Amadou Balaké TRAORE, une célébrité musicale

Amadou Balaké TRAORE, une célébrité musicale

” Taximan n’est pas gentil ” c’est le titre d’une chanson bien connue des burkinabé, de la sous région et même à l’internationale. L’auteur de la chanson, c’est Amadou Balaké TRAORE ; il interpelle chacun de nous et particulièrement aux Taximen à plus d’humanisme. Amadou BALAKE TRAORE a connu de nombreuses aventures qui l’ont conduit du Burkina (son pays natal), en Guinée, au Bénin, au Mali et aux Etats UNIS. C’est donc un grand artiste qui traîne derrière lui une longue carrière musicale. Aujourd’hui, il mène une vie professionnelle ralentie du fait de son état de santé fragilisée ces dernières années. C’est vrai que la musique ne nourrit pas encore son homme mais il faut reconnaître qu’elle contribue grandement à l’éloigner du spectre de la dépendance économique. Même avec un métier régulier, joindre les deux bouts n’a jamais été facile pour personne ; et ne plus en exercer comme il est du cas de Balaké est un vrai problème. Maintenant qu’il a été amputé d’une jambe, comment se débrouille-t-il sans la musique ? C’est la grande question et ceci pose de nouveau le problème du statut, un projet si cher aux artistes et qui tarde jusque-là à voir le jour. Pourtant, tout le monde gagnerait à accélérer la mise en place de ce statut pour le bonheur des artistes et le plus tôt, serait de notre avis le mieux. En attendant, voilà le parcours professionnel de Balaké, notre invité de la semaine.

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TRAORE Amadou Balaké (T.A.B) : Je suis Traoré Amadou BALAKE, musicien chanteur, né à Ouahigouya en 1944. Mon père se nommait Fimfou Lompo et ma mère Awa MAIGA de la même famile que Madame Bana WANDAOGO. Après la mort de mon père, je suis venu à Ouaga dans les années 1953. J’ai fait l’école coranique à SANKARIARE chez Alpha Hamadou . A la fin de mon cycle coranique, ma vie était monotone. Pour ne pas rester à tourner les pouces, j’ai décidé d’apprendre un métier. C’est ainsi que j’ai suivi mon beau frère en qualité d’apprenti chauffeur à MOPTI (Mali) entre 1956 et 1957. Mais cet apprentissage n’a été que de courte durée. j’ai très vite quitté le métier parce qu’il devenait très contraignant pour moi; on n’arrêtait jamais de m’insulter.
De retour à Ouaga, j’ai été chercher un autre boulot au Dragage auprès de Sékou SANGARE, le monsieur est toujours en vie et il est bien portant ! Au dragage, on m’a embauché en qualité d’aide maçon chez un Blanc du nom de monsieur RUCHELL. Au début, je poussais du béton avec une brouette. C’est nous qui avons construit en 1961 l’Hôtel Indépendance, actuel AZALAI –HOTEL. N’étant pas physiquement fort pour ce genre de boulot, Mr RUCHELL m’a engagé plus tard comme planton. C’est de ce poste que j’ai obtenu mon permis de conduire. Après donc mon permis, j’ai arrêté le travail de planton pour le métier de TAXIMAN à Ouagadougou. Nous étions 3 au départ. Il y avait Boureima, Moussa et moi-même. Le Taxi coûtait en ce temps 50 frs.

Artistebf (Art) : Votre nom de famille est Lompo et pourquoi gardez-vous le nom TRAORE ?
T.A.B : Je vais vous expliquer. J’ai fait assez d’aventures. J’ai été en Guinée en début 63 pour apprendre la musique. De KANKAN, je me suis rendu à CONAKRY où j’ai dirigé l’orchestre le “BAFING JAZZ “. C’est à l’éclatement de la guerre Côte d’Ivoire – Guinée que j’ai décidé de rentrer en Haute-Volta (Burkina faso). Le Président Sékou TOURE m’a aidé avec un ” TRAVEL CHEQUE ” d’un montant de 1 800 000 frs plus un billet d’avion en destination du Mali. C’était en septembre 1968. Du mali, j’ai pris le car “TRANSAFRICAINE” pour arriver à Ouaga. Au pays, j’ai recommencé à chanter mais cette fois, avec l’Harmonie Voltaïque. Le premier titre que j’ai réalisé avec cet orchestre fut “BALAKE”. Depuis lors, le mot BALAKE est resté sur toutes les lèvres.

Art. : Comment va votre santé ?
T.A.B : J’ai été malade deux fois de suite. Mon premier accident, c’est sur l’axe Ouaga-Pô pendant qu’on bitumait la voie; Je faisais partie de la Société de Goudronnage qui devait bitumer l’axe Ouaga-PO. C’est sur ce tronçon que je me suis cassé la jambe. La Caisse de Sécurité Sociale m’a assisté pendant quelques années avant d’arrêter. Mais à ce jour, je ne perçois plus rien. Le 2ème accident, est tout récent. J’étais à LONDRES quand le groupe AFRICANDO m’a chargé d’aller aux funérailles de GNONAS PEDRO au BENIN. C’est de retour du BENIN, que je suis tombé malade. J’ai fait deux jours sans sortir. Ma jambe était pourrie avant que l’Hôpital ne me prenne en charge. On m’a donc amputé à la Clinique “NOTRE DAME DE LA PAIX ” chez Jean Baptiste OUEDRAOGO. Depuis lors, je suis resté inactif. C’est le BBDA seul, par le biais de mes droits d’auteur qui me paie. Heureusement que j’ai aussi des droits d’auteurs français qui me sont versés par trimestre. En dehors de ça, je n’ai pas d’autres soutiens.

Art. : Combien d’albums avez-vous réalisés à ce jour ?
T.A.B : C’est beaucoup ! J’ai commencé par les “45 TOURS”. Il y a entre autre :
1 – ” BAR KONON MOUSSO”,

2 – “TAXIMAN N’EST PAS GENTIL”

3 – “WISKY MAGNI ”

4 – KAME YE M’BA (USA, blue orchestra ))

5 – TOUNGA RANKI (Ghana, avec le club voltaïque du Disque)

6 – ” WHISKY MAGNI

Le reste est fait avec Africando, mon dernier groupe musical.

Art. : Et là, vous avez décidé de prendre votre retraite ou vous recherchez quelque chose à proposer encore au public ?
T.A.B : La retraite, c’est quand on est mort ! Si ce n’est pas la mort, la musique n’a pas de retraite. Il n’ y a pas d’âge pour chanter surtout si on sait le faire.

Art. : Le public burkinabé peut donc espérer vous revoir sur scène ?
T.A.B : Mais bien sûr ! Seulement je suis découragé de la manière dont les artistes sont traités au Burkina.

Art. : Parlez –nous de votre séjour aux ETATS UNIS. Qu’est-ce que vous êtes allés faire aux ETATS UNIS ?.
T.A.B : Quand j’ai chanté BALAKE, j’ai eu à former un groupe au DON CAMIO. C’est en étant au DON CAMIO que j’ai fait la connaissance d’un producteur Aboudou LASSISSI (SACODISC- ABIDJAN). Il a souhaité qu’on travaille ensemble.

J’ai donné mon accord sans hésiter et sans même qu’un contrat ne soit signé entre nous. D’ailleurs, à l’époque on ne parlait pas de contrat comme aujourd’hui. Son projet était vraiment porteur. Mr LASSISSI m’a donc amené à New YORK dans les années 81-82. J’étais avec papaïto, Mouskito, Chocolaté. Nous avons fait un premier disque intitulé “YAMBA ‘O, YAMBA ‘O” et nous sommes rentrés à Ouagadougou. Puis, quelques années après, nous avons tenté une seconde aventure. Là, on ne s’est plus entendu, on a fait palabre et on s’est séparé. Fort heureusement, je connaissais bien mon travail et j’ai été vite récupéré par le chef d’Orchestre du “BLUE ORCHESTRA”. C’est grâce à cet orchestre que j’ai fait ” WHISKY MAGNI” et grâce aux recettes de cet album, j’ai pu regagner mon pays.

Art. : Parlez-nous de votre musique ” TAXIMAN N’EST PAS GENTIL” ; avez-vous eu de mauvais souvenirs avec un taximan ?

T.A.B : “TAXIMAN N’EST PAS GENTIL ” a été réalisé à LAGOS. A Abidjan où je résidais, j’aimais jouer à la boule noire et ma femme, bien qu’en grossesse m’accompagnait toujours sur le lieu du jeu. Un jour, alors que je jouais comme d’habitude, elle a eu des malaises. Elle est tombée et il nous a été difficile de trouver un taxi pour l’amener à l’hôpital. C’est grâce à un vieux sénégalais que j’ai pu évacuer ma femme sur l’hôpital de Treichville où elle a été réanimée. Le Sénégalais ne nous a rien demandé en contre partie et il nous a même ramené à notre hôtel. C’est suite à cette aventure que j’ai composé le titre “TAXIMAN N’EST PAS GENTIL”.

Art. : Et si on vous demandait d’écrire sur la musique, les difficultés de la musique burkinabé et de ce qui vous a marqué durant cette carrière musicale. Que diriez-vous ?
T.A.B : La musique, c’est comme le foot-ball. C’est la chance;

Art. : Ce n’est donc pas le talent ?
T.A.B : Non ! Ce n’est pas le talent parce qu’aujourd’hui, tout le monde est musicien. On ne sait plus qui est qui ? Aujourd’hui, nous avons à faire à des musiciens de “théorie”. Pour vous en rendre compte, montez un orchestre avec tous les instruments de musique et dites à ceux qui se disent musiciens de passer un à un sur les instruments; vous me direz combien d’entre eux sont effectivement musiciens. Au Sénégal, au Mali et en Guinée, il y a des musiciens de référence payés par l’Etat. Leur rôle est de conseiller et de transmettre aux plus jeunes, des anciennetés musicales, des copies de musiques modèles pour améliorer leurs prestations. Mais au Burkina, on n’est pas encore à ce stade

Art. : Est-ce les anciens qui refusent d’encadrer les jeunes ou ce sont les jeunes qui ne viennent pas vers les anciens ?
T.A.B : Il faut dire que le burkinabé lui-même n’aime pas sa musique; notre problème est là. Lors des grands galas par exemple, ce sont les musiciens étrangers qui viennent prester. Ça veut dire quoi ? Que nos artistes ne sont pas encore doués : et les doués sont où ? en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Mali. Les musiciens étrangers viennent jouer, brasser leurs millions et repartent pendant que les artistes locaux sont là . Ça fait mal, mais je préfère le dire comme ça.
Cependant, il faut aussi que nos musiciens fassent un effort parce que jusque-là, notre musique ne se vend pas. Les jeunes s’en foutent, ils veulent être vedettes tout de suite et maintenant; à peine s’ils vous écoutent ? Contrairement aux musiciens ivoiriens, il manque de la créativité aux musiciens burkinabé. Il n’y a pas d’effort permanent de recherche au niveau des artistes burkinabé. Les artistes ivoiriens sont très fertiles en imagination. Dans les prochains mois, il n’est pas exclu que nous écoutions de belles compositions musicales et assez dansantes sur les récents évènements survenus en Côte d’Ivoire. Au Burkina, c’est le RAP, le REGGAE. Pourtant, nous sommes aussi riches de notre folklore et on peut s’en inspirer pour faire quelque chose de bien, de présentable et d’exportable.

Art. : Quels conseils donnez-vous donc à ces jeunes pour une meilleure promotion de notre musique ?
T.A.B : S’ils veulent aller de l’avant, il faut qu’ils écoutent d’abord. Ensuite, arrêter de jouer au “vedettariat”. Il faut qu’ils s’intéressent à notre folklore parce qu’il est très porteur. C’est vrai qu’à Ouagadougou, on a l’impression que tout marche bien; mais allez ailleurs et vous comprendrez que ça ne va pas. De manière générale, je ne suis pas satisfait de ce que font les enfants d’aujourd’hui. Ils n’écoutent personne.

Art. : Si le Ministre de la Culture vous demandait de lui faire une proposition à même d’aider la musique à se développer. Que diriez-vous ?
T.A.B : Je vais lui proposer un bureau de retraité pour musiciens afin que les jeunes viennent s’inspirer avec les anciens. Si c’est fait, vous constaterez vous-mêmes les changements qualitatifs au niveau de notre musique.

Art. : Avez-vous d’autres préoccupations que nous avons oubliées dans cet entretien ?
T.A.B : J’entends souvent les gens dire que le gouvernement ne s’occupe pas des artistes. Ce n’est pas au gouvernement de s’occuper de l’artiste. C’est l’artiste qui crée et le gouvernement l’accompagne. Il faut que l’artiste lui-même se batte avant que le gouvernement ne vienne en appui. Les TIKEN JAH et autres ALPHA BONDY se sont battus pour être ce qu’ils sont aujourd’hui. Croyez-vous que c’est le gouvernement qui leur a donné ce qu’ils ont aujourd’hui ? Si ce que vous faites est bien, forcément vous aurez du soutien. Voilà mon point de vue.
Juin 2011

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