Noraogo SAWADOGO, Scénariste

Noraogo SAWADOGO, Scénariste

S’il y a un métier que les cinéphiles connaissent peu, c’est bien celui de scénariste, ce maillon de la chaîne de cinéma aussi important que le métier de réalisateur. Ces hommes sont toujours à l’ombre des réalisateurs et ne sont généralement connus du public que de nom; c’est à dire en début ou en fin de projection. Parmi donc ces hommes de l’ombre, nous citons cet enseignant, Noarago SAWADOGO dont les compétences commencent aujourd’hui à traverser les frontières burkinabé. En effet, Entre le métier d’enseignant et celui de scénariste, le fossé n’est pas si large. Pour vous en convaincre, Suivez Monsieur Sawadogo dans sa présentation.


Je suis Noraogo SAWADOGO, professeur de français à l’origine. J’ai enseigné au Lycée Djaba LOMPO de FADA, Nelson Mandela et aujourd’hui je travaille au centre national pour l’éducation et de la recherche. Ce qui va vous intéresser certainement ; c’est l’aspect scénariste. Je suis scénariste depuis un certain nombre d’années déjà, scénariste d’un certain nombre de production de films au niveau du Burkina Faso et même de la sous région. Il faut dire qu’on a d’abord commencé par une série Burkina Bénin qui s’intitulait TAXI BROUSSE que vous avez sans doute connu. De taxi brousse, j’ai enchaîné avec la série policière COMMISSARIAT DE TAMPY avec Missa HEBIE. On a également travaillé ensemble sur L’AS DU LYCEE, les 48 heures de la série pour enfants, le Fauteuil, un long métrage qui a eu du succès, puis Affaires Publiques qui passe actuellement sur la RTB. Il faut noter que j’ai aussi travaillé avec d’autres réalisateurs pour des films tels le Petit Sergent, Célibatérium de Adama ROUAMBA, la Crèche de Ahmed et Noce croisée de Bernard YAMEOGO. J’ai même fait les cours métrage d’Issa SAAGA. Bref, je me revendique scénariste même si j’ai pratiquement fait la production de tous les films de Missa HEBIE.

Artiste (ART.) : Vous avez choisi d’enseigner au départ et finalement, c’est le métier de cinéma qui a pris le dessus. Comment l’expliquez-vous ?
NORAOGO SAWADOGO (N.S) : Il faut avouer qu’à l’époque j’ai commencé par des études littéraires parce qu’en son temps les structures cinématographiques notamment l’INAFEC était fermée; donc les voies d’accès à la scénarisation étaient limitées. C’est même par accident que je suis arrivé dans le domaine du cinéma. J’animais dans le journal LE PAYS, une rubrique qui s’appelait ” les nouvelles du vendredi”. Je l’ai fait pendant de longues années et de façon incidente, la rubrique a intéressé un réalisateur en la personne de Pierre ROUAMBA dans le cadre de TAXI BROUSSE. C’est ainsi qu’avec lui et très rapidement (c’est l’occasion de lui rendre hommage), on a commencé à travailler avec un autre réalisateur, Kollo SANOU. Ma passion pour les scénarios a commencé à cette période. Mais je précise qu’à l’origine, je n’étais pas destiné au cinéma.

ART. : Vous êtes le Chef du Service des Etudes, des Prêts et des Aides à la Direction du FONER, dites nous comment ça se passe en partant du fait que je suis le nouveau bachelier devant vous ?
N.S : Il faut dire que même le Fonds FONER c’est une histoire, parce que lorsque je venais dans ce service, c’était pour disposer plus de temps et de capacité pour pouvoir me consacrer à l’écriture cinématographique. L’enseignement a ses contraintes qui font que très souvent, on n’a pas toujours le temps et le recul nécessaire pour pouvoir faire des œuvres de production. Je me suis pris, comme on le dit, à l’idéal du FONER parce qu’il y a énormément de choses qui nécessitent plus d’explications. Au début le FONER a failli être décrié parce que les gens ne comprenaient pas l’objectif. Nombreux sont ceux qui se demandaient pourquoi l’Etat va faire des prêts aux étudiants ? Mais, on s’est rendu compte qu’aujourd’hui, le FONER offre énormément des avantages aux étudiants. Ce qui n’était pas le cas auparavant. En faisant un tour au Campus universitaire, vous vous rendrez compte que si le FONER n’avait pas été créé, il fallait bien le faire.

