Tapis Rouge pour Fousséni KINDO, Journaliste à la RTB

Tapis Rouge pour Fousséni KINDO, Journaliste à la RTB

Il pourrait être considéré comme l’un des doyens aujourd’hui des journalistes présentateurs du Journal télévisé à la Chaîne Nationale du Burkina. Réalisateur de documentaires, ce journaliste malgré son ancienneté dans la boite fait partie de ceux qui continuent avec humilité à présenter le Journal Télévisé. C’est un fou du métier, du travail bien fait et qui résiste jusque-là à toutes les chapelles politiques. Mu par cette folie du professionnalisme, Fousséni KINDO puisque c’est de lui qu’il s’agit, a créé plusieurs émissions télé dont la dernière en date est l’émission ” C’est écrit”. Pour notre invité, il n’y a pas de mérites ni une quelconque récompense à attendre. Il s’agit plutôt d’une passion pour ce métier, une folie qui consiste à lui faire rêver pour son peuple et pour ces milliers de téléspectateurs qui le suivent à distance. Cette folie, il nous l’a contée dans ses moindres détails. Tapis Rouge donc pour Fousséni KINDO, entre professionnalisme, passion et enjeux politiques.


FOUSSENI KINDO : (F.K ): Je m’appelle Fousséni KINDO, je suis journaliste de formation et de profession. Je suis également réalisateur de documentaires, institutionnels comme de fiction. J’aborde beaucoup des aspects sociaux, des thèmes relatifs aux questions d’injustice et d’égalité pour plus de solidarité entre les hommes. Après ma formation à l’université de Ouagadougou, j’ai fait des stages en journalisme culturel tant au niveau du Burkina qu’à l’extérieur pour affiner davantage la spécialisation. C’est en 2002 que j’ai commencé à travailler d’abord à Radio Bobo pendant sept(07) ans avant d’être affecté à Ouagadougou en Janvier 2008.
En son temps, c’était le Ministre Filipe SAVADOGO qui avait souhaité que l’on puisse m’envoyer à Ouagadougou et renforcer l’émission “Parenthèse” de la télévision nationale. C’est comme ça que je me suis retrouvé à la télévision nationale. A mon arrivée, je devais intégrer l’équipe de parenthèse mais certains ont cru que je voulais prendre leur place. Comme il en était ainsi, j’ai proposé une autre émission de débat et d’idées philosophiques qui s’appelait “EN QUETE DE SENS” pour donner une grille de décryptage et d’analyses à l’humain par rapport au monde qui l’entoure et sur des questions philosophiques et existentielles. Au temps fort de l’émission entre 2008 et 2012, l’émission a cartonné dans la mesure où après chaque numéro, il y avait des débats, des controverses et des polémiques dans de nombreux lieux de causeries. D’ailleurs, un an après son lancement, l’émission, a reçu le meilleur prix en débat télévisé aux Galians 2009. C’était la deuxième fois qu’une émission télé recevait le prix du meilleur débat après l’émission de Remy DANGINOU. Depuis 2008, j’ai donc continué avec d’autres émissions culturelles notamment “En quête de sens” et un magazine consacré au livre intitulé “c’est écrit”.
Artistebf (Art .) : Avant de continuer cet entretien, mettons une pause pour décrypter le message qui se cache derrière cette tête rasée que vous présentez fréquemment au JT ,
FK : Personnellement, je n’ai pas voulu prendre un modèle en tant que tel, mais j’estime qu’avec beaucoup de cheveux c’est souvent encombrant. J’aime la simplicité et je trouve que ce look de tête rasée dénote un caractère de simplicité sans être simpliste. C’est juste pour ne pas trop m’encombrer et avoir à courir derrière les coiffeurs.
Vous travaillez depuis 2002; que pensez-vous avoir apporté à la RTB dans le cadre de votre métier ?
F.K : Comme Jean Paul Sartre le dit, “la perfection n’est pas de ce monde et l’homme est désir fondamental de perfection, l’homme est désir d’être Dieu car pour l’humain, c’est Dieu qui est la perfection.” Je veux dire que ce que nous avons modestement posé comme actes depuis le début notre carrière ne mérite pas d’être cité. Pour nous, le motif de satisfaction, c’est lorsque l’on va dans les confins du Burkina où on ne reçoit pas très bien la télévision et que quelqu’un vient nous remercier de l’avoir permis de réfléchir, de lui avoir donné le bonheur de se reconnaitre lui-même. Je suis déjà comblé et au-delà de la satisfaction morale, c’est de savoir que nous avons été utiles à quelqu’un, à l’humain, aux burkinabé. Autre point de satisfaction, c’est lorsqu’on finit une émission et qu’on a le sentiment qu’on a pu mettre dans cette émission ” notre folie”; c’est-à-dire ce que l’on a personnellement aimé. Je prends l’exemple du fou KERFA dans le film “SYA ” ou ” le rêve du python”. Le fou KERFA a été convoqué par le ROI qui lui reproche de raconter en ville des choses pas catholiques à son sujet; est-ce des folies lui a-t-il demandé? “OUI c’est exact ! Lui réponds le fou ” je rêve …”. Le Roi lui dit, mais dans ce cas, rêve pour moi aussi. Le fou dit non, je ne peux pas rêver pour toi parce que toi au moins, tu as des courtisans. “Moi je rêve pour le peuple !
Alors personnellement, je suis comme ce fou, je rêve pour le peuple, pour ces milliers de téléspectateurs qui me suivent et me font confiance. La véritable satisfaction, c’est celle que le public tire du travail que nous faisons. C’est de savoir après chaque travail, que tu as mis le meilleur de toi et qui va plaire … Mais ce n’est pas véritable le fait que les gens te reconnaissent en public; je trouve cela factice.
Art. : Il y a certaines têtes qui ont disparu des “radars” (JT) de la télévision et cela depuis l’insurrection des 30 et 31 octobre. Mais il est réjouissant de constater que Fousséni fait l’exception. Quel est votre mérite?
F.K : Mon mérite, c’est d’être resté journaliste. Je le dis haut et fort et je mets au défi quiconque. Je n’ai jamais prêché dans une chapelle politique et je ne compte pas non plus le faire. J’ai appris ce métier sur les bancs de l’université, j’ai appris à aimer ce métier quand j’ai commencé à l’exercer. Pour rester professionnel et en phase avec ce que le métier veut, il faut rester lié à ce que l’esprit et la lettre de la profession du journaliste commande. Il n’y a pas de secret, il faut seulement rester professionnel. S’il nous arrive d’avoir des réflexes, c’est d’avoir des réflexes de journaliste. Dans ce métier, il faut apprendre à cultiver la perfection. En fait, j’évite de me contenter des sentiers battus.
Art . : Mr Kindo, malgré votre professionnalisme, votre dévouement et les mérites que vous venez d’égrainer, nous constatons sauf erreur qu’aucune reconnaissance (décoration) n’est faite à votre endroit. Vous sentez-vous victime de votre réticence aux chapelles ?
F.K : Je ne demande pas des décorations, je ne demande pas des lauriers. Si quelque part quelqu’un estime que je mérite une distinction, ce serait tant mieux. Je ne le dis pas forcement pour réclamer une distinction particulière. Avec le régime de la transition, les décorations ont recommencé à avoir un autre intérêt, une autre valeur. Sinon, à un certain temps, lorsqu’on décorait quelqu’un, c’était comme banal et souvent même suspect. C’était comme si vous avez négocié votre médaille ou que vous avez “flirté” avec le régime en place.
Et que comptez-vous faire; rester toujours en dehors des chapelles ?
F.K : Je ne saurai le dire. Un journaliste, s’il veut rester journaliste doit être professionnel. Le mélange de genre ne marche pas souvent surtout pour le domaine du journalisme que je connais. Si on estime que c’est une faute de ne pas ajouter une corde à mon arc, de faire la politique, il faudra attendre encore plus longtemps.
Art. : Parlez-nous de votre émission “C’est écrit”
F.K : Si l’émission n’existait pas, il fallait la créer si je m’en tiens vraiment aux préoccupations des auteurs. Ces cinq (05) dernières années, il ne se passe pas une semaine sans dédicace de livre au Burkina. On est arrivé à un rythme de dédicace au même titre que les albums musicaux parce que la masse critique des écrivains commence à devenir importante. Nous nous sommes rendu compte que le livre n’existait pratiquement pas sur les antennes de la télévision en dehors des dédicaces qui sont couvertes sous forme de reportages. Nous avons pensé que relancer le rendez-vous du livre sur la RTB est nécessaire pour deux (02) raisons. D’abord, contrairement à ce que les gens pensent, la littérature comme la culture d’une façon générale a une plus-value pour l’économie parce qu’elle répond aux questions sociétales qui se posent aux contemporains aujourd’hui. Elle permet en même temps à l’humain de comprendre le monde dans lequel il évolue. Le livre c’est quoi ? Comme le dit Stendhal, “le livre est comme un miroir qu’on promène le long de la route; il reflète un certain nombre d’images qu’il rencontre le long de cette route et permet aux lecteurs de se retrouver”. A travers donc le livre, on apporte une plus-value à la culture de ce lecteur (culture générale et culture comme manière d’être). C’est la somme de ces cultures qui enrichit une civilisation et une civilisation enrichie, humanise davantage l’homme. C’est pourquoi un rendez-vous autour des livres sur la RTB a droit de cité. Ensuite, pour encourager cette abondante production littéraire, il faut forcement que les journalistes puissent accompagner ces créateurs. Dieu seul sait combien d’efforts surhumains ces auteurs font pour nous produire ces œuvres; ce n’est pas facile d’écrire devant une feuille vierge. C’est un travail qui mérite d’être encouragé. Alors, ne pas arriver à les promouvoir et à les accompagner, c’est leur faire du tort et nous faire du tort à nous même.
Art. : Comment appréciez-vous alors le paysage littéraire Burkinabé?
F.K : Il y a ceux qui sont sérieux, ceux qui ne sont pas sérieux et ceux qui demandent à être encouragés pour être sérieux. Il y a de la qualité dans les productions littéraires avec plus d’une centaine de productions en 2014 et plus d’une centaine aussi d’auteurs qui ont publié en 2015 malgré la période de transition. L’une des faiblesses littéraires au Burkina, c’est la question de l’esthétique, la rhétorique, la façon de construire le récit pour le rendre intéressant mais aussi la question de la langue. Un écrivain, c’est avant tout la beauté de la langue; et à ce sujet, Sony Labou Tansi dit que “La langue est comme un cimetière de mots; c’est à l’écrivain de lui donner vie et corps”. Malheureusement l’abondante production littéraire que nous avons pèche parfois par ces questions de qualité de la langue. Ensuite, il y a l’édition. La plupart des livres édités au Burkina le sont dans un contexte d’amateurisme. Il y a une faiblesse éditoriale au niveau de la présentation matérielle du livre qui est comme la carte d’identité voire le visage du livre. Enfin, j’ai comme l’impression que les gens sont pressés de publier, d’avoir leur nom sur une couverture. Non, je suis désolé ! L’art est comme du vin qui se bonifie avec le temps. Il faut que les écrivains travaillent d’abord leur talent et qu’ils laissent le reste venir.
Art. : Qu’est-ce qui manque donc à notre littérature ?
Il faut que les autorités en charge de la culture pensent à instaurer des ateliers d’écriture pour aider les nombreux jeunes qui aspirent à l’écriture. L’écriture est un art mais aussi, une façon de faire et tant qu’on ne le fait pas tel que la science littéraire le dit, ce n’est pas de la littérature. Si vous faites de la poésie sans faire de la versification, qu’elle soit libre ou rimée, ce n’est pas de la poésie. Un roman sans intrigue, n’est pas non plus un roman. En plus, pour encourager la littérature, il faut qu’on aille vers la création des bibliothèques publiques; la bibliothèque nationale n’existe que de nom. Il faut également créer des bibliothèques communales pour aider cette jeunesse qui a soif de lecture et de connaissance.
Enfin, il faut aussi encourager les éditeurs afin qu’ils aient une certaine assise. Aujourd’hui, beaucoup se disent éditeurs au Burkina; on leur fait confiance et ils arnaquent en fin de compte les gens.
Artistesbf

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