Cheick Beldh’or SIGUE, DG des Editions Le Pays

Cheick Beldh’or SIGUE, DG des Editions Le Pays

 Dans la vie, il faut apprendre à avoir conscience du temps, conscience de la montée des générations. Ceci dit, à partir d’un certain moment, il faut marquer un arrêt, regarder dans le rétroviseur et penser à l’avenir. (…) J’ai eu le sentiment qu’il était temps de céder la place à mon fils Cheick Beldh’or qui est un journaliste formé à la bonne école, pour qu’il s’assume.(…) J’ai donc estimé qu’il fallait lui passer le témoin. C’est ce que j’ai fait même si je suis parfois présent dans les locaux. Je veille à distance sans trop m’immiscer dans ce qu’il fait dans le souci justement de lui permettre de bien s’assumer. »
Tels sont les propos de Père Boureima Jérémy SIGUE, Fondateur des Editions “LEPAYS” pour justifier sa décision de nommer Fils SIGUE au poste de Directeur Général du Journal.
En effet, c’est le 9 février 2010 précisément que Cheick Beldh’or a été nommé à la direction des commandes du Journal. Quel âge avait-il en ce temps ? Nous ne pourrons vous le dire. Ce qui est sûr, ce journaliste en forme comme un Turc, pardon comme un Burkinabé, pilote depuis 3 ans les Editions LE PAYS sous le contrôle et l’admiration de père SIGUE. Et jusque-là, à entendre Beldh’or SIGUE, la collaboration se passe très bien “Je ne me lasse pas de recueillir ses conseils et avis. Je suis heureux qu’il ait beaucoup à m’apporter d’autant qu’il a une longue et riche expérience dans le métier.C’est dire que lefondateur des Editions « LePays », M.Boureima Jérémie Sigué, est, pour moi, une source inépuisable de conseils … .
Tant mieux donc si tout se passe bien ainsi. D’ailleurs, on aurait souhaité qu’il fasse mieux que son père puisqu’en Afrique, la sagesse enseigne qu’un enfant doit toujours faire plus que le père.
Alors restant dans cette logique, qu’est-ce que fils SIGUE, de la jeune génération a pu apporter de nouveau ou de mieux que le père dans la ligne éditoriale du Journal et surtout sur le plan culturel ? Voilà ce dont nous sommes allés échanger avec le DG des Editions LE PAYS.

Artistebf (ART) : Vous êtes à la tête des Editions «Le Pays ». Pour vos lecteurs, pouvez-vous vous présenter davantage: votre carrière professionnelle, les diplômes que vous avez obtenus ?
DG : Je m’appelle Cheick Beldh’or SIGUE. J’ai un diplôme d’études supérieures en journalisme, obtenu à Dakar. J’ai eu pour Directeur de mémoire Abdou Latif Coulibaly, aujourd’hui ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement sénégalais, pour qui j’ai beaucoup d’estime. Je suis venu au journalisme parce que, plus jeune, j’aimais beaucoup ce métier. Je me souviens, par exemple, que je dévorais beaucoup de journaux quand, en Côte d’Ivoire, mon père, journaliste lui- même, rentrait toujours du travail avec en mains, quelques parutions.

ART : Vous avez succédé à votre père au poste de Directeur général des Editions « Le Pays ». Comment se passe la collaboration entre le père aujourd’hui Fondateur, et le fils, et la collaboration au niveau du travail également ?

DG : Je ne me lasse pas de recueillir ses conseils et avis. Je suis heureux qu’il ait beaucoup à m’apporter d’autant qu’il a une longue et riche expérience dans le métier. C’est dire si le fondateur des Editions « Le Pays », M. Boureima Jérémie Sigué, est, pour moi, une source inépuisable de conseils avisés. Donc, je n’hésite pas à aller vers lui quand cela est nécessaire. Pour ce qui est des rapports avec mes collaborateurs, je ne crois pas me tromper en disant que tout se passe bien. Je n’hésite, non plus, à recueillir les conseils et avis de mes collaborateurs immédiats.

ART : Vous dites bien que le journal “Le Pays » a une longue expérience. Vous existez du reste depuis 1991. Beaucoup de journalistes sont passés par votre organe de presse. Aujourd’hui, quelles sont vos relations avec vos ex-collègues ? Je veux parler de Morin Yamongbé, de Boureima Ouédraogo et de bien d’autres qui sont partis de la maison.
DG : En général, les rapports sont restés toujours cordiaux. La preuve, j’entretiens toujours de très bons rapports avec Morin Yamongbé et je ne crois pas qu’il y ait un quelconque nuage entre moi et Boureima Ouédraogo. Je pourrais en dire autant pour bien d’autres qui ont appris et exercé ce métier aux Editions « Le Pays ».

ART : Vous n’avez pas de regret d’avoir perdu des journalistes qui ont bâti aussi la réputation de votre journal ?
DG : Que peut-on faire quand un journaliste manifeste le désir d’aller faire une autre expérience ailleurs ou même de faire tout simplement autre chose? Et je crois que pour bon nombre d’entre eux, que je salue au passage, c’est ce désir qui les a guidés. Tout ce qu’on peut souhaiter, c’est que cette nouvelle expérience soit un succès pour eux ; et je suis à la fois fier et heureux de savoir que certains parmi ceux qui nous ont quittés, tiennent bien la barre des journaux qu’ils pilotent ou apportent une précieuse contribution aux médias où ils travaillent. Et c’est tant mieux si cela contribue à enrichir et à renforcer la qualité des médias au Burkina. Vous savez, ce qui caractérise le milieu des médias, c’est la mobilité. En Europe, par exemple, cette mobilité est encore davantage observable. Que ce soit dans la presse écrite ou dans l’audio-visuel que se soit dans le public ou le privé. Il en est de même dans les pays africains anglophones, notamment. La Côte d’ivoire non plus n’échappe pas à cette règle. Il n’y a donc pas de quoi s’émouvoir. Le plus important c’est que le journal continue son chemin toujours de la meilleure façon, dans le progrès et en préservant jalousement sa ligne éditoriale.
Pour revenir précisément à votre question, je dirai que parmi les journalistes qui sont partis, il y a ceux qui ont démissionné et ceux dont le contrat n’a pas été renouvelé pour des raisons diverses liées notamment à la morale ou à l’insuffisance professionnelle. C’est dire que tous les départs de journalistes des éditions « Le Pays » ne sont pas forcément liés au salaire.

ART : Vous êtes très jeune à la tête d’un groupe de presse qui a plus de 20 ans d’existence. Est-ce que vous ne péchez pas parfois, par votre jeune âge, ou c’est plutôt des prouesses que vous réalisez en ce moment ?
DG : Dire que je réalise des prouesses ! J’essaie de donner le meilleur de moi-même. Pour ce qui est, selon vous, de mon jeune âge, j’estime que ce n’est pas un handicap. L’essentiel, pour moi, c’est de chercher à toujours aller de l’avant pour le bien du journal et le bonheur de nos nombreux lecteurs.

ART : En tant que Directeur également d’un organe culturel “Evasion”, quel regard portez-vous sur le paysage médiatique culturel au Burkina Faso? Parce qu’on entend souvent dire que la culture n’apporte pas grand-chose.
DG : Moi, je m’inscris en faux contre cela. Ne dit-on pas d’ailleurs que la culture est la base de tout développement ? Senghor disait qu’elle est « le fondement et le but du développement ».

ART : Et pourtant, quand on regarde vos « une », la culture ne vient pas en bonne place parfois.
DG : Lisez notre hebdomadaire culturel « Evasion » et vous tirerez vos propres conclusions.

ART : Non ! Je veux parler du quotidien « Le Pays »
DG : (Un peu embarrassé) Pour ce qui est du quotidien « Le Pays », vous savez bien que c’est un quotidien d’informations générales, pourquoi voulez-vous alors que ce soit la culture qui y occupe les devants ? Toutefois, si vous êtes un lecteur assidu du journal « Le Pays », vous verrez que chaque semaine, il y a la page « art et culture ».

ART : Rarement, le sujet culturel occupe la une de votre quotidien.
DG : Ah non! Je ne crois pas. Quand l’actualité l’impose, il arrive que des sujets culturels occupent la “une”. Si je prends l’exemple de la dernière édition du FESPACO, des articles culturels ont figuré à la « une ». Tout dépend de ce que nous fournit l’actualité.
ART : Vous le disiez, à l’instant, que la culture est la base de tout développement.
DG : Oui ! Je n’invente rien en disant que la culture est la base de tout développement. On l’a du reste répété avant moi et je partage cet avis.

