Alimata SALAMBERE, réalisatrice Présentatrice

Alimata SALAMBERE, réalisatrice Présentatrice

Vous avez occupé de nombreuses responsabiltés. Pour ce que nous savons, vous êtes membre fondatrice du FESPACO et présidente du comité d’organisation du premier festival en 1969 . Vous avez été aussi à un moment donné, réalisatrice à la télévision Voltaïque, l’actuelle télévision nationale du Burkina. De 1982 à 1984, vous avez servi au FESPACO comme Secrétaire Général. En 1983, vous avez été Ministre de la Culture puis ministre de l’Information de 1987 à 1989 . Aujourd’hui, Dame rumeur murmure que vous êtes à la retraite mais cela n’a pas pour autant freiné vos activités ; la preuve, vous venez de tenir un atelier de l’AIFA (l’Association Internationale Francophone des Aînés) il y a à peine deux semaines à Ouagadougou. Ce qui veut dire qu’il reste beaucoup à ajouter ou à préciser sur votre présentation. Pour être sûr de ne rien omettre, nous voudrions vous laisser le soin de terminer cette présentation pour nos internautes, votre parcours de combattant.


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ALIMATA Salambéré (A.S): Ce n’est pas du tout un parcours du combattant, j’allais dire que c’est tout simplement un parcours professionnel. Je suis Mariée et mère de 5 enfants. Je suis titulaire d’une licence en lettres modernes et J’ai un diplôme d’animateur -producteur réalisateur de Télévision. J’ai travaillé à la Télévision Nationale du Burkina d’abord en tant qu’animatrice des programmes, puis comme chef des programmes de la télévision. Suite à des problèmes techniques, la télévision a été fermée et les agents ont été tous reversé à la Radio nationale pendant deux ans.
Artistebf : En tant que membre fondateur du FESPACO, dites-nous comment l’idée vous est venue de créer un festival de cinéma .
A.S : C’est très simple ! Monsieur Claude PRIEUX, directeur du centre culturel voltaïque à l’époque a eu l’idée d’inviter quelques personnalités voltaïques des secteurs de l’information et des télécommunications pour parler de la diffusion des films africains. Pour la première séance, il y avait François BASSOLE Directeur Général de l’information, Mamadou SIMPORE Directeur Général des Postes et Télécommunication, Eugène LOMPO du ministère chargé de la Jeunesse et des Sports , Odette SANOGOH, Directrice de la télévision et Hamidou OUEDRAOGO, représentant du maire de la ville. Passionné de cinéma africain, Mr PRIEUX a fait en sorte que le public puisse découvrir toutes ces productions ; Je vous rappelle que le centre culturel voltaïque était le seul centre où on pouvait trouver les films africains et n’était fréquenté pour l’essentiel, que par des expatriés. Il y avait aussi un ciné club animé par Mr Réné YONLI que malheureusement le grand public ne fréquentait pas. Après avoir participé à quelques séances de travail et de préparatifs aux projections publiques de films, Odette SANOGOH, m’a demandé de la remplacer au sein de l’équipe parce qu’elle était trop chargée. C’est ainsi que j’ai rejoint le groupe et depuis lors, l’équipe s’est mise au travail en commençant d’abord par m’élire comme présidente du Comité. Il faut dire qu’à ce niveau, deux critères ont milité en ma faveur : Il y a d’abord le fait que j’étais la seule femme dans le comité. Le 2ème critère, le plus important sans doute, était que le conseiller culturel de l’ambassade de France, Mr MIFSUD, membre également du comité, a été proviseur du lycée de Bouaké en Côte d’Ivoire où mon mari a passé son bac. Comme vous le constatez, tous les ingrédients semblaient donc réunis-en à ma faveur.

Artistebf :Les bruits courent que vous êtes en fin d’activité à la Fonction Publique, Comment gérez-vous cette période de retraitée. ?
A.S : La retraite, en réalité, c’est changer d’activité ! Moi, je la conçois plutôt comme ça !.changer d’activité et travailler selon son rythme. Quand on est fonctionnaire, c’est un rythme qu’on vous impose mais quand on est à la retraite, vous suivez le rythme qui vous sied. La retraite ne veut pas dire qu’il faut rester inactif. Je me sens en bonne santé et je peux encore faire beaucoup de choses

Artistebf : – C’est vrai ! vous êtes membre de l’AIFA (Association Internationale Francophone des Aînés). Est-ce que cette association n’empiétera pas finalement sur les attributions de l’O.I.F dont la vocation est aussi de rassembler les pays à usage commun du français.
A.S : Alors pas du tout ! Ce n’est pas le fait qu’il y a le terme francophone qu’il faut nous confondre avec l’OIF. Nous ne sommes pas un organe de l’OIF, mais avons un statut consultatif auprès des instances de la Francophonie. C’est un peu comme l’Association des journalistes francophones. L’AIFA a été créée depuis 1981 à QUEBEC avec seulement les sections du Canada, la France et la Belgique. Mais depuis 2004, l’AIFA a pris des dimensions internationales et j’ai été désignée comme présidente sur le plan international de l’Association. Après réflexion, nous avons pensé qu’il était nécessaire de créer des sections nationales comme celle du Sénégal et du Burkina . Je précise en passant que je suis la présidente de l’AIFA pour la section Burkina. Je porte donc deux casquettes : Présidente de AIFA Internationale et de la section nationale du Burkina.
Notre association a pour objectif de rassembler les personnes ressortissant des 70 pays de l’espace francophone. S’il y a des personnes âgées, des aînés plus précisément, qui veulent s’organiser en AIFA, elles peuvent le faire et c’est même souhaité. Si la section nationale du Burkina existe, c’est parce qu’il y a eu des volontaires pour la mettre en place. Le seul critère, c’est d’être un ressortissant d’un pays de la francophonie et être âgé d’ au moins 55 ans. Aujourd’hui, il existe 7 sections nationales ( Burundi, Cameroun, Burkina, Canada-Québec, France, Gabon et Sénégal).

Artistebf : -Jusque-là, nous ne percevons pas la nécessité de réunir des personnes d’un tel âge. Quels sont finalement les objectifs poursuivis par l’AIFA ?
A.S : C’est vrai ! J’ai fait une petite digression. Les objectifs de l’AIFA sont entre autres :

faire en sorte que les aînés soient actifs le plus longtemps possible et quand on est actif, on contribue aussi au développement de sa communauté.
Ensuite, l’inter-générationnel. Nous y tenons beaucoup. Échanger et transférer ce que nous avons pu acquérir comme expérience aux jeunes générations Réfléchir également sur la manière dont il faut organiser les personnes aînées à mieux vieillir et à se prendre en charge. …
Avant, dés la fin des études primaires, secondaires ou supérieures vous étiez directement recrutés dans la fonction publique ou ailleurs. Aujourd’hui, les jeunes sont bardés de diplômes mais trouvent difficilement un emploi . Vous comprenez qu’il est difficile à un chômeur de s’occuper de ses parents. Il faut donc que les parents s’organisent assez tôt pour ne pas trop dépendre des enfants. Du même coup, les jeunes doivent s’organiser pour mieux affronter l’avenir, s’occuper de leur foyer et mieux préparer leur retraite. Il y a des pays où les personnes aînées sont confinées dans des centres spécialisés ; leurs enfants ne vont les voir que rarement. En Afrique, nous avons encore cette chance que les personnes aînées restent encore avec leur famille. Il n’est pas rare de voir dans une concession, le grand père, le fils et les petits enfants partager le même espace familial. Mais on ne se rend pas compte jusqu’où c’est enrichissant.

Artistebf :Vous avez été pendant quelques temps, ministre de la culture sous la révolution avant d’être reconduite sous la Front Populaire. Comment avez géré cette transition ? Votre nouvelle lettre de mission était-elle différente de la période révolutionnaire ?
A.S : Pas du tout ! Les missions n’ont pas changé étant donné que l’administration et la culture sont une continuité. C’est la même mission : promouvoir la culture burkinabé et faire en sorte que les artistes puissent
vivre de leur travail. C’est pourquoi il a été créé le BBDA (Bureau Burkinabé des droits d’Auteurs) et je me réjouis d’être à l’origine de la réorganisation de cette structure.

Artistebf :Quelle appréciation faites vous aujourd’hui de notre cinéma qui, non seulement ne remplit plus nos salles mais sont qualifiés par certains, de films au rabais ?
A.S : Le cinéma ne remplit plus les salles ! vous constatez même que les salles disparaissent ! Ce n’est pas seulement au Burkina mais c’est un phénomène africain et même mondial. Je crois que si les salles sont vides, c’est dû à la naissance de la vidéo mais je ne crois pas que ce soit lié à la qualité des films. Il y a aussi le problème de moyens car les films coûtent excessivement chers. Les cinéastes burkinabé ont beau avoir du talent, ils sont sans moyens et peuvent donc difficilement produire. Pour vous donner une idée de la cherté des réalisations des films, je citerai cette anecdote qui raconte que le coût total du film “WEND-KUNNI” de Gaston KABORE à l’époque, ne représentait que le coût du générique d’un film de Belmondo qui était sorti au même moment. Vous voyez ! Au Burkina, le film de Gaston KABORE était perçu comme ayant coûté une fortune alors qu’ailleurs, cela ne représentait pas grand-chose.

Artistebf : Les réalisateurs pointent du doigt les opérateurs économiques comme étant un milieu réticent à la publicité. A votre avis, comment intéresser ce secteur pour qu’il accepte investir dans le cinéma ?
A.S : C’est difficile à dire dans la mesure où je ne suis pas du côté des opérateurs économiques pour savoir ce qui pourrait les motiver à participer. Mais je pense qu’il appartient aussi aux cinéastes de les sensibiliser sur la question. Quand vous lancez un film, au bout de quelques années, vous avez des retombées. Mais quand il ne marche pas, là est le problème. Les milieux d’affaires ont peur de prendre des risques. En fait les résultats ne sont pas immédiats.
Artistebf : Madame SALEMEBERE, vous avez beaucoup voyagé, vous connaissez bien le milieu du Show bis et vous savez aussi qu’ailleurs(dans les pays développés), c’est le milieu d’affaire qui finance le cinéma. Dites nous comment les réalisateurs de ces pays ont pu convaincre le secteur économique au point qu’ils n’hésitent plus à investir dans le cinéma ?

A.S : Bon ! si vous prenez par exemple les ETATS UNIS, il y a une industrie cinématographique qui est très florissante et qui marche bien. Mais on ne peut pas comparer le Nord et le Sud du point de vue de la consommation cinématographique. Nous n’avons pas les mêmes dispositions d’accueil de films. Nous n’avons pas la même culture à consommer le cinéma. Peut-être aussi, que les gens du nord sont passés par la phase actuelle que nous vivons aujourd’hui au Burkina (la phase d’hésitation des opérateurs économiques). C’est comme quelqu’un pendant des années, vit bien de la culture du coton et des arachides et vous lui demandez du jour au lendemain de faire aussi du cinéma ; j’avoue qu’il aura peur et il va hésiter. Mais je crois qu’on peut arriver à convaincre le secteur économique burkinabé par la sensibilisation et à partir de produits de qualité. Nous ne pourrons les convaincre qu’à partir de la qualité.

Artistebf :  Que pensez-vous de notre cinéma, 50 ans après l’indépendance ?
A.S : Disons d’abord qu’en 1960, nous n’avions pas de film. Le tout premier long métrage burkinabé est sorti seulement en 1972 avec le réalisateur Djim KOLA. Donc, nous ne pouvons pas parler de 50 ans de cinéma burkinabé. Par contre, parlant maintenant de la culture, nous dirons que c’est une continuité. Comme on le dit,” la culture, c’est ce qu’on garde quand on a tout oublié” et en mooré,on dit “ROGOM MIC, Kii bas ga”. Traduit littéralement, “ce qu’on a trouvé en naissant”. Chaque génération est venue trouver la culture sous ses différents aspects. Nous ne pourrons jamais dire que la culture burkinabé a démarré à telle date. Il y a des améliorations dans certains aspects, car tous les aspects de la culture (pour ce qui est par exemple de la tradition) ne sont pas toujours positifs. Tout évolue et la culture n’échappe pas à la règle. Cependant, il faut savoir prendre les aspects positifs, améliorer ce qui peut l’être et même créer si besoin en était. Comme l’a dit Jean Louis ROY (ancien secrétaire général de la Francophonie) à propos du patrimoine: “les choses, en matière de culture, naissent, évoluent, disparaissent ou se transforment selon l’évolution de la société….”.Pour illustrer son propos, j’ai donné l’exemple suivant : lorsque j’étais ministre de la culture, j’ai dit l’adage suivant lors d’une de mes tournés en province : “pugsandkaset la puga”. Littéralement traduit, “une fille vierge n’a pour preuve que son ventre”. Ce qui veut dire qu’une fille en grossesse ne peut plus se vanter d’être vierge. Il s’est passé quelque chose… Mais quand il n’y a pas de grossesse, elle peut toujours se taper la poitrine et crier fort sa virginité. Malheureusement, mon mari qui a suivi mon intervention à la télé , m’a rétorqué de retour de ma mission que mon propos n’était plus d’actualité dans la mesure où il existe maintenant des méthodes contraceptives qui permettent d’éviter les grossesses . En d’autres termes, le fait aujourd’hui de ne pas tomber en grossesse ne veut pas dire forcément qu’on est une fille vierge. Voilà un adage qui a fait son temps dans le passé mais qui hélas, avec l’évolution de la société perd son sens. Par cet exemple, nous voyons aussi comment les choses peuvent naître, se transformer et disparaître.
Pour ce qui est de la musique, je crois qu’elle est en train de monter aussi ; c’est très prometteur et encourageant.
Octobre 2010

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