Les communautés linguistiques : Objectifs et mise en œuvre

Les communautés linguistiques : Objectifs et mise en œuvre

Dans le cadre de la promotion des langues nationales au Burkina Faso, un communiqué en date du 02 septembre 2024 et signé du Ministre invitait les communautés linguistiques à mettre en place des bureaux des sous-commissions des langues nationales. Nous retrouvons Dr Awa 2ème Jumelle TIENDREBEOGO née SAWADOGO pour nous entretenir sur les notions de communautés linguistiques et leurs objectifs.

Les sous commissions de langues nationales au sens d’Halaoui constituent des instances de la langue. Nous avons d’abord la Commission nationale et les sous commissions. Chaque langue doit avoir une sous-commission dotée  d’un bureau qui s’occupe de sa description et de sa promotion. C’est ça les sous commissions des langues.



 Et que sont les objectifs ?

Le premier objectif, c’est la valorisation et la promotion de la langue par la sous-commission. En fait, il est  plus facile pour les communautés linguistiques de promouvoir leur propre langue et on ne peut que compter avec et sur elles pour la description, la traduction et la conception des lexiques spécialisés. L’article 12 de l’arrêté stipule que « chaque sous-commission nationale de langue doit disposer de comités spécialisés ». Ce sont :

  • un comité scientifique pour la recherche linguistique, l’élaboration du système orthographique, la production de lexiques, de grammaires et de dictionnaires
  • un comité chargé de la promotion des valeurs culturelles et artistiques
  • un comité chargé de l’alphabétisation, de la traduction et de la validation des documents de la langue g

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A combien évaluez-vous le budget d’un tel projet ?

(Rires). La politique linguistique et la stratégie qui en découle ont budgétisé toutes les rubriques et étapes de ce projet. Mais la valorisation de nos langues relève de notre souveraineté, de notre dignité. Pourquoi ne pas auto-financer cela ? Le Burkina regorge d’opérateurs économiques et chacun dans son domaine peut à mon sens consentir un sacrifice pour plus d’actions fortes car la fierté a un prix et nous en sommes une génération charnière.  Nous pouvons et devons le faire à l’endogène. Avec le sursaut patriotique auquel nous assistons, je crois que chaque sous-commission va s’organiser. Toutefois, une disposition de l’arrêté établit que les sous-commissions peuvent bénéficier d’une subvention de l’Etat. Il faut reconnaître que si jusqu’ici, nous avons des problèmes pour promouvoir notre patrimoine linguistique, c’est parce que nous avions toujours compté sur l’aide étrangère. De toute évidence, la francophonie travaille pour l’expansion géographique du français. Comment pouvons-nous compter sur des organisations pareilles pour promouvoir nos langues ? C’est justement pourquoi les formules exogènes visent toutes la sortie précoce des langues nationales du système éducatif ou prônent des méthodologies qui prennent en otage l’enseignement-apprentissage des disciplines fondamentales, instrumentales à même de permettre l’autonomisation des apprenants. Mais il faut malheureusement être assez informé pour comprendre car ce n’est pas évident. Nous devons cependant nous dire qu’au-delà de nous-mêmes, le Burkina Faso de demain doit se dessiner aujourd’hui et chacun de nous tient le crayon et la gomme. Soyons donc alertes car Koom sãn daage, a wυkr yaa toogo (l’eau versée se ramasse difficilement).

 Quels sont les critères pour être membre d’une sous commission linguistique ?

Ah ! il y a un arrêté qu’il faudra chercher à lire. L’adhésion peut être libre !  Mais disons que tout locuteur ou membre d’une communauté linguistique doit être capable de travailler à sa promotion. Toute personne relevant d’une communauté ethno-linguistique, locutrice d’une langue, tout sympathisant qui souhaiterait œuvrer à la promotion et la revitalisation d’une langue quelconque peut adhérer à la sous-commission de ladite. Mais il faut savoir que ce sont généralement des associations quand bien même elles sont sous la tutelle technique de la Commission nationale des Langues nationales dont le secrétariat permanent assure le secrétariat technique et le Ministre de l’enseignement de base, de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales la présidence.

La durée des mandats de chaque bureau est laissée à l’appréciation de chaque sous commission. Nous avons proposé un modèle de statut et de règlement intérieur mais c’est vraiment à titre indicatif.



Est-ce que nous avons oublié des aspects importants que vous avez envie d’aborder en guise de mot de fin ?

Oui ! Il faut que nous sachions que nous ne pouvons pas nous développer dans la langue d’autrui. Il faut que nous sachions que nous serons toujours à la traîne si nous ne prenons pas à cœur le développement, la revitalisation de nos langues. Il est bon de savoir également  que  notre identité se trouve dans nos langues et   nos cultures. Nous devons nous unir pour les promouvoir et bannir l’irrédentisme linguistique et l’ethnocentrisme. Le Burkina Faso est unique et nous devons défendre le patrimoine linguistique et culturel.

Si les autorités nous demandent de nous accorder et d’utiliser quelques langues dans l’administration sur la base de critères objectifs, c’est parce qu’il ne sera pas aisé d’avoir des répondants de  toutes les langues dans nos administrations. Alors, il est important que nous l’acceptions et que nous considérions nos langues comme des valeurs sûres et certaines de la promotion sociale.

Je salue cette initiative et remercie grandement votre organe. J’en profite pour  demander à tous les organes de presse d’être nos relais en assurant la mobilisation sociale, cette œuvre de conscientisation qui voudrait que les gens sachent qu’on avait été trompé depuis plusieurs années en reniant nos langues et nos cultures. Il faut donc revenir à nos fondamentaux, reconsidérer nos traditions, nos Us et coutumes, reconsidérer  les valeurs que les ancêtres  nous ont léguées de plus nobles que sont la solidarité, la loyauté, l’intégrité, la charité, la vérité,  l’unité, et j’en oublie.   Accordons la primauté au capital humain. De cela découleront toutes les richesses éphémères auxquelles aspirent plusieurs.

Patrick COULIDIATI

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