Sacré Seydou OUEDRAOGO, journaliste

Sacré Seydou OUEDRAOGO, journaliste

Artistebf, a rencontré cette semaine Sacré Seydou OUEDRAOGO. Cet homme n’est ni musicien ni comédien encore moins un styliste. Mais de part sa profession de journaliste à la Radio Nationale du Burkina, Mr Ouedraogo sait beaucoup des artistes burkinabé à force de les voir défiler quotidiennement à la radio. En plus de cela, nous pouvons dire que Sacré Seydou OUEDRAOGO, en tant que citoyen burkinabé est aussi consommateur des œuvres artistiques puisqu’il lui arrive à ses temps perdus d’aller au cinéma ou d’écouter au passage dans une buvette, la musique burkinabé. Nous rappelons aux internautes que notre invité s’est révélé au public burkinabé et aux auditeurs de Radio France Internationale par ses histoires rocambolexes. Grand narrateur, cet homme qui frôle déjà la soixantaine d’années, vous entraîne sans contraintes grâce au maniement parfait de la langue de molière dans des aventures mystérieuses. Bref… avec Sacré Seydou OUEDRAOGO, il vous est permis de rêver même quand vous avez les yeux ouverts. Sans plus tarder, voici le Sacré Numéro de la semaine :

Je suis journaliste à la Radio diffusion Nationale du Burkina.Je suis aussi un collaborateur de temps à autre de Radio France Internationale (rfi) et de Radio suisse internationale. J’ai 55 ans; je commence à vieillir. Je suis né à Abidjan en Côte d’Ivoire et depuis 1976-77, je suis installé au Burkina. Je suis marié et père de 5 enfants.

Artistebf : Quelle est votre attribution à la Radio Nationale ?
Sacré : Je m’occupe essentiellement d’une émission qui s’appelle ” DIEU PARLE “; une émission à caractère philosophico-réligieux, j’allais dire sprirituel.En plus de cette émission, j’anime aussi la chronique des faits divers.

Artistebf : Pour ce qui est du travail collaboratif entre rfi et vous, comment est fait le contrat ?
Sacré : Oui c’est un contrat qui nous lit et ma hiérarchie est au courant ! En fait c’est dans le cadre des échanges entre radio que mon émission a été retenue par rfi pour être diffusée sur leur antenne. Rfi me verse des piges. Ce n’est pas si lourd mais ça permet de joindre comme on le dit “les 2 bouts”. Par chronique, j’ai au moins entre 24 ou 25 000 frs CFA. 4 chroniques dans le mois me font 100 000 frs.

Artistebf : D’où tirez-vous les chroniques de vos faits divers ?
Sacré : Du vécu quotidien ! C’est-à-dire à partir des mes expériences personnelles, mes fréquentations! J’ai aussi des amis qui m’apportent des informations que je prends soin de vérifier. Enfin, il y a la police et quelque fois la gendarmerie. Quand je suis au courant d’un fait d’assez singulier, je vais d’abord me renseigner et, sur la foi de ce qui est dit, j’essaie d’écrire quelque chose.

Artistebf : Comment vous vous en sortez si d’aventure des auditeurs se reconnaissaient dans votre récit ?
Sacré : Effectivement dans les années 80, c’était assez fréquent ! Mais actuellement, ça coule comme de l’eau sur du velours; chacun a compris la philosophie des faits divers. Les gens savent que je ne suis pas de ceux qui profanent et qui tournent le couteau dans la plaie. J’explique une situation et tant mieux si ça fait rire aux gens parce que là, j’aurai atteint une certaine cible. En réalité, le public a compris que ce n’est pas du tout du dénigrement ou pour le plaisir de blesser quelqu’un. C’est pourquoi, je prends soin dans mes récits de changer les noms et de la localisation de l’action. D’ailleurs, même si des auditeurs se reconnaissent, ils n’ont pas intérêt à faire du bruit sinon tout risque de se savoir …

