Fatouma Sophie OUATTARA : « Je note un peu d'Hypocrisie ... »

Fatouma Sophie OUATTARA : « Je note un peu d'Hypocrisie ... »

Elle, c’est Fatouma Sophie OUATTARA, Fondatrice du journal d’actualités féminines « Queen MAFA » . Interrogée dans le cadre de la Journée Internationale des droits de la femme, Sophie OUATTARA semble déçue entre ce qui se dit et se pratique à propos des droits de la femme. A son avis, il y a une certaine hypocrisie …

« Quand on dit par exemple que le mariage des mineures ce n’est pas bien. Mais qui draguent les mineurs … ? »

Fatouma Sophie OUATTARA  (FSO) : (Rires) Vous savez que les changements prennent du temps. Ce n’est pas à coup de baguette Magique qu’on arrivera à changer les choses. C’est depuis plus d’un siècle qu’on a toujours dénoncé cette situation d’inégalité entre les hommes et les femmes. Mais comme je le disais tantôt, c’est une question de culture et de social et ça prend du temps.



Cependant, je note un peu d’hypocrisie entre ce que disent les gens et ce qu’ils font. A mon avis, il y a de l’hypocrisie. Quand on dit par exemple que le mariage des mineures ce n’est pas bien. Mais qui draguent les mineurs ? ce sont les hommes !. Donc, ce qui ne marche pas, c’est d’abord cette hypocrisie là, le fait de vouloir une chose et son contraire. Quand je parle d’hypocrisie, je n’indexe pas seulement l’homme mais c’est toute la société entière qui concernée. Au Burkina particulièrement, c’est l’hypocrisie le maître mot car chaque fois des gens sortent et disent, on va faire ci, on fera ça. Mais quand vient le moment de décider, on se rendre compte que c’est autre chose.  Quand par exemple le président Rock Marc Christian KABORE prenait le pouvoir, il a promis donner 30% des postes aux femmes. Et finalement, qu’est-ce s’est passé ? A chaque formation de gouvernement, les femmes se rendent compte que c’est pas ce qui avait été décidé. Pire, il y a eu une grande régression pendant le régime du MPP. Or,  ce sont les femmes qui ont contribué énormément à l’avènement de l’insurrection populaire et à la transition. C’est après qu’on a constaté qu’on a été payée en monnaie de singe.

Si aujourd’hui vous étiez cheffe de l’exécutif ou du pouvoir législatif, qu’est-ce que vous changerez en faveur de la femme ?

Rire embarrassant. Alors d’abord si j’étais cheffe de gouvernement, première ministre j’allais former un gouvernement à  égalité (50% ) hommes-femmes. Je suppose que nous avons suffisamment travaillé, sensibilisé, parlementer et les esprits  également assez préparés. « Nous décidons qu’à partit de maintenant, les quotas genre dans l’administration et les postes de nominations de gouverneurs et autres postes ministériels seront désormais revus à 50 %.

Sur le plan économique, nous étions déjà sur les bonnes voies. Beaucoup d’actions ont été menées en faveur de l’autonomisation des femmes. Il y a énormément de possibilité de crédits pour les femmes. Même si ce n’est pas suffisant, il faut reconnaître qu’un effort a été fait à ce niveau et à mon avis, il faut une loi pour seulement renforcer.

D’une manière générale, la culture est