Patrimoine mondial : Critères d’inscription de biens culturels (et/ou) naturels

Patrimoine mondial : Critères d’inscription de biens culturels (et/ou) naturels

Le Burkina Faso abritera du 10  au 14 juin 2019, la session du Groupe 5 Afrique ( G.5A) pour le patrimoine mondial. Le G.5A qui regroupe cinq (05) pays ( l’Angola, l’Ouganda, la Tanzanie, le Zimbabwe et le Burkina Faso) aura pour mission de réfléchir et d’examiner les biens culturels et naturels de valeur universelle  exceptionnelle  à proposer  pour l’inscription au tableau du patrimoine mondial. A propos justement d’inscription de sites au patrimoine mondial, le Dr Lassina SIMPORE, Archéologue, Maître de conférences et expert en conservation préventive nous entretient sur les critères et l’importance de l’inscription d’un bien culturel ou naturel au patrimoine mondial.

Le Dr Lassina SIMPORE rappelons-le, est également le Secrétaire Général du Ministère en charge de la culture depuis le 8 janvier 2019. Quels sont donc les critères d’inscription d’un site sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, voici la réponse du Dr Lassina SIMPORE.

Dr Lassina SIMPORE, Archéologue, Maître de conférences et expert en conservation préventive ©Artistesbf 2019.

Dr Lassina SIMPORE (L.S ) : Il y a 10 critères pour inscrire un bien culturel sur la liste du patrimoine mondial. Parmi ces critères, il y a 06 pour les sites culturels et 04 pour les biens naturels. C’est ainsi que l’UNESCO a choisi de travailler pour inscrire les biens sur la liste du patrimoine mondial. Mais avant ces critères, il y a un dossier qu’il faut constituer et déposer au centre du patrimoine mondial à Paris qui se chargera de l’examen de la conformité technique du dossier. Dans ce dossier, le pays demandeur doit dire en quoi son site est authentique, en quoi il est intègre et comment compte-t-il le gérer pour les générations futures ? C’est à l’issue de cette étape qu’on applique un des dix critères ci-dessus cités pour justifier le caractère mondial du site.

Exemple de critères :

 

Selon le Dr Lassina SIMPORE, “Il y a 10 critères pour inscrire un bien culturel sur la liste du patrimoine mondial©Artistesbf 2019.

Le critère N°01 stipule que ” le site à déclarer au patrimoine mondial doit être un chef-d’œuvre du génie créateur Humain“; cela veut dire que le site que vous présentez pour l’inscription au patrimoine mondial est unique et qu’ il n’y en pas d’autres au monde.

Prenons le critère N°03 (avec lequel nous avons classé le site de l’Loropéni). Ce critère stipule que ” le site apporte un témoignage sur une tradition culturelle ou sur une civilisation vivante ou disparue”. Quand on prend effectivement LOROPENI, on ne sait pas qui a construit les ruines de LOROPENI. Donc, c’est une civilisation disparue. Mais les recherches se poursuivent pour nous permettre d’identifier cette civilisation disparue.

Lire aussi : Les raisons de la tenue de la session du “G.5 A à Ouagadougou  “.

Le critère 04 par exemple dit que ” le site doit être un exemple de type de construction ou d’ensemble architectural illustrant une des périodes significatives de l’histoire humaine “. L’homme blanc a commencé à construire des forts comme par exemple au Ghana où vont les gens dans le cadre des colonies de vacances. La muraille de Chine ou le palais de Versailles sont autant d’exemples d’ensemble architectural exceptionnel.

Normalement, un seul des critères suffit pour justifier à classer le bien. Malheureusement, on voit des pays aligner trois à quatre critères dans l’espoir de se donner plus de chance, en se disant que si un critère ne fonctionne pas, le second au moins marchera.

On parle de plus en plus de biens culturels et de bien naturels ; quelle est la différence ?

 

Les Ruines de Loropéni répond au critère N°3 qui stipule que ” le site apporte un témoignage sur une tradition culturelle ou sur une civilisation vivante ou disparue”©Artistesbf 2019.

Un bien culturel, c’est ce que l’homme a fabriqué ou construit. Ça peut être une maison, un fourneau pour l’extraction des minerais de fer ou un jardin

Par contre, un bien naturel c’est ce que la nature nous a donné. Il peut être une forêt, une colline, une montagne, une grotte. A la Pendjari, il y a des éléphants ou les “OKAPI” en RDC.

De manière générale, les biens naturels renferment le monde végétal et le monde animal. Pour ce dernier cas de figure, pour justifier le caractère universel du site à déclarer au Patrimoine mondial, il faut utiliser un des 4 critères des biens naturels.

Quels sont les biens culturels dont le Burkina dispose ?

On a déjà les ruines de Loropéni qui sont inscrites sur la liste du patrimoine mondial qui ont été inscrites au patrimoine mondial  à partir du critère N°3.

Nous avons aussi la métallurgie traditionnelle du fer qui est en cours de présentation cette année pour la liste du Patrimoine mondial.

La procédure d’inscription

Avant d’aller ou de proposer des sites pour inscription au patrimoine mondial, chaque pays doit faire l’état de son patrimoine et dresser une liste de ses sites majeurs. C’est à l’intérieur de cette liste de sites majeurs qu’on prépare un dossier pour déposer à l’UNESCO.

Le Burkina Faso a déjà sa liste qui renferme six (06) biens culturels dont le site de la métallurgie du fer. L’autorité a décidé en effet que nous fassions un dossier sur ce site de métallurgie du fer pour présenter à l’UNESCO. C’est ce quia été fait pour cette année.

Outre ce site de métallurgie du fer, nous avons d’autres sites potentiels tels “Le palais royal de Tiébélé” et  la grande mosquée de Dioulassoba”.

Au niveau des sites naturels, nous avons “La marre aux hippopotames de BALA.”

Quelles sont les retombées économiques pour un pays qui a inscrit un site au patrimoine mondial ?

Il y a plusieurs types de retombées économiques après qu’un site ait été inscrit au patrimoine. Les retombées financières sont surtout celles générées par les boutiques et les restaurants construits tout autour du site par les riverains. Ce sont des retombées financières non seulement pour le site mais pour les personnes qui gravitent autour du site.

En dehors de ces retombées financières, je vois beaucoup plus une solidarité mondiale. En cas de soucis sur le site, la communauté mondiale est prête à intervenir. C’est aussi la possibilité pour les techniciens du pays de renforcer leurs connaissances en termes de gestion du site. Un site inscrit au patrimoine mondial est un label que le pays pourrait utiliser pour vendre son image  et attirer d’autres types de touristes au Burkina. Nous utilisons par exemple le LABEL “LOROPENI” pour créer au Burkina l’école de fouilles archéologiques du continent africain.

Enfin,  une confidence ! nous avons utilisé le Label “LOROPENI“ par exemple pour obtenir une Ambulance pour la commune. Nous avons également fait un plaidoyer pour la réhabilitation de l’auberge de “LOROPENI“. La ville de Tremblay jumelée à la commune de “LOROPENI“ a offert à cet effet,  une enveloppe de 20 millions pour sa réhabilitation et là, les gens n’en parlent pas !

Je rappelle que le premier objectif de l’inscription d’un site au patrimoine mondial, c’est la conservation d’un site majeur pour les générations futures. Montrer à la communauté que quelque part, il a existé un peuple qui a fait des choses exceptionnelles qui méritent d’être portées à la connaissance d’autres peuples. Maintenant, si cette inscription peut profiter financièrement aux riverains, c’est tant mieux !

Chaque Burkinabè doit inscrire dans son cœur un site culturel ou naturel

Je profite de passage pour dire que le Burkina doit faire un effort pour faire un inventaire de son patrimoine. Chaque commune doit pouvoir faire l’état de son patrimoine culturel, naturel et immatériel. Une fois établie, la liste doit remonter au niveau provincial, régional puis national (au Ministère en charge de la culture) pour synthèse.

Je crois que nous avons mal expliqué la notion de patrimoine mondial aux burkinabè de sorte que quand on parle de l’inscription d’un site au patrimoine mondial, les gens pensent automatiquement “argent” ou que cela ouvre déjà le pays à la banque mondiale. Or, l’UNESCO inscrit les sites pour attirer l’attention des gens sur quelque chose de fabuleux qui existe quelque part dans le monde.

A mon avis l’inscription des sites doit se faire dans le cœur de chaque burkinabè. Si chaque burkinabè dans sa province porte un site dans son cœur et s’engage à en être l’ambassadeur et le premier conservateur, le Burkina gagnerait. J’appelle donc chaque Burkinabè à inscrire dans son cœur un site culturel ou naturel et qu’il en devienne son protecteur et son défenseur.

Propos recueillis par Patrick COULIDIATY et Fatim BARRO

Voir aussi :

Listes indicatives :
Une liste indicative est un inventaire des biens que chaque Etat partie a l’intention de proposer pour inscription

Liste du patrimoine mondial par région

Liste du patrimoine mondial en péril par région

Leave a comment

Send a Comment

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *