Souvenir de SEMBENE dans la mémoire d’Aminata Ouédraogo

Souvenir de SEMBENE dans la mémoire d’Aminata Ouédraogo

Aminata OUEDRAOGO est une communicante et cinéaste à la retraite. 1ère et unique femme Directrice de la Cinématographie Nationale du Burkina Faso, elle est aussi la 1ère Directrice du Marché International du Cinéma Africain (MICA), et la 1ère et unique Femme Présidente du Conseil d’Administration du FESPACO. Ayant ainsi connu les premiers moments du FESPACO, elle a également rencontré un de ses précurseurs, Ousmane SEMBENE. Elle nous emmène dans ses souvenirs.

Commente avez-vous connu Ousmane SEMBENE ?

J’ai connu Ousmane SEMBENE à travers le FESPACO. En 1977 où j’ai fait mes premiers pas au FESPACO, je le voyais mais je n’avais pas de relation particulière avec lui. La première fois que j’ai échangé avec SEMBENE et travaillé avec lui, c’était en 1989, si ma mémoire est bonne, lorsque l’on voulait transférer le siège de la FEPACI au Burkina Faso. Il m’a encouragée et m’a donné beaucoup de conseils. Nos rapports se sont beaucoup affermis en 1991 lorsque j’ai rejoint mon mari à Dakar pour m’y installer. Je ne l’ai pas seulement connu en tant que cinéaste, mais aussi en tant qu’être humain. C’était un ainé pour moi. J’emmenais souvent mes enfants chez lui au bord de la mer. Il y avait un plat burkinabè qu’il affectionnait, le to. J’en préparais parfois et il passait récupérer chez moi à la descente. C’était un homme disponible, ouvert et toujours prêt pour une discussion. Il avait un franc-parler, mais ce n’était jamais mal intentionné. Il fallait simplement le connaître et l’accepter comme il était. Il était aussi très humain. Il n’avait pas de téléphone chez lui parce qu’il trouvait que ça éloignait les hommes. Il préférait rendre visite aux gens. Il m’a même déjà grondée pour l’avoir appelé avant de passer chez lui.

Pour Aminata OUEDRAOO, Ousmane SEMBENE a été un confrère, mais surtout un ainé, un ami.

Que savez-vous du combat mené par Ousmane SEMBENE pour le FESPACO ?

Je n’étais pas présente, mais il semble qu’il ait beaucoup lutté pour le FESPACO. Je pense que les premières personnes qui ont contribué à la naissance du festival, notamment Alimata SALEMBERE, pourraient dire ce qu’il a fait ou ce qu’il a dit. Si je fais des déclarations, ce serait des histoires. Mais de ce que j’ai appris, il aurait fait beaucoup, il aurait insisté pour que le FESPACO reste au Burkina. Et j’y crois parce qu’il m’avait parlé des gens qui voulaient que le FESPACO se passe ailleurs ; pour lui, il n’en était pas question. Il soutenait que le Burkina avait trop fait pour le cinéma africain, pour qu’on veuille transférer le FESPACO ailleurs. Ça, il me l’a dit. Il m’a dit aussi que c’était à nous burkinabè de lutter pour que le FESPACO reste à Ouagadougou et que Ouagadougou reste a la capitale du cinéma africain. Il était certes sénégalais, mais il ne manquait pas une édition du FESPACO. Il a travaillé à ce qu’il n’y ait pas de censure au FESPACO ; et il a dit que si le Burkina ne garde pas cela comme un principe du FESPACO, ce sera foutu pour nous. Même si un film est censuré dans son pays d’origine, il peut passer au FESPACO. Pas parce que le gouvernement burkinabè prend parti pour ce film, mais parce que c’est le FESPACO. Il ne fallait surtout pas mêler la politique au festival. D’ailleurs juste après l’assassinat de Thomas SANKARA, il y a eu un film sur la question au FESPACO. Lui et l’équipe du festival sont allés expliquer au gouvernement, la nécessité de départir le FESPACO de la politique, et le film a effectivement été diffusé. C’était un film attendu d’ailleurs, et les gens l’ont bien suivi.

Comment reconnaître à vue d’œil  Ousmane SEMBENE ?

On reconnaissait SEMBENE par son éternelle pipe, sa casquette et son sac en bandoulière. Si vous voyez sa statuette, vous remarquerez ces éléments-là.

Que peut-on dire d’autres sur Ousmane SEMBENE ?

En 1991, le FESPACO  a organisé un colloque pour rendre hommage aux femmes cinéastes devant et derrière la caméra ; car elles n’étaient pas très représentées, elles manquaient de visibilité et de soutien. Nous avons jugé utile d’unir nos forces pour changer cela et de faire en sorte que dans chaque pays, on puisse mettre sur pieds des structures de femmes professionnelles de l’image. Donc, l’Union panafricaine des femmes professionnelles de l’image (UPAFI) est née. Sa représentation au Burkina (UNAFIB) est celle qui imprime le plus sans marque sur le continent africain. On voulait organiser un festival cinématographique féminin au Burkina, comme il y en avait en France. C’était au début des Nuits atypiques de Koudougou (NAK), et j’en ai parlé à Koudbi KOUALA, à Aminata Diallo GLEZ. J’ai été à Dakar pour une conférence et j’ai fait la connaissance de Simone VEIL qui a apprécié le concept. Avec le soutien du ministère burkinabè en charge de femme, nous avons mis en place le festival. 0 L’époque, Ousmane m’a dit : « Tu as très bien fait parce que nous les hommes, nous réfléchissons pour nous. ». Je lui ai dit : « Donc c’est un panier de crabe. » ; et il me dit : « Ah oui, c’est une panier de crabes ! Nous marchons les uns sur les têtes des autres et au premier à sortir du panier ».

Patrick COULIDIATY.

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