Lier l’école à la production, une idée à revaloriser

Lier l’école à la production, une idée à revaloriser

La journée internationale de la femme au Burkina Faso a été placée en 2015, sous le thème « Autonomisation économique des femmes : accès à la formation professionnelle et à l’emploi ». Pour apporter notre contribution à la valorisation du travail abattu par de nombreuses femmes pour leurs autonomisations économiques, nous sommes allés à la rencontre de certaines d’entre elles exerçant des activités génératrices de revenus. Celle qui a le plus retenu notre attention, c’est Rihanata WINA, une pigiste en langue nationale mooré pour le compte d’une télévision privée du Burkina.


L’activité de cette journaliste nous rappelle les années 80 où l’éducation nationale voltaïque, en mal de son système était à la recherche d’une meilleure adaptation de l’école aux réalités socio-économiques du pays. Tout en poursuivant la démocratisation du savoir pour tous, l’un des points forts de la réforme du système éducatif en son temps, était de lier l’école à la production; c’est-à-dire, initier les élèves aux activités manuelles, leur apprendre à produire si on peut le dire, “de leurs dix doigts”.
Le souci des autorités de l’Education nationale à l’époque à travers ce projet de réforme, était aussi de réduire le chômage, faire en sorte que les élèves au sortir de l’école, en dépit des difficultés sur le marché de l’emploi puissent se prendre en charge à travers des activités productives génératrices de revenus.
Enfin, l’autre avantage de la réforme bien qu’il n’ait pas été inscrit en noir et blanc sur le projet était qu’il venait briser une barrière psychologique et écraser un complexe au niveau des jeunes scolarisés. En effet, le projet visait à faire en sorte que les étudiants nantis de leurs diplômes ne s’enferment plus dans une tour d’ivoire (travail intellectuel) au détriment des travaux manuels longtemps considérés comme des tâches ménagères ou de second plan.
Avec l’avènement de la révolution en 1984, le Président Thomas SANKARA réussit tant bien que mal à concilier la production au travail intellectuel. Là, les scolaires n’étaient plus la seule cible mais c’était toute la classe intellectuelle burkinabé (militaires comme civils) qui était concernée. Ainsi, chacun ou collectivement pouvait disposer soit d’un champ, d’un jardin potager ou faire de l’élevage. Malheureusement cet engouement pour les travaux manuels va s’évanouir avec l’avènement du Front Populaire le 15 octobre 1987. Comme on le dit, ” on peut tuer un homme, mais on ne peut tuer ses idées”.
Rihanata WINA qui est notre invitée n’a certes pas connu la période révolutionnaire mais ses aînées ou ses tantes lui ont transmis l’essentiel de la révolution. Elle fait partie des rares jeunes filles qui croient encore au travail manuel et qui acceptent malgré les diplômes et le travail des bureaux tricoter pour se faire des revenus.
Je m’appelle Rihanata WINA. Je suis présentatrice à la télévision BF1. « C’est vrai que ce n’est pas courant de voir une jeune fille faire le tricot, mais il faut dire que c’est un métier que j’exerce depuis mon enfance. Je l’ai commencé avec des brins de balai, ma mère tricotait et mes voisines le faisaient également. »

WINA travaille donc à la Télévision Privée BF1 en qualité de pigiste en langue nationale mooré. De jour comme de nuit et à ses heures perdues, Rihanata WINA, trouve du plaisir à tricoter devant le petit écran.
Loin d’imaginer que ce bout de plaisir pouvait lui procurer un revenu, elle offrait ses produits issus du tricot à ses amis. Puis un jour, elle se fit une petite idée :
“Au début, j’offrais mes œuvres aux amies. Mais au fil du temps, j’ai trouvé que je pouvais en faire un métier et en vivre dignement plutôt que de passer le temps à les offrir aux copines. C’est ainsi que j’ai commencé à vendre quelques tricots autour de moi et surtout les écharpes qui sont devenues comme ma spécialité. Je fais également les chaussons, des cravates et les bonnets bien que cela me prenne plus de temps que les écharpes”


Faire du tricot son second métier afin d’arrondir ses fins du mois est très louable ; mais faut-il encore que WINA puisse trouver un circuit de distribution pour ne pas dire, travailler à fidéliser sa clientèle. Pour l’instant, la journaliste Pigiste se contente de parler de son métier de bouche à oreille.
« C’est de bouche à oreille que j’arrive à vendre mes produits. Mes meilleurs clients sont surtout mes amis ou mes collègues de service. L’écoulement est difficile parce qu’il me manque des canaux de distribution (…) il me faut une à deux semaines pour finir une écharpe et ça dépend aussi de la complexité de l’écharpe et des points utilisés pour le faire, nous a dit Wina » Aussi poursuit-elle, “Le prix de mes écharpes varie entre 2 000 à 3 000f CFA; tout dépend de la taille, de la largeur et du fil utilisé. Une écharpe peut être simplement faite mais je peux aussi doubler ou triplée les fils selon les convenances du client”.
Tout en conciliant savamment le travail de tricot à la télé , Rihanata souhaite s’installer en entreprise, histoire d’être utile à soi-même et à d’autres personnes. Mais elle est consciente que sans aide conséquente, son rêve se réaliserait difficilement.
« Mon souhait est que je puisse obtenir une aide en vue de m’installer un jour en entreprise propre. Si ce projet se concrétisait, je pourrai au-delà de la passion, contribuer à travers cette entreprise à occuper utilement les personnes âgées et de nombreuses jeunes filles en quête d’emploi »

Puisse donc l’appel de Rihanata interpeller encore les décideurs politiques en particulier le Ministère de la Promotion de la femme et du genre. Au delà d’un appui matériel conséquent pour l’aider à s’installer, l’exemple de WINA pourrait faire école auprès de nombreux jeunes. Pour cela, il faut qu’on accepte briser certains tabous. C’est en cela qu’il faut saluer l’idée de lier l’école à la production. A notre avis, ce concept reste encore d’actualité parce qu’il témoignerait d’un certain changement de mentalités au niveau de la jeunesse, un changement qui nous fait voir l’avenir en rose plutôt qu’en noir.
Patrick COULIDIATY
Les images

 
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