’a pas reçu un seul accompagnement du Gouvernement Burkinabè. C’est dramatique ! Quand souvent s’élèvent certaines voix pour dire que ce n’est pas normal que les salles ferment, mais que faites-vous pour que ces salles ne ferment pas ? Quand vous vous approchez des institutions financières, elles disent que notre domaine d’activité est un secteur à risques. Même le Fonds de Développement Culturel et Touristique (FDCT) que le ministère a créer, est très limité en termes de financement du cinéma. Les films à petit budget sont dans l’ordre de 15 à 20 millions de francs CFA. 04 bons films de près de 200 millions suffisent déjà pour sauter le budget du FDCT. Et moi, je m’attaquerai à l’administration. Quand vous avez une direction cinématographique avec un statut qui ne permet pas d’accompagner les acteurs du terrain, les choses vont évidemment piétiner. Mais si par contre, l’administration aidait les salles à renouveler leur équipement à hauteur même de 60 % avec un apport personnel de 40%, vous verrez les lignes bougées au niveau des salles. Mieux, d’autres opérateurs pourraient s’investir dans le domaine.

Il faut qu’on se dise la vérité !

Entre nous-mêmes acteurs, j’avoue que nous passons le temps à nous jeter des peaux de bananes ; incroyable ! Pour rien, les gens t’en veulent !

Si aujourd’hui je porte par exemple 4 casquettes, ce n’est pas de tout cœur. Il y avait un choix à faire. Soit on fermait la salle soit je devenais distributeur de films. Puis au fil du temps, avec les réalités de la production et la rareté de comédiens professionnels, je me suis ajouté deux autres casquettes : celle de producteur et de comédien. Mais je le répète, il n’est pas judicieux de porter plusieurs casquettes au risque d’être inefficace. Mon souhait est que chacun puisse se spécialiser dans un domaine précis.

Enfin, il faut qu’on se dise la vérité. Il faut une stabilité à la tête du ministère de la culture. J’espère que le ministre actuel issu du parti majoritaire aura plus les mains libres pour travailler et accompagner conséquemment les acteurs.

Mes attentes pour cette 27ème édition du FESPACO 

En ce qui concerne le FESPACO, on croise les doigts et même les pieds s’il le faut parce que j’espère que le taux de contamination ne va pas grimper au point qu’on soit obligé encore de l’annuler. Mais je pense que cette 27ème édition du FESPACO sera beaucoup plus numérique puisse qu’on doit éviter de drainer du monde et respecter les mesures barrières.

Donc, on va prier pour que tout se passe bien, pour que la sécurité veille, pour que les grandes sociétés multinationales soient sur Ouagadougou pour acheter nos films et aussi pour en vendre ; c’est surtout cela le plus important.

Artbf : Comment se passera cette année les différentes projections avec les dispositions anti- coronavirus ?

RRK : Au niveau des salles, il n’y aura pas des changements majeurs parce qu’à l’édition passée, on avait déjà pris des précautions. Nous avons quand même une certaine expérience. Dans le passé, il y a eu Ebola et aujourd’hui, des attaques terroristes. Malgré tout, nous arrivons jusque-là à tenir nos évènements culturels. Ce qui est sûr, les mesures barrières seront respectées.

Dans les salles, on va exiger le port du masque, les gels à l’entrée et avec un peu d’attention sur la distanciation. Mais là, ce n’est pas évident ! Il sera par exemple difficile d’interdire à un couple de ne pas s’asseoir ensemble. Le plus important, c’est de porter le masque pour diminuer le parcours de contamination.

Pour les projections, la délégation générale du FESPACO souhaite avoir cette année des pôles ; c’est-à-dire, prévoir une salle pour les films en compétition, une autre pour projeter les films documentaires en compétition, une salle pour les films jeunes et ainsi de suite …. En fait, il s’agit de faire en sorte qu’on puisse faire vivre toutes ses salles, les faire connaitre et les viabiliser. Cette année, en plus des deux salles Canal Olympia qui seront mises à contribution, il y aura également la salle du CBC et du CENASA.

Propos recueillis par Farida SAWADOGO et Gisèl BELEM

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