ART : Vous parliez à l’instant du FESPACO qui vient de prendre fin. La moisson burkinabè a été maigre. Quel regard portez-vous sur le cinéma burkinabè ?
DG : Je ne suis pas un expert dans ce domaine. En plus, j’ai suivi le déroulement du FESPACO un peu de loin, compte tenu des charges professionnelles qui sont les miennes. Comme bien des personnes donc, j’ai appris que la moisson a été très maigre pour les cinéastes burkinabè. Peut-être est-ce encore là l’occasion pour nos cinéastes de voir où ça coince, ce qui n’a pas marché et pourquoi, aux fins de tirer des leçons pour l’avenir.

ART : Justement, nous allons toujours parler de la culture. Aujourd’hui, quand on fait un regard panoramique, on se rend compte que les médias culturels poussent comme des champignons après une pluie battante et en la matière, vous faites partie des pionniers. Quel est votre regard en termes de contenu et de vision ? Est ce qu’il y a un regard particulier que vous avez ?
DG : Je commencerais d’abord par saluer l’effort qui est fait dans ce domaine. Et ensuite encourager tous ceux qui ont le choix de s’y investir. Cela dit, on peut regretter qu’en termes de qualité, il y ait parfois des choses à dire. J’encourage donc ceux qui animent ces journaux culturels à toujours tendre vers l’excellence. En d’autres termes, à être rigoureux dans le traitement de l’information parce que c’est à travers la qualité qu’on parvient à s’imposer aux lecteurs. Pour avoir passé quelques années en Côte d’ivoire, je sais que les magazines marchent bien. Pour ce qui est du Burkina, l’intérêt est beaucoup plus porté sur la politique, mais bon, tout dépend du contenu livré par le magazine. Tout dépend de ce qui est proposé au lecteur.

ART : Et pourtant les journaux culturels ferment les uns après les autres M. le DG.
DG : Ah Bon ! S’il est vrai qu’ils ferment les uns après les autres, il faudra peut-être se demander quelles sont les raisons qui les poussent à le faire. Le contenu proposé intéresse-t-il vraiment le lectorat burkinabè ? Mais comme je l’ai indiqué, il n’y pas de raison que vous n’intéressiez pas le lecteur si vous donnez des informations de qualité, dont le lecteur se sent proche. Peut-être ces échecs sont-ils aussi liés à des problèmes de gestion. Vous savez que ce n’est pas facile de piloter un journal au Burkina. Ceux qui s’attachent les services de l’extérieur sur le plan de l’impression, par exemple, ont-ils les moyens suffisants pour tenir ? Voilà autant de raisons qui peuvent, à mon avis, amener un journal culturel à faire long feu.

ART : Deuxième axe de notre entretien, nous allons parler des conditions de vie des journalistes. Difficile de rencontrer un DG sans évoquer cette question ; les journalistes crient leur misère. Vous, aujourd’hui, en tant que DG, est-ce que ce sont des préoccupations qui vous reviennent quotidiennement ou bien au niveau de votre quotidien, les choses sont déjà réglées ?
DG : Pour ce qui est des conditions de vie des journalistes, je ne crois pas me tromper en disant que bien des efforts ont été faits pour ce qui concerne les journalistes des Editions « Le Pays » en particulier et l’ensemble du personnel en général et cela, d’année en année. Et on n’en restera sans doute pas là si les conditions permettent d’améliorer l’existant. Quand vous considérez un peu les charges (coût des intrants, notamment), ce n’est pas toujours évident d’assurer régulièrement les salaires. A propos de la convention collective, j’ai envie de croire que son application effective reste une préoccupation des autorités burkinabè, si l’on s’en tient à quelques rencontres organisées entre celles-ci et les médias burkinabè. Elles peuvent et devraient nous aider à réduire un tant soit peu nos charges. Je salue au passage le volontarisme du ministre en charge de la Communication qui semble disposé à nous accompagner pour de meilleures conditions de vie et de travail des journalistes.

ART : Je ne sais pas si le DG aussi fait le même constat, mais l’expérience à montré qu’il y a beaucoup de nomadisme au niveau de la presse. Certains abandonnent même le corps et on constate que la profession se rajeunit de jour en jour. N’éprouvez-vous pas certaines craintes ?
DG : (Soupir) Je fais le même constat que vous que certaines personnes viennent au métier et l’abandonnent par la suite. Peut-être faut-il chercher les raisons pour lesquelles ils partent faire autre chose. Je fais par contre le constat qu’à Dakar au Sénégal, beaucoup de journalistes blanchissent sous le harnais. Or, plus on dure dans le métier, plus on acquiert de l’expérience et plus on a beaucoup à partager sur ce métier. Comme pour beaucoup de métiers, le journalisme est un peu comme du vin. Plus il vieillit et plus il se bonifie. Toutefois, il y en a qui viennent dans le métier non pas par vocation ni passion, mais pour l’emploi et en attendant de trouver mieux ou autre chose. De ces gens, il faut s’attendre à ce qu’ils quittent un jour le métier.

ART : Nous tirons vers la fin de cet entretien, alors, quand on parle de la presse d’une façon générale, il y a beaucoup de problématiques qu’il sied quand même de soulever, notamment le progrès des TIC qui a donné naissance à une nouvelle forme du journalisme aujourd’hui qu’on appelle la presse en ligne et des spécialistes sont en train de montrer que d’ici 2015, la presse traditionnelle papier va disparaitre, en êtes-vous conscient?
DG : Quand on dit que la presse traditionnelle va disparaître au profit de la presse en ligne, moi je ne suis pas de cet avis. Je pense plutôt qu’elles se complètent si bien que je ne crois pas que la presse traditionnelle disparaitra au profit de la presse en ligne. L’une ne peut remplacer l’autre. Il est vrai que la presse en ligne, notamment dans son volet médias sociaux, est devenue un phénomène mondial. Mais fournit-elle toujours des informations de qualité? En Occident, en faisant l’information juste à travers l’envoi d’un texto sur You Tube ou autre réseau social, on se dit tout de suite journaliste. Mais est-ce vraiment du journalisme qui a ses méthodes et ses exigences? La vérification de l’information n’est pas toujours la règle, en ce qui concerne les médias sociaux ; on est pressé juste parce qu’on tient à la primeur, la sensation. Alors que dans la presse traditionnelle, on fait beaucoup plus attention. Elle est plus crédible.

ART : Et pourtant vous avez eu quelques alternatives. On voit qu’aujourd’hui les médias au Burkina ont des sites internet également.
DG : Mais je ne crois pas me contredire. Il s’agit là des organes de presse qui se dotent d’un site internet pour être plus visibles. Je dis que ce sont deux choses complémentaires. Pour ces médias, c’est une question d’enjeux. Il faut bien se donner plus de visibilité en acquérant une dimension internationale. Les commentaires du journal « Le Pays » sont cités, par exemple, régulièrement par RFI. C’est parce que justement nous sommes en ligne, que nos analyses et commentaires peuvent être repris par les médias internationaux et que nous sommes davantage connus à l’étranger.

ART : Alors, vous parlez aussi des lecteurs culturels. Je sais que vous écoutez la musique parfois, quand vous avez du temps. Aujourd’hui, quel est votre regard sur la musique burkinabè, est-ce qu’il y a des artistes qui vous accrochent ?
DG : J’apprécie bien certains artistes burkinabè qui, je crois, font du très bon travail. Il y en a parmi eux, ceux qui font de la bonne musique tirée de la richesse culturelle du terroir. Ce que je regrette un peu, c’est le fait que parfois, bien des artistes vont copier ailleurs alors que je ne suis pas sûr que cela intéresse vraiment le mélomane burkinabè. Si certains Burkinabè aiment bien le “coupé-décalé”, moi je suis plutôt un accro de la musique reposante, la musique douce.

ART : Et votre mot de la fin à l’endroit de nos lecteurs de Artistes.bf
DG : Je termine en disant, à l’endroit des lecteurs, que le métier du journaliste n’est pas un métier facile, car comportant bien des exigences, même s’il est exaltant. Il faut être à l’intérieur pour mesurer toutes les difficultés, toutes les contraintes de ce métier. Et les lecteurs ne le savent pas toujours parce que ce qu’ils ont entre les mains, c’est le produit fini. Ils ne mesurent pas toujours tout le travail qui est fait en amont. Il appartient aux lecteurs de se montrer parfois tolérants. Quant à nous, nous ferons toujours de notre mieux pour les satisfaire. En tout état de cause, nous demeurons toujours attachés à un principe : la rigueur qui reste pour nous un vade-mecum, et l’excellence une boussole.

Pour Artistebf, Youssef OUEDRAOGO
Mai 2013

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