Le Conseil d’Etat a déjà autorisé, depuis la première guerre mondiale, le gouvernement à restreindre les libertés individuelles pendant des périodes de crise, indique au « Monde » le constitutionnaliste Dominique Rousseau.
Pour Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, le gouvernement, en cas de confinement général, a des outils juridiques liés aux « circonstances exceptionnelles » qui peuvent être rapidement mis en œuvre.
Quel pourrait être le cadre juridique d’un confinement total des Français ?
La question n’est pas facile, parce qu’il n’y a pas de précédent. La seule théorie que nous pourrions invoquer, c’est une vieille théorie du droit administratif, celle des circonstances exceptionnelles, qui permet une extension des pouvoirs de l’exécutif.
Il faudrait simplement prendre un décret en conseil des ministres, signé par le président de la République et le premier ministre, qui fixerait un certain nombre de mesures de nature à porter atteinte aux libertés individuelles. En restreignant celle d’aller et de venir, en instaurant éventuellement un couvre-feu si cela semble nécessaire, en limitant le droit de manifester, etc.
Un citoyen ou une association pourraient éventuellement déposer un recours devant le Conseil d’Etat, qui aura à apprécier, dans un cas concret, s’il s’agit bien de circonstances exceptionnelles.
Il y a une jurisprudence ancienne, qui fait toujours sourire les étudiants, l’arrêt Dames Dol et Laurent du 28 février 1919. Le préfet du Var avait en 1916 interdit aux prostituées de racoler et aux cafetiers de leur servir à boire : deux d’entre elles avaient attaqué les arrêtés. Et le Conseil d’Etat avait jugé que, en pleine guerre mondiale, la puissance publique pouvait disposer de pouvoirs exceptionnellement étendus en matière d’ordre et de sécurité. Cette théorie a permis par la suite au Conseil d’Etat d’élargir sa jurisprudence à toutes les périodes de crise ou de troubles graves, notamment en mai 1968.
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