Macron au Rwanda pour un discours historique : présentera-t-il les excuses de la France ?

Macron au Rwanda pour un discours historique : présentera-t-il les excuses de la France ?

Arrivé ce jeudi 27 mai au Rwanda à l’aube, Emmanuel Macron effectue une visite hautement symbolique avec l’ambition de finaliser le processus de réconciliation après plus de vingt-cinq ans de tensions diplomatiques liées au rôle joué par la France dans le génocide des Tutsis en 1994.

L’« autre » Afrique d’Emmanuel Macron

Le moment le plus important de ce court déplacement interviendra peu après son atterrissage à Kigali : le chef de l’Etat prononcera un discours au Mémorial du génocide, où reposent les restes de 250 000 des plus de 800 000 victimes de l’un des drames les plus meurtriers du XXe siècle.

Quels mots prononcera-t-il au cours de cette allocution d’une vingtaine de minutes ? Ira-t-il jusqu’à exprimer les excuses de la France ? Demander pardon comme l’a fait la Belgique, l’ex-puissance coloniale du Rwanda, dès 2000 ?

« Regarder notre passé en face »

« La volonté du président de la République de regarder notre histoire, notre passé, en face et en toute transparence est la meilleure manière d’avancer », a déclaré mercredi Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, sans dévoiler la teneur des propos qu’Emmanuel Macron tiendra devant 150 personnes.

Alors que des personnalités, telles que Raphaël Glucksmann, espèrent des excuses afin de « tourner une page honteuse de la vie de notre nation », comme l’écrit le député européen dans une lettre ouverte publiée par « Libération » ce jeudi, le chef de l’Etat semble néanmoins réfuter toute « repentance », comme il l’a indiqué dans son long entretien à « Zadig » mardi.

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Quels que soient les mots, Emmanuel Macron ira en tout cas plus loin que ses prédécesseurs, en particulier Nicolas Sarkozy, le seul président à s’être rendu à Kigali depuis le génocide de 1994. Lors de cette visite en 2010, il avait alors reconnu de « graves erreurs » et « une forme d’aveuglement » des autorités françaises ayant eu des conséquences « absolument dramatiques ».

Mais ces propos n’avaient pas réussi à normaliser les relations entre Paris et Kigali, qui ont connu depuis d’intenses périodes de tensions.

« Responsabilités lourdes et accablantes » de la France

Le fossé s’est cependant comblé depuis le début du quinquennat avec une série d’initiatives françaises pour sortir de l’impasse. La dernière d’entre elles a été la sortie en mars d’un rapport d’historiens [PDF] dirigé par Vincent Duclert et consacré au rôle de la France au Rwanda avant et pendant le génocide qui a débuté au lendemain de la mort du président Juvenal Habyarimana lorsque son avion est abattu le 6 avril 1994.

Ce rapport de 1 200 pages conclut aux « responsabilités lourdes et accablantes » de la France et à l’« aveuglement » du président socialiste de l’époque François Mitterrand et de son entourage face à la dérive raciste et génocidaire du régime hutu que soutenait alors Paris.

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Le président rwandais Paul Kagame a déclaré pouvoir « s’accommoder » de ces conclusions, confirmées ensuite par le rapport d’un cabinet d’avocats demandé par Kigali. « Je pense que, malgré de légères divergences dans leurs conclusions, ces rapports posent des bases solides pour bâtir une meilleure relation entre nos deux pays. Aujourd’hui, nous avons fait 85 % à 90 % du travail pour normaliser les choses, et je ne pense pas qu’il faille perdre du temps sur les 10 % ou 15 % restants », a-t-il précisé dans un entretien au magazine « Jeune Afrique ».

Retour d’un ambassadeur français à Kigali

« Ce serait une très bonne chose qu’Emmanuel Macron présente des excuses », estime Freddy Mutanguha, le directeur de l’ONG Aegis Trust, qui gère le Mémorial de Kigali, « mais sa visite et le rapport Duclert sont déjà d’excellents signaux envoyés par la France pour la réconciliation ».

Pour concrétiser cette normalisation, Emmanuel Macron et Paul Kagame, qui tiendront une conférence de presse commune en début d’après-midi, devraient annoncer le retour d’un ambassadeur français à Kigali, où le poste est vacant depuis 2015.

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Pour les deux chefs d’Etat, solder le passé permettrait d’ouvrir enfin « une nouvelle page », alors qu’Emmanuel Macron souhaite voir la France peser davantage en Afrique de l’Est, essentiellement anglophone, et non plus seulement en Afrique de l’Ouest.

« J’ai une conviction profonde : au cours des prochaines heures, nous allons écrire ensemble une page nouvelle de notre relation avec le Rwanda et l’Afrique », a tweeté mercredi soir le président français, avant de décoller pour Kigali.

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