ART. : En tant que scénariste, votre rôle est-il différent du réalisateur ?
N.S : Comme je vous le disais hors antenne, aujourd’hui, il y a eu une période dans le cinéma français qu’on a appelé la ” nouvelle vague” ou le scénariste s’identifiait énormément au réalisateur. Le réalisateur estimait que c’était à lui de faire son scénario, de créer son univers et tout. Vous avez sans doute remarqué au début d’une projection cinématographique, que la notion de scénariste et celle du réalisateur était confondue. Le réalisateur était lui-même son propre scénariste et on pouvait même lire: “Un film écrit et réalisé par…. Mais de plus en plus, on se rend compte que le réalisateur est un métier à part et le scénariste, un autre métier. Les deux se complètent. Ce sont tous des techniciens qui ont chacun leur approche. Le scénariste c’est si vous voulez la personne chargée de faire le film sur papier et le réalisateur, c’est celui qui rend ce papier-là, vivant à l’écran. Ils n’ont ni la même démarche, ni la même approche ni les mêmes manières de procéder. Le métier de scénariste n’a pas encore été bien dévoilé on a tendance à les confondre.
Moi j’ai décidé d’être scénariste, c’est ce que je sais faire le mieux et je n’ai aucune intention d’être réalisateur. La réalisation, contrairement à ce qui se passe dans notre cinéma et qui explique en partie l’une des faiblesses du cinéma burkinabè, est le fait que le métier de réalisateur et de scénaristes s’apprend à l’école ou sur le tas. Je n’ai pas fini d’être un très bon scénariste, je ne vais pas chercher à être réalisateur.
En vérité, il y a très peu de scénaristes qui ne sont pas réalisateurs et je n’en connais même pas; tous aspirent à être réalisateurs. De ce point de vue, je fasse la réalisation, il y a un certain nombre de préalables auxquels je ne serai pas prêt à me soumettre; il faut repartir à l’école de la réalisation. Pourquoi ne pas consacrer ce temps-là à mieux m’affiner au métier de scénariste. Je vous rassure, je ne serai pas réalisateur non pas que je n’aime pas le métier de réalisateur, mais parce que je n’ai pas suffisamment fini d’apprendre dans le métier de scénariste.

ART. : Vous êtes Membre aussi du Comité d’élaboration des textes pour l’amélioration des Conditions de Vie et de travail des Artistes au Burkina Faso et pourtant jusque-là, tout n’est pas rose pour nos artistes
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N.S : J’ai travaillé avec la Direction Générale des Arts du Ministère de la Culture sous la Direction à l’époque de feu Amadou BOUROU. J’étais dans une commission chargée de réfléchir sur les voies et moyens pour améliorer les conditions de vie et de travail de nos artistes. C’est vrai, tout n’est pas rose dans la vie des artistes; et à ce sujet, je voudrai vous raconter une anecdote : Un comédien assez connu s’est rendu en banque pour un retrait de 20 000f; c’est tout ce qui lui restait dans le compte. Que ne fut pas la surprise de la Dame au guichet. Une Star de cette envergure qui n’avait en tout et pour tout que 20 000f. C’est à peine incroyable ! C’est pour dire que de fois nous n’avons pas les réalités des conditions de nos artistes. Il faudrait donc réfléchir et faire en sorte que les artistes soient considérés comme des créateurs et qu’ils puissent bénéficier d’un certain nombre d’avantages pour leur permettre de vivre pleinement de leur art.

ART. : Comment recrutez-vous vos comédiens ? Il paraît qu’il y a assez d’abus commis à l’endroit de la junte féminine en quête de travail dans le milieu du cinéma.

N.S : Il y eut un temps où j’étais recruteur avec une structure; le principe était que les secrétaires étaient harcelées par leur patron. N’importe quelle situation où il y a des femmes qui doivent être en contact avec les hommes, la tentation est grande de se dire que l’aspect sexe, peut – être , est possible. Mais je peux vous dire une chose: il faut plusieurs millions pour mettre en œuvre un film. A votre avis, prendra t-il le risque de compromettre l’aspect artistique de son film juste pour des futilités, pour la beauté d’une femme ou pour satisfaire un désir momentané ?. Ce sera aberrant pour moi de nier une certaine réalité dans le milieu, tant qu’il y a beaucoup de femmes à quelque part, par excellence dans un milieu de stars, d’argent, on est effectivement tenté de se dire qu’il y a des pratiques qui se font. Pour notre part, tous les films que j’ai réalisés avec Missa HEBIE que nous avons exportés au niveau de la RTB, ça été par des castings. Maintenant, y a-t-il des gens qui le font effectivement dans ce métier ? Je les laisse avec leur conscience. De toute façon c’est quelque chose qui n’ira pas loin.

ART. : Les réalisateurs font souvent appel au cousin ou à la nièce parce que les professionnels sont plus exigeants en termes de cachets.

N.S : J’ai entendu souvent des comédiens se plaindre du fait qu’on recourt à de nouveaux comédiens alors qu’ils sont là, eux les professionnels. Je dis, si on n’avait pas pris de nouveaux, eux-mêmes qui se disent professionnels n’allaient pas être connus; parce qu’ils ont eu aussi leur début. Ce n’est pas une question d’anciens, de nouveaux, c’est une question de talent. Il faut que les comédiens acceptent travailler et faire en sorte que les réalisateurs se rendent compte qu’ils ne peuvent pas se passer d’eux. Je dis et je répète, un réalisateur ne prendra pas le risque pour des raisons d’argent ou de sexe de refuser un rôle à un comédien qui peut promouvoir son film. Il y a peut-être des personnes aujourd’hui, (parce que le métier a atteint un stade où tout le monde se prévaut de toutes les qualités), qui peuvent faire du cinéma avec “l’à peu près”. Mais cela a des limites parce que ce sera aussi un cinéma d’à peu près. Je crois qu’en tous les cas, que le comédien soit nouveau ou ancien, c’est le talent qui prime.

ART. : “En entendant le vote”, c’est le dernier film de Missa HEBIE présenté au FESPACO. On vous attendait pour l’Etalon d’or de Yennega; malheureusement, ce ne fut pas le cas. Si on vous demandait de faire votre autocritique, que direz-vous ?

N.S : Nous avons réalisé le “Fauteuil” en nous disant que c’était un coup d’essai pour préparer le coup de maître” En entendant le vote”. Vous remarquerez que le “Fauteuil a eu plus de plus de prix au FESPACO tant dis que “En entendant le vote” n’a eu qu’une mention spéciale du jury. C’est pour dire que le cinéma, ce sont des avis parce qu d’un jury à l’autre on peut avoir des approches différentes. De ce point de vue, lorsqu’on fait un film pour des festivals, on court le risque de laisser de côté, l’essentiel. Ce qui est fondamental pour un réalisateur ou pour un producteur, c’est lorsque son film rencontre l’assentiment de tout le monde. Aujourd’hui, si vous posez la question à HEBIE, il vous dira que c’est peut être des aspects techniques qui ont manqué dans le film “En entendant le vote”. Mais en entendant, le plus important c’est l’accueil que le public fait de ce film. Je suis de ceux qui pensent qu’il faut aller au FESPACO pas pour chercher forcement un prix, mais pour faire en sorte que ce soit une tribune où les gens puissent déjà apprécier ton film.

ART. : Parlant justement d’aller au FESPACO, Boubacar DIALLO….. Quelle est votre avis sur cette décision ?

N.S : Je n’ai pas toutes les raisons qui président à son choix, Je dis que c’est un choix et en tant que tel, je respecte ce choix. Le FESPACO se passe au BURKINA et c’est dommage que nous qui y sommes refusons de participer au FESPACO. Il faut peut être qu’à un certain moment, on rentre à l’intérieur du FESPACO pour voir qu’est ce qui ne va pas et travailler à l’améliorer plutôt que de refuser d’y participer. Au fond, le FESPACO n’appartient pas à quelqu’un d’autres que nous les cinéastes. Boubakar DIALLO est une figure emblématique du cinéma burkinabè. A mon avis, il vaut mieux participer et travailler à faire en sorte que ce qu’il reproche au FESPACO ne se passe plus. Comme je le dis, c’est un point de vue et je respecte son choix.

ART. : Que pensez-vous du fond d’appui au financement du cinéma au Burkina ?

N.S : Il est évident dès l’instant qu’il y a un fonds qui appui le cinéma, c’est un fonds qui est le bienvenu parce que le cinéma burkinabè d’aujourd’hui souffre du manque de moyens à la fois artistique que financier. Cependant ce fonds doit effectivement promouvoir le cinéma burkinabé et éviter d’être à l’origine de distensions ou de scission au sein de notre milieu qui soufre déjà de querelles de jeunesse ou de génération. Ce serait regrettable que ce fonds vienne encore élargir le fossé. Le fond est à ses débuts et je souhaite qu’il puisse réellement réunir les acteurs du cinéma.
Je remercie Artistebf parce que vous faites un travail remarquable, grâce à vous il y a un certain nombre d’informations et d’éléments d’appréciation que beaucoup de télé spectateurs ne connaissent pas. Encore une fois merci à Artistebf qui me permet en tant que scénariste de m’exprimer.

Octobre 2011

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