Artistebf : Vous nous parliez tantôt de la première parution d’un journal “LE MARGOUILLAT” dont vous êtes le géniteur. Pouvez-vous nous en parler ?
Sacré : C’est un bi-hebdomadaire que j’essaie de mettre sur le marché parce qu’il y avait comme un vide. J’essaie donc de combler ce vide surtout que j’ai les capacités de le faire sinon, ce serait une injure au seigneur qui m’a donné ces capacités là ! C’est un bi-mensuel qui va relater les faits divers tel que vous l’avez entendu à la Radio Nationale ou sur rfi. Ce sont ces faits divers que je consigne par écrits sur des pages agrémentées par des illustrations de carricaristes chevronnées du Burkina.

Artistebf : Comment comptez-vous financer ce projet ?
Essentiellement sur fonds propres; parce qu’au Burkina, si n’est pas de l’import-export qui peut trouver un soutien, ce genres d’œuvres intellectuelles intéressent peu les opérateurs économiques. C’est sur fonds propres pour l’instant et c’est pourquoi, je fais un tirage assez limité (1 500 exemplaires) en raison de 2 numéros par mois.Mais je prie avec ferveur l’éternel afin que ça marche et que je puisse avoir des insertions publicitaires. Je sais que ce n’est pas facile parce que les annonceurs font difficilement confiance aux débutants; ils ne sont pas sûrs de la régularité.

Artistebf : Pendant combien de temps pourrez-vous continuer de raconter ces histoires sans fin ?
Sacré : De ce point de vue, je n’ai aucune crainte ! Depuis 1984, j’écris et tous ces manuscrits sont là! Sur 3 ou 5 ans, pour ce qui est de la matière première, rédactionnelle en tout cas, il n’y a pas de soucis. Mon problème est surtout financier et je profite de votre micro salvateur, (peut-être que vous me tendez ainsi du pain béni) pour dire à tous les internautes qui liront cet entretien et qui ont le coeur à ça, puissent me prêter main forte.

Artistebf : Parlant justement des internautes d’Artistebf, nous aimerions que vous appréciiez le paysage culturel burkinabé. Commençons par la musique.
Sacré : A regarder dans le retroviseur, je dirai que la musique burkinabé a vraiment évolué. Gardons- nous de faire la fine bouche ou de cracher sur le plat, la musique burkinabè a vraiment évolué. C’est peut-être avec l’apport de la diaspora ghanéenne, ivoirienne et européenne. Il faut reconnaître que notre musique a fait un bon qualitatif et quantitatif surprenant en l’espace de 10 15 ans. Que faut-il entendre par là ? Il y a 20 ans, on avait les Cissé Abdoulaye, les Sandwidi Pierre, Tidjane COULIBALY qui faisaient de la musique burkinabé pure avec des instruments modernes et traditionnels. Aujourd’hui, c’est encore la musique burkinabé mais travaillée cette fois pour la consommation non seulement locale mais internationale. Quand on écoutait la musique voltaïque dans le temps, on sentait une rupture d’avec la musique internationale. Mais comme la performance artistique n’était pas au point, les voltaïques eux-mêmes laissaient leur musique pour écouter la musique guinéenne malienne ou congolaise. Présentement, sur n’importe quelle radio fm ou maquis, vous n’entendrez pendant 2 ou 3 heures de temps que de la musique burkinabé. Pourtant, ce n’est pas une loi qui impose cela; mais c’est la qualité artistique. A cette qualité artistique, il faut ajouter le nombre actuel des artistes musiciens. Quand je parle de musiciens, je ne parle pas seulement des chanteurs, mais de tous ces musiciens qui l’accompagnent. Le problème maintenant, c’est que les burkinabé achètent peu les œuvres de nos artistes. J’allais dire que la musique burkinabé est mal remerciée ! On n’achète pas la musique mais on se contente de la repiquer, de la copier et d’envoyer via le Bluetuff à des amis. Alors, les musiciens qui devaient être des gens vus et respectés avec plein de sous et oriolés d’une certaine gloire, deviennent presque des loqueuteux, des traine-savates et des miséreux. Certes, il y en a qui ont vraiment réussi pour avoir tapé deux bons coups malgré la piraterie dont ils ont été victimes. Certainement, ils auraient pu être mieux s’ils n’avaient pas été victimes de la piraterie ou d’autres choses allant dans ce sens. Nos dirigeants sont aussi à féliciter parce qu’ils associent actuellement les artistes aux grands évènements qui ponctuent la vie de notre pays. C’est vraiment un facteur très positif quoiqu’on puisse encore mieux faire parce que les gros cachets vont à ceux qui viennent de l’extérieur. C’est domage parce que ceux-là mêmes qui viennent de l’extérieur, à écouter leur musique, ne font pas mieux que nos artistes locaux.
Artistebf : Que pensez-vous de ceux qui soutiennent que la musique d’aujourd’hui est vide de sens et que c’est du bruit au lieu de la musique ? Tout est facilité par le numérique aujourd’hui.
Sacré : Je ne suis pas du tout d’accord avec cette critique. Ça, je m’inscris en faux ! Je crois que les instruments locaux sont utilisés mais de grâce ! Ne forcez pas les musiciens à faire l’impossible. Prenons le cas du “KUNDE”, cet instument de musique traditionnel que vous connaissez. Tel qu’il est conçu (enveloppé de cordes, de cuivre et de bois), comment voulez-vous avoir une bonne sonorité avec ça ? C’est difficile ! C’est conscient de cet état de fait que nos génies, nos ingénieurs musicaux tentent de réadapter certains de nos instruments traditionnels afin qu’ils puissent répondre à la norme internationale. N’oubliez pas que les burkinabés ne sont pas les seuls consommateurs ! Mais si on devait compter sur la consommation locale, on n’aurait pas eu autant de musiciens. Ensuite, il y a la concurrence mondiale qui est là; donc il faut qu’on évite de se marginaliser complètement. Je salue déjà l’initiative de certains de nos artistes comme BONSA, Sana Bob et bien d’autres qui font un grand apport d’instruments traditionnels.

Artistebf : Y a-t-il d’autres problèmes qui font obstacle à la musique burkinabé
Sacré : C’est l’écoulement ! Les artistes produisent mais la réaction du public n’est pas du tout rentable pour les musiciens. C’est vrai qu’à l’écoute de certaines cassettes ou CD, les gens sont entousiastes, mais ça s’arrête là ! Ils n’achètent pas.

Artistebf : Comment arriver à susciter l’engouement du public à acheter les œuvres musicaux de nos artistes ?
Sacré : Ecoutez, il y a des gens chargés de trouver des idées pour rendre la vie des musiciens meilleure. Je pense surtout au Bureau Burkinabé des Droits Auteur (BBDA) qui lutte contre la piraterie des œuvres musicales au Burkina. A partir du moment qu’on aurait circonscrit ce mal, vous verrez que les musiciens mèneront une autre vie plus agréable.On fait sortir une cassette aujourd’hui et en l’espace de deux semaines, le marché est déjà envahi.

Un mot aussi sur le cinéma
Sacré : Si notre cinéma passe sur les chaînes intrnationales, c’est que nous produissons des séries acceptables. Je tire d’ailleurs mon chapeau à l’ensemble de ce monde du cinéma: comédien, réalisateurs, scénaristes et on n’est pas loin de la Côte d’Ivoire du point de vue de la qualité, de la régularité dans la production.

Artistebf : Malgré notre absence à Cannes ?

Sacré : Bon ! je ne crois pas que ce soit tellement ça l’essentiel ! Attendez ! Voulez-vous qu’on mette des milliards et des milliards de dollards dans un film pendant que les salles se ferment, pendant que les gens s’abonnent aux vidéo-clubs. ? On va produire des films à grands budgets et les projeter dans quelles salles ? Mais il y a une politique intérieure qui devait soutendre à tout ça. Combien de salles marchent à Ouagadougou ou à Bobo? C’est en raison de tout ça que les réalisateurs se sont retournés vers le numérique. Camera en main, ils tournent leur film et font rire le monde et ça passe. Quand Sidnaaba produit des films, bien qu’ils soient de moindre qualité, (je ne dis pas qu’ils sont mauvais) mais les salles sont pleines. C’est ce que les autres sont en train de faire aussi. Je n’apprécie pas positivement cet état de fait; mais je dis que ça donne un coup dur sur la qualité de notre cinéma. Autrement, qu’est-ce qu’on a fait pour soutenir la grande créativité ? Mais que voulez-vous ? Si les salles se ferment, il faut bien que les réalisateurs vivent ! La solution, c’est de créer des salles de cinéma, engageons une politique cinématographique réelle comme dans les années 70 à la création du FESPACO
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Artistebf : L’autre difficulté de nos artistes c’est la promotion. La junte féminine semble la plus lésée dans ce milieu puisqu’elle est souvent obligée malgré son talent d’accepter les caprices de certains opérateurs culturels
Sacré : Mais ce n’est pas dans ce milieu seulement. Non ! Même pour avoir du travail aujourd’hui dans une société où on fabrique des Bombes, en Afrique en tout cas, on vous dira de baisser d’abord le slip. C’est clair !

Artistebf : Justement, il faut qu’on travaille à changer cette mentalité surtout dans le milieu cinématographique qui est sensé sensibiliser le public sur les déviances sociales.
Sacré : Intellectuel ? tu parles ! mais le milieu industriel est plus intellectuel que celui du cinéma parce que souvent, ce sont des savants qui travaillent dans le secteur industriel. Ah non ! Les grands patrons des sociétés ne sont pas n’importe qui. Ce n’est pas “Ladji “ou celui qui fourre son argent sous les matelas. Ce sont des gens qui ont fait de grandes écoles de commerce et qui dirigent de grandes sociétés. Je m’excuse, mais le stade KANAZOE est dépassé.

Artistebf : Mr Ouedraogo, le problème est toujours là ! Est-ce pour toutes ces raisons avancées qu’il faut continuer de harceler la junte féminine en quête de spectacles ou de boulot ?
Sacré : Oh ! oooh !!!! hé ! hé ! ( il râle un peu) . C’est une question de moralité ! Mais si la comédienne ou la musicienne accepte baisser aussi la culotte parce qu’elle veut du travail, eh bien ! Tant pis pour elle ! La première riposte ne doit venir du vicieux qu’est le chef ou du directeur d’entreprise. La première réaction vient de la femme; elle refuse et porte plainte à qui de droit; c’est tout ! Mais si les femmes trouvent que c’est un moyen plus facile aussi de se trouver du Job, mais que voulez-vous ? Je ne peux pas condamner à 100% les chefs d’entreprises qui le pratiquent… mais bien sûr que je les condamne parce que c’est une question de moralité et une question de spiritualité aussi en fin de compte. Dans la plupart des cas, la femme est souvent consentante ! C’est vrai que c’est dans le souci de travailler mais est-ce qu’elle est obligée de le faire pour obtenir du boulot ?

Artistebf : Puisqu’il faut bien qu’elle mange !

Sacré : Ah bon ! Parce qu’elle veut manger ? Donc, elle n’a qu’à baisser culotte !

Artistebf : Que pouvez donner comme conseils à nos artistes en quête de promotion ?
Sacré : Que puis-je leur donner comme conseil dans la mesure où ils sont plus avertis que moi sur la question; c’est leur domaine, ils connaissent les pièges qui se dressent à eux. Cependant, je ne pourrais qu’émettre que des vœux. A ce titre, il faut que les artistes exploitent au maximum la musique et les instruments traditionnels. Que ceux qui ont la science de transformer les instruments traditionnels en instruments modernes mettent leur savoir à contribution pour que notre musique devienne un “WORLD MUSIC”.

Août 2011

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