Le mariage DAGARA : Dot et compensation matrimoniale

Le mariage DAGARA : Dot et compensation matrimoniale

Les Dagara sont une communauté vivant de part et d’autre dans le Sud-Ouest  du Burkina Faso, au Nord-Ouest du Ghana et en Côte d’Ivoire.  Au delà de cette présence géographique dans les pays côtiers, la communauté dagara se distingue également par son taux de nuptialité élevé. Selon une étude de François d’Assise Palm, membre du clergé du Burkina Faso en vue d’une soutenance de doctorat à l’Université Paris Descartes, « en dépit de sa pauvreté, de son faible taux d’alphabétisation et de sa ruralité, la communauté DAGARA a même des indicateurs de nuptialité qui sont parfois similaires, voire supérieurs, à ceux du Centre et des Hauts Bassins », un paradoxe  qui s’explique selon François d’Assise Palm par le rôle de la compensation matrimoniale bien que celle-ci soit interdite dans le Code des Personnes et de la Famille du Burkina.

Mais pour ce qui nous concerne, nous nous intéresserons surtout au mariage Dagara dans sa forme traditionnelle et la compensation matrimoniale. Pour une des rares fois, vous apprendrez qu’une dot n’est jamais chose acquise. Bien au contraire, elle est comme récurrente. En effet, le gendre pour  mauvaise conduite ou pour des raisons économiques pourrait être interpellé à fournir la dernière vache;  une dot à vie  et qui fonctionnerait selon les humeurs de la belle famille.



Pour en savoir davantage, nous avons interrogé Bertin SOMDA, un des doyens de la région et originaire de la province du YIOBA.

Bertin SOMDA (B.S) : Je me nomme Bertin SOMDA. Je suis né en 1953 à NIEGO dans la province du YIOBA. J’ai fréquenté l’école primaire catholique de 60 à 66 avant d’abandonner les bancs pour l’aventure. Après 5 ans en côte d’ivoire, je suis revenu au bercail à Ouagadougou précisément. De là, j’ai eu du boulot à la SOVOBRA (Société Voltaïque des Brasseries) Actuelle BRAKINA. Par le jeu des mutations internes, je suis arrivé jusqu’au poste de laborantin avant d’être admis à la retraite après 32 ans et 6 mois de service à la BRAKINA ; c’est à dire, de 1977 à 2010. En tant qu’ouvrier, je suis donc aller à la retraite à 56 ans.

Artistesbf (Artbf) : Peut-on avoir une idée des familles que renferme l’ethnie DAGARA ?

B.S : C’est vrai je n’en connais pas suffisamment. Mais ce que je pourrai vous donner comme informations, je n’hésiterai pas.  Alors pour répondre à votre question, je dirai d’abord que les noms DAGARA sont des noms que nous héritons de nos mamans, c’est le matriarcat. On en dénombre sept (07) noms. Il y a :

  • SOME
  • PODA
  • MEDAH
  • SOMDA
  • DABIRE
  • HIEN
  • KAMBIRE

Le nom SOMDA que je porte par exemple, je l’ai hérité de ma mère. Mon père est MEDAH.



Le mariage DAGARA Traditionnel

Le mariage en pays Dagara

Avant d’arriver au mariage, comment les jeunes Dagara font leur première rencontre ? Est-ce par rap, consentement mutuel ou était-elle donnée pour pérenniser une amitié entre deux familles ?

B.S : Plusieurs cas de figures peuvent se présenter. Avant, dans l’ancien temps, les femmes étaient données “CADEAU” en mariage pour service rendu. Si tu faisais du bien à quelqu’un, on pouvait te donner une femme “cadeau”.

On pouvait aussi marier la fille de ta tante ou la fille de ton oncle maternel. Et c’est ce dernier cas de figure qui est très intéressant puisque c’est la fille de ton oncle que tu maries ; c’est le même nom et c’est comme si c’était ta sœur que tu mariais.

Dans les autres cas de figure, ce sont les rencontres fortuites lors des marchés de la localité ou lors des fêtes. Et quand c’est le cas, le garçon cherche à connaître le domicile de la fille. Ainsi donc, dans la soirée quand il fait sombre, le garçon se fait accompagner par un ou deux de ses amis. A quelques mètres de la concession de la fille, ils envoient chercher la fille. Si la fille accepte vous rencontrer, c’est déjà un premier pas mais qui ne vous garanti rien. Un adage dit qu’”on ne peut pas creuser un puits et avoir l’eau dès le même jour”. C’est à dire que même si la fille est d’accord, elle vous dira toujours “NON”. Mais c’est une réponse promettante !



Si à la deuxième visite et à la même heure, elle accepte encore vous rencontrer, c’est qu’il y a un succès. C’est ainsi de suite jusqu’à ce qu’elle donne son accord sur le projet de mariage pour lequel vous la rechercher. Mais ce qui est sûr, elle en parlera à sa maman. Si cette dernière consent, elle va aviser son petit ami qui viendra nuitamment accompagner toujours de ses amis mais cette fois avec une femme. Généralement, elle trouve une complice une belle sœur par exemple qui l’aidera à faire sortir son petit baluchon pour remettre à la femme qui accompagne le jeune homme. Et tranquillement, ils rejoignent le domicile du garçon.

Et ce n’est que le matin de bonheur qu’ils envoient un émissaire signaler à la famille l’absence de leur fille.” Si vous avez constaté l’absence de quelqu’un dans votre famille, la personne là est chez nous”. C’est un peu du vol. Mais si les parents ne sont pas d’accord sur cette manière de faire, ils vont la ramener. Mais si après deux jours, il n’y a pas eu d’opposition ni de réactions malgré la revendication (l’information de l’enlèvement de leur fille) d’enlèvement, c’est que les parents de la jeune fille sons consentants. Il ne reste maintenant au garçon et à ses amis d’aller connaître le champ de leur beau père. Même si c’est en saison sèche, ils demanderont à aller faire de petits travaux dans le champ du beau père. Encore une fois, si les jeunes sont acceptés dans le champ, c’est que le projet de mariage est en bonne voie.

Le mariage DAGARA tel qu’il se passe aujourd’hui

B.S : Actuellement, quand la fille et son petit ami s’entendent sur un projet de mariage, le garçon informe ses parents en vue de constituer une délégation pour rencontrer la future belle familles.

Qu’est-ce que cette petite délégation apporte à l’occasion de cette première rencontre ?

B.S : Rien ! Ce n’est pas comme ailleurs où il faut apporter la Cola ni de cadeaux. C’est tout simplement des échanges et vous repartez.

De la composition de la dot

La première tranche de la dot, ce sont 360 cauris, une pintade et une poule. Si cette première étape est franchie, la fille devient votre femme. Mais si un enfant venait à naître avant d’avoir satisfait à cette obligation, l’enfant ne vous revient pas. Il appartient aux parents de la fille.



Après les 360 cauris, le gendre va encore envoyer 13 000 cauris à la belle famille. Mais si le garçon a les moyens, il fournit les 360 cauris, la pintade, la poule et les 13 000 cauris en un seul coup. Le gendre appuyé par une quinzaine de personnes ira cultiver au moins 04 fois chaque saison pluvieuse le champ du beau père pendant un certain nombre d’années ou du moins, jusqu’à ce que le beau père juge nécessaire de vous libérer. Mais avant, le gendre va apporter une dernière dot composée comme suit :

  • Deux (02) bœufs dont une femelle et un mâle,
  • Deux (02) poules. Chaque bœuf est accompagné d’une poule.
Eléments partiels de la dot à verser à la belle famille. En cas d’indiscipline avérée du gendre à l’égard de la belle famille,  une dernière vache pourrait lui être réclamée.

 

Et quand les bœufs arrivent chez le beau père, leurs empreintes (traces des sabots) doivent être refermées avec mille (1 000) cauris. Il faut dire que c’est à défaut de pouvoir refermer physiquement les traces des bœufs qu’on demande au gendre une compensation de 1000 cauris. Autrement, si le gendre donne les 1 000 cauris, les traces des sabots des bœufs sont considérées comme fermés.

  • 500 cauris sont pour les beaux frères. Et voilà donc la dot faite.

Mais après des années, les beaux parents peuvent vous demander la dernière vache. Cette fois, ce n’est pas de l’animal vivant qu’il s’agit mais plutôt de l’argent d’une valeur de 7 000 cauris.

Toutefois, s’il y a une parfaite entente entre les deux familles, la belle famille ne vous réclamera pas cette dernière vache. Mais le jour où la belle famille est très endettée ou que le gendre se montre difficile, elle va demander la dernière vache.

Étant donné que les cauris sont actuellement rares, on est obligé de les convertir ces valeurs de cauris en francs CFA. Ainsi, à l’exception des 360 cauris, tout le reste est aujourd’hui évalué en francs CFA.

Artbf: Après le mariage, la nouvelle mariée est désormais considérée comme un membre à part entière de la cour ou étrangère aux yeux de la famille. ?

Non ! elle n’est plus une étrangère. Elle est plutôt membre de la famille.



Selon une étude de François d’Assise Palm, membre du clergé du Burkina Faso en vue d’une soutenance de doctorat à l’Université Paris Descartes, en dépit de sa pauvreté, de son faible taux d’alphabétisation et de sa ruralité, la communauté DAGARA “aurait même des indicateurs de nuptialité qui sont parfois similaires, voire supérieurs, à ceux du Centre et des Hauts Bassins”, un paradoxe  qui s’expliquerait par le rôle de la compensation matrimoniale bien que celle-ci soit interdite dans le Code des Personnes et de la Famille du Burkina.

Mais pour ce qui nous concerne, nous nous intéresserons surtout au mariage dans sa forme traditionnelle et la compensation matrimoniale.

ArtistesBF

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