Fespaco 2023 : Financement du festival avec Alimata SALAMBERE

Fespaco 2023 : Financement du festival avec Alimata SALAMBERE

Au-delà de son statut de membre fondateur du FESPACO, Alimata SALAMBERE que nous appelons affectueusement « Tantie FESPACO » est également l’une des figures qui a longtemps côtoyé Ousmane SAMBENE et ce, depuis 1969.  Et dans le cadre de la célébration du centenaire du réalisateur de » MOOLAADE », Madame Alimata SALAMBERE nous semble la personne bien indiquée et la bonne adresse  pour éclairer nos lanternes sur la vie de celui qui a longtemps été un véritable plaidoyer pour le FESPACO.

Avec notre invitée, nous avons aussi abordé la question des mécanismes de financements du festival. Depuis plus de 50 ans en effet, le continent africain peut se réjouir d’avoir réussi le pari d’organiser sans discontinuité le FESPACO. Mais que ce bel exploit ne nous voile pas la face. Le festival qui  avait dès sa création une vocation panafricaine et dont le budget de fonctionnement devrait être supporté par tous les pays du continent, se retrouve aujourd’hui presque orphelin. Le Burkina étant le seul pays à le supporter financièrement  jusque-là. Le panafricanisme du festival n’est apparemment que sur les lèvres ou sur fond de diplomatie.  Dysfonctionnement de mécanisme ou méconnaissance des textes ? Tantie Fespaco explique :

Alimata SALAMBERE (A.S): On n’y avait pas pensé. D’abord, nous ne savions pas qu’il allait prendre une telle ampleur. Comme vous le savez, c’était d’abord quelque chose de national et panafricain.  Mais nous avons toujours espéré qu’au fil du temps, les autres pays du continent seront conscientisés par rapport à la nécessité de protéger et de promouvoir notre culture à travers le cinéma.

Cependant, quelques pays contribuent financièrement à travers notamment la prise en charge de leurs techniciens et cinéastes pendant le FESPACO.  Mais comme je vous le disais, ce sont seulement quelques pays qui le font et c’est dommage ! De ce point de vue, le Burkina est vraiment à féliciter. Je ne trouve pas de meilleur qualificatif pour illustrer le mérite du Burkina.

Je vous rappelle que le FESPACO a commencé en 1969 avec  » Zéro » (0) film voltaïque à l’époque. Nous l’avons financé sans aucune arrière pensé. Le fait que nous n’avions pas eu de film à présenter n’a pas été un obstacle pour le financement de l’organisation du festival par le Burkina.



Non ! une telle idée ne nous est même pas venue à l’esprit. Nous avons plutôt mis en avant l’intérêt de l’Afrique parce qu’il fallait décoloniser les écrans africains. C’était notre préoccupation première. Comment peut-on imaginer que des cinéastes africains qui réalisent des films en Afrique avec des thématiques africaines ne puissent pas les projeter pour nos populations. C’était là une triste réalité parce que  les africains n’avaient pas l’occasion de voir les films réalisés sur leur sol.  Notre préoccupation était donc de faire en sorte que les Africains puissent voir les films réalisés par leurs filles et fils.  Aujourd’hui, je peux dire que cet  objectif est  presque atteint dans la mesure où les œuvres des réalisateurs africains  sont maintenant vues partout sur tout le continent.

ArtBF : Pensez-vous qu’on puisse encore relancer ce débat sur les contributions des pays africains?

AS : Je ne saurai vous le dire  étant donné que je ne suis plus dans l’organisation  de ce festival. Je ne peux donc pas aller en profondeur. Toutefois, il faut souhaiter que cet aspect  ne soit plus un objet de débat dans les années à venir et que chaque pays puisse quand même prendre en charge ses ressortissants qui viennent pour le FESPACO. C’est assez légitime; quand par exemple les réalisateurs viennent avec leurs œuvres au FESPACO, c’est au nom de leur pays. Et quand ils remportent  les trophées ou un prix quelconque, c’est toujours le nom du pays qui est rehaussé. Donc, les pays ont intérêt à notre avis à supporter les frais de déplacement et de séjour de leurs ressortissants.  C’est vraiment un souhait !

On pensait par ailleurs qu’avec la décennie de l’UNESCO pour la diversité culturelle,  tous les pays africains vont être sensibilisés pour que la culture ait la place qu’elle mérite.

Je dire que c’est  aussi le rôle des cinéastes eux-mêmes de convaincre leurs pays respectifs de la nécessité de supporter le cinéma parce qu’il y va de l’image du pays.  C’est vrai qu’il n’y a pas eu de texte en la matière qui régit le fonctionnement du FESPACO et qui situe clairement  la responsabilité de chaque pays par rapport au financement du festival .

Mais à travers les conférences, les rencontres débats et les colloques, on en a toujours parlé afin que les différents pays veillent à la prise en charge de leurs ressortissants au FESPACO.

En janvier dernier, Ousmane SEMBENE devrait si Dieu lui avait prêté longue vie fêter ses 100 ans. Pouvez-vous nous dérouler le film de votre premier contact avec cet homme.

A.S : C’est en 1969 que j’ai fait la connaissance de Sembène Ousmane. C’était à l’occasion des préparatifs du premier festival du cinéma africain en 1969. Je me souviens que nous l’avions logé au Central Hôtel de Ouagadougou (près du grand marché). C’est dans cet hôtel que nous tenions nos réunions lorsqu’il nous arrivait de le faire hors du Centre Culturel Franco Voltaïque (actuel Institut Français de Ouagadougou). Paulin Soumano VIERRA,  Timithée BASSORI, Bassolé François, Hamidou OUEDRAOGO de la mairie et Simporé Mamadou des P&T et moi formions la même équipe.

Etant donné que nous n’avions pas de budget de fonctionnement, nous nous sommes organisés de sorte à nous faciliter les taches. Ainsi, pour la diffusion de l’évènement à la télévision, Alimata SALAMBERE  représentant la télévision nationale, devait se charger de négocier la diffusion de l’évènement. A l’époque, il n’y avait que les télex et les télégrammes qui marchaient et c’est Simporé Mamadou des P& T (Postes et Télécommunication) qui assurait  ce volet  communication. L’activité qui devrait se tenir à Ouagadougou nécessitait une autorisation d’occupation de certains lieux publics. Ce volet était confié au représentant de la maire en la personne de Hamidou OUEDRAOGO. Etant agent de la mairie, c’est qui prenait en charge les démarches administratives. François BASSOLET qui était le patron de la presse écrite à l’époque assurait les communiqués dans les journaux.



Enfin, Souleymane OUEDRAOGO, projectionniste au cinéclub du Centre a facilité l’installation du matériel et la projection des films à la maison du peuple.

Donc, malgré le manque de moyens, il fallait quand même réaliser le festival avec toute  la volonté et l’imagination.

ArtBF : S’il vous était donné de faire le portrait robot de Sembène, comment allez-vous le présenter à la jeune génération ?

A.S : Rrire). De prime abord, c’est par sa pipe. Il avait une grosse pipe.

Sembène est un monument de la culture et particulièrement du Cinéma africain. C’est  un monsieur qui a consacré toute sa vie à défendre la culture africaine et son identité. Et

comme il le disait, » l’Afrique c’est le soleil. Les gens tournent autour de l’Afrique ».  Il ajoutait  plus loin que  » Le cinéma, c’est l’école du soir ».

Il est d’une grande écoute. Quand vous parlez,  Sembène vous écoute. Il y a beaucoup de personnes qui ne savent pas qu’il faut savoir écouter pour être grands.  Il s’érigeait rarement en donneur de leçons. Il donne plutôt des arguments pour défendre son Afrique et sa culture.

ArtBF : Quelle a été sa contribution au rayonnement du FESPACO ?

A.S : Ah c’est énorme ! Je puis vous dire que Sembène Ousmane l’a défendu de fond en comble. Un président africain disait un jour que « La réussite a plusieurs pères. Mais c’est l’échec qui est orphelin ». Les gens n’ont pas supporté que la petite Haute-volta (Burkina Faso) puisse disposer d’un tel festival. Et malheureusement pour eux, c’est ce petit pays qui a réussi à mettre en place ce festival panafricain qu’est le FESPACO.

Contre vents et marrées, les tracasseries et les théories développées par les uns et les autres pour retirer ou délocaliser le FESPACO du petit pays qu’était la Haute Volta, Sembène à toujours été un véritable plaidoyer pour que « CE QUI EST A CESAR REVIENNE A CESAR ».

Pour Ousmane Sembène,  le FESPACO est né au Burkina, il ne sera pas question de le délocaliser pour un autre pays si grand ou si puissant soit-il.

C’est ainsi qu’à chaque fois qu’il y avait des turbulences ou des velléités de certains pays de retirer le FESPACO, il a toujours été là pour défendre.

Mot de fin

Nous regrettons simplement qu’il ne soit plus de ce monde. Sinon, il aurait mieux raconté le FESPACO que moi avec les plus belles images dont lui seul avait la magie.

Je dirai que je suis très contente et je me sens chanceuse d’avoir rencontré ce grand monsieur.

 

Nous fondons l’espoir de voir la question de financement du festival rebondir dans les colloques et autres conférences afin que cet évènement puisse mériter son  panafricanisme et jouir de toutes ses lettres de noblesse.

 Patrick COULIDIATI

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