Le Pr Alain Joseph SISSAO : Ecrivain chercheur

Le Pr Alain Joseph SISSAO : Ecrivain chercheur

L’histoire de la littérature burkinabè s’est véritablement construite autour des années 80 – 90. C’est précisément sous l’ère révolutionnaire que le boom littéraire s’est opéré sous les projecteurs témoins de la Semaine Nationale de la Culture. A travers cet entretien, le Pr Alain SISSAO nous éclaire sur quelques œuvres de référence, celles qui ont surtout bâti le printemps de la littérature burkinabè. Mais avant, notre invité nous parle de son thème de mémoire sur la parenté à plaisanterie, un sujet sur lequel ArtistesBF  s’intéressera dans les prochaines publications.

Pr Alain Joseph SISSAO (A.J.S) : “Les alliances et les parentés à plaisanterie au Burkina Faso, mécanismes de fonctionnement et avenir”, c’est un travail de doctorat qui m’a conduit à développer ce thème pendant au moins 4 ans à l’Université de Paris XII. (…) L’intérêt de cette recherche était de montrer que les écrivains burkinabè essentiellement ceux de la culture Moaga puisaient dans la littérature orale de la culture moaga pour enrichir la création  romanesque de leurs œuvres. (…) J’ai essayé de démontrer cela par les multiples emprunts qu’ils faisaient de la littérature orale notamment, des proverbes, des récits courts qui sont les proverbes, les devinettes, sentences, contes mais aussi des récits plus longs où j’ai emprunté à certains contes du LARLE Naba.

La fin de la démonstration a permis de conclure que ces écrivains burkinabè ne se contentaient pas uniquement d’écrire des récits mais les enrichissaient de la littérature orale empruntée à leur culture. Ce qui donne un mélange des genres, une polyphonie à travers l’intersexualité des hypo textes empruntés à des textes préexistants.

ArtBF : Est-ce à dire que les écrivains burkinabè n’étaient pas assez inspirés pour raconter leurs propres histoires?

A.J.S : En fait, il ne s’agit pas de cela. Ce n’est pas qu’ils n’ont pas créé une nouvelle histoire. A travers l’analyse que j’ai pu faire de ces corpus romanesques, ils racontent des histoires en s’inspirant des récits de leurs cultures pour illustrer une nouvelle histoire. Par exemple, dans les romans de Patrick ILBOUDO, il parle de la leçon des cauris qui est un texte emprunté  à un conte du Laarlé Naaba qu’on appelle “liguidi Naaba”. Patrick ILBOUDO a emprunté ce texte pour illustrer la situation du procès qu’il était en train de décrire dans le roman “Le procès du Muet”.  Il en est de même du  roman de Etienne Sawadogo, “LA DEFAITE DU YARGA” où il emprunte des récits  mais qui sont enchâssés  dans le texte pour montrer la particularité de la trame narrative

On retrouve le même phénomène chez les autres romanciers tels Nazi Boni dans crépuscule des temps anciens et Chinua Achebe dans son roman “Le Monde s’effondre” où les proverbes et les récits mythiques IBO sont empruntés pour être insérés dans ces romans.

ArtBF : Quel est votre regard critique sur cette littérature burkinabè ?

A.J.S : La littérature burkinabé est une littérature émergente. C’est une littérature qui est en train de se construire et de se consolider. Elle n’est pas encore bien connue. Mais si on se réfère à la genèse de la littérature africaine, à des textes majeurs comme “crépuscule des temps anciens”  qui fait partie des romans historiques selon la classification de Jacques Chevreuil dans la “littérature nègre”, on ne peut pas dire que la littérature burkinabé est complétement méconnue.

Dans l’évolution de cette littérature burkinabé, il y a eu de grandes vagues, de grands silences. Si vous prenez un peu le panorama d’un certain nombre de critiques notamment par Hyacinthe SANDWIDI, il a bien montré dans l’évolution de la littérature burkinabé  qu’il y a eu 7 ans de silence entre “crépuscule des temps anciens” et d’autres productions littéraires tels le roman de Pierre Claver IIBOUDO, le roman de Roger NIKIEMA Dessein contraire . Puis dans les années 80,  il y a eu quelques productions  qui n’étaient pas tout à fait connues.  Mais le printemps de la littérature burkinabé proprement dite va se percevoir dans les années 90 avec la politique révolutionnaire qui, à l’époque à essayer de mettre la culture au centre du développement avec la semaine nationale de la culture.  On a eu l’émergence de nouveaux écrivains Jacques Prosper BAZIE (la poésie), Norbert ZONGO (Rougbenga et le parachutage), Patrick IIBOUDO. Dans les années 2000, il y a eu une autre génération d’écrivains qui est apparue notamment Vincent OUATTARA dans “Horreur des accusés et des accusateurs”.

Mais il manque beaucoup d’œuvres critiques pour faire connaître cette littérature exceptées quelques publications comme l’ouvrage du Pr Sanou Salaka “la littérature burkinabé:  les hommes et les œuvres” qui jette un regard panoramique de la littérature burkinabé et qui permet de connaître les auteurs burkinabè.  Mais je dis qu’il n’y a pas eu un travail d’analyse littéraire qui a été fait; ce qui ne permet pas de connaître les canaux esthétiques de   cette littérature alors qu’il en existe. On a aussi l’œuvre critique du Pr. Ange SOMDA “écritures du Burkina Faso” tome-I qui a publié un certain nombre d’œuvres critiques sur la littérature burkinabé. Mais proprement dit, il a fallu le colloque de 2016 qui a été organisé avec le Pr Isak BAZIE et Jean  OUEDRAOGO pour consacrer un numéro spécial sur la littérature burkinabé en transition. Et à l’intérieur vous avez un certain nombre d’auteurs et d’articles qui font l’analyse des œuvres littéraires que ce soit des œuvres romanesques, dramaturgiques de théâtre et poétiques.

Patrick COULIDIATY

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