Odile SANKARA, Comédienne

Odile SANKARA, Comédienne

Odile Sankara fit ses premiers pas au théâtre avec la compagnie fereen d’Amadou BOURROU. Mais déjà, à l’université et au département des arts du spectacle précisément, elle sentait le désir de s’approcher du domaine culturel et artistique. Amadou BOURROU n’a donc fait que réveiller la championne qui dormait en cette artiste comédienne. Petit à petit, elle s’est frayé un chemin dans le domaine et depuis une décennie, elle est continuellement sur les planches. C’est donc une comédienne chevronnée que nous avons rencontrée pour échanger sur son métier et qui nous a fait une révélation étonnante; un vrai secret de polichinelle. Lisez plutôt :


Artistebf (Art.) : Odile? Notre surprise, c’est de vous avoir découverte avec des cheveux coupés. Y a-t-il un lien avec les journées d’hommage à Amadou BOURROU ?
Odile SANKARA (O.S.) : Je ne suis pas une femme comme les autres! Beaucoup me disent que je ne prends pas soin de moi, mais à mon avis, pour travailler pleinement au théâtre on ne peut pas qu’être tourné sur soi ; c’est tellement accaparant!

Art. : C’est pourtant indispensable que vous preniez soin de vous !
O.S.: C’est indispensable, j’en conviens ! Pour moi, la beauté de la femme comédienne, c’est sur le plateau. Pour vous dire la vérité, je n’ai pas le temps d’aller dans un salon de coiffure parce que la chevelure demande tellement de soins ! Et la tête rasée, c’est un look qui me va bien.

Art. : Comment comptez-vous donc conquérir le cœur du prince charment si vous ne prenez pas soin de vous?
O.S.: La beauté d’un être humain est au-delà de l’apparence ; c’est ce que la personne charrie comme substance qui est le plus important. C‘est vrai qu’on est tous plus ou moins attiré par l’apparence ; mais très vite, cet aspect s’estompe et on a envie plus de découvrir l’autre. Alors si quelqu’un vient vers moi et dit s’intéresser à moi, c’est sûr qu’il ira au-delà de l’apparence, s’il est vraiment sincère. En mon sens, l’apparence est éphémère !

Art. : Quelle appréciation faites-vous de l’évènement en cours au Burkina, en tant que comédienne et femme de culture ?
O.S.: C’est une joie extrême pour moi. Quand vous voyez la liesse populaire, vous comprenez la joie extrême qui anime les Burkinabé. Pendant 27 ans, les gens étaient fatigués, comprimés, étouffés. Le mensonge qu’il y a eu autour de ce pouvoir a meurtri les gens au plus profond d’eux-mêmes. Donc, un grand soulagement populaire s’est exprimé; bravo ! Et merci à la jeunesse et à la société civile qui ont œuvré pour nous conduire à cette libération.

Art. : Où réside exactement Odile SANKARA ?
La beauté de la femme comédienne, c’est sur le plateau.O.S.: Je suis partout et nulle part ; c’est le propre de l’artiste. Un artiste n’appartient plus à un seul pays. Grâce à Amadou Bourou, j’ai eu la chance d’aller faire une résidence en France dans un théâtre, le théâtre Granite, scène nationale de Belfort. Puis, durant cette résidence de cinq ans que j’ai faite, des metteurs en scène m’ont approchée et m’ont proposée des créations que j’ai acceptées. Petit à petit donc, un réseau s’est mis en place et depuis une décennie, j’ai été continuellement sur les planches. Je rends grâce à Dieu, j’ai beaucoup travaillé avec des metteurs en scène de renom. Officiellement, je vis au Burkina mais c’est le temps de mes contrats qui fait que j’ai toujours été absente du pays.

Art. : Le 23 Octobre 2014 vous avez organisé une activité en hommage à Achille Amadou BOUROU, quel bilan faites-vous de ces journées d’hommage?
O.S.: Une très grande satisfaction morale ! L’héritage que ce monsieur a laissé est inestimable pour le Burkina. C’est un soulagement pour nous (les héritiers Feeren, la famille, les amis et les artistes) d’avoir pu organiser ces journées. Nous sommes donc très contents que beaucoup de gens aient aussi apprécié notre démarche. Nous venons seulement de faire notre deuil. Et nous savons que maintenant, il repose en paix.

Art. : Pouvez-vous reprendre pour nos lecteurs vos débuts dans le théâtre ?
O.S.: J’ai commencé assez timidement dans le théâtre. D’abord à l’université, au département des arts du spectacle, je sentais en moi cette fibre et ce désir de m’approcher du domaine culturel et artistique. Mais c’est à la faveur de la création de la compagnie Feeren, que j’ai nourri de l’engouement pour le théâtre. Avant, je l’aimais sans rien comprendre, dans l’ignorance totale. Au début, je partais en dilettante en me disant que c’est juste un passage en attendant d’avoir une belle situation sociale qui me propulserait derrière un bureau. Vous savez bien le rêve que chacun a pu nourrir dès les premiers bancs de l’école par rapport à son devenir. Un fantasme et un leurre! Alors le choix du théâtre n’a pas été simple car j’avais la pression familiale, celle de la société et des amis. Même dans le milieu culturel, certains responsables nous dissuadaient en disant que nous allons droit au mur, qu’on ne peut pas du tout vivre du théâtre au Burkina. Grâce aux conseils de BOURROU, sa pédagogie, sa démarche, sa connaissance du métier et son obsession, nous avons persévéré et nous avons gagné. C’était une gageure! Puis, prenant progressivement goût à ce métier, je me suis dit que le théâtre est pour moi en tant que femme, l’endroit idéal d’exister politiquement, socialement et culturellement.

Art. : Combien de comédiens étiez-vous au début de la création de la compagnie Fereen ?
O.S.: Nous n’étions que trois : Alain Héma, Robert Nana actuellement en France et moi.

Art. : Aujourd’hui on peut dire qu’Odile Sankara totalise près d’une centaine de pièces jouées !
O.S.: Pas autant ! Mais peut être la cinquantaine. C’est vrai que je n’ai jamais fait le calcul. Vous faites bien de m’en parler et je vais m’y exercer.
Déjà j’ai été révélée au public en 1994 dans le spectacle d’ouverture à la SNC, “Wamaru” dans le rôle de SIRA (mise en scène par Amadou BOURROU). Mais véritablement, c’est la pièce sur le mythe de «Médée» (mise en scène par J. Louis Martinelli) où j’ai incarné le personnage de Médée qui m’a révélée davantage à un large public. C’est une pièce que nous avons jouée plus de 250 fois en l’espace de huit ans sur toutes les grandes scènes de théâtre du monde.

odile02.jpgArt. : Avec tout ce palmarès, Odile ne dira plus que l’art au Burkina ne nourrit pas son homme comme beaucoup aiment à le dire ?
O.S.: J’ai eu la chance tout simplement d’être à la croisée des chemins. C’est vrai qu’il y a le travail mais il a aussi, le facteur chance. Si Amadou ne m’avait pas permis d’avoir cette résidence et par la suite de faire des rencontres, je n’aurais peut-être pas été propulsée. Mais comme le dit Stanislavsky, il y a 5% de talent et 95% de travail. Autrement dit il y a 5% de chance et 95% de travail. Je crois qu’il faut que nous quittions ce discours: « l’art ne nourrit pas son homme ». J’étais surprise, en février 2014 quand j’ai joué au SITO, la pièce «une nuit à la présidence », de voir le beau monde qui attendait chaque soir en rang près d’une heure de temps pour espérer avoir une place et ne pas rater le spectacle; c’était incroyable. Nous avons du public et quand on a du public, il nous appartient de l’entretenir et de lui faire des propositions.

Art. : Quel regard critique portez-vous sur l’évolution du théâtre au Burkina ?
O.S.: J’ai beaucoup d’espoir pour le théâtre. Amadou en 1990 a dit : « je veux faire du théâtre professionnel » ça lui a valu quelques railleries mais il a eu raison et à partir de là, il y a eu toute une dynamique parce qu’il a impulsé une profession de foi vis à vis du théâtre en disant : «on peut bien vivre de ça, il suffit de nous donner les moyens d’y travailler». Donc à partir de là, nous avons eu la naissance des métiers apparents à l’art de la scène qui se sont imposés avec vraiment une réelle connaissance et une réflexion autour de leur pratique. C’est un fait qu’Amadou a encouragé puisque son théâtre était pluridisciplinaire. J’ai donc beaucoup d’espoir pour le théâtre burkinabé et africain car de nouvelles initiatives naissent et se renouvellent et on avance. On a l’exemple des Récréartrales.

Art. : Après le décès d’Amadou BOUROU, on a eu l’impression que c’est la faillite ; tout s’est écroulé y compris la compagnie Feeren . Est-ce parce que les héritiers que vous êtes n’avez pas bien joué votre partition ?
O.S.: Vous avez parfaitement raison en me posant la question car en tant qu’héritiers, nous sommes en premier responsables de la léthargie de ce lieu. Mais nous étions tous blasés pour ce qui est arrivé à Amadou.
Le pays ne l’a pas soutenu ; il n’a jamais eu une écoute encore moins, un accompagnement. C’est un aspect qui a contribué à l’abattre moralement. La preuve, c’est qu’il est mort pendant que le FESPACO lui serait redevable de près de 5 000 000 frs CFA. C’est Bourrou qui a initié les cérémonies d’ouverture et de clôture du FESPACO. En 1994, il a apporté sa touche à la SNC et en 1995, c’était au tour du FESPACO de bénéficier de ses services. D’ailleurs, c’était la première fois que le FESPACO faisait un spectacle d’ouverture. Ironie du sort, c’est le FESPACO qui a contribué à l’achever. Depuis 2005, il n’a jamais pu rentrer en possession de l’intégralité de son dû. (5 000 000 frs CFA); il l’a réclamé en vain. Il est resté donc redevable à certains artistes qu’il a engagés pour l’organisation du spectacle d’ouverture. Certains l’ont traité de tous les noms d’oiseaux (ce que je comprends) avant de finir par accepter et comprendre qu’en réalité, le FESPACO l’a volé en ne lui payant pas le reste du cachet et donc par déduction, le Fespaco a volé ces artistes-là. Amadou était un homme de vérité, un homme juste. Son souci était le développement de l’élément artistique et culturel. Et l’artiste était au cœur de son projet professionnel. La preuve, c’est que Feeren était déclaré à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS). Une expérience unique.
Cette commémoration est une première étape qui nous permettra à moyen et long terme de réhabiliter le projet Feeren.

Art. : Quel est votre projet d’avenir pour le Burkina?
O.S.: Je veux aujourd’hui participer à la formation. Quand je fais un flash-back sur mon parcours théâtral, je crois que la formation est fondamentale. Je suis consciente que l’artiste dramatique peut avoir du talent certes, mais ce n’est pas fondamental. Il faut acquérir les fondamentaux du théâtre.
P.K :
Artistebf, Décembre 2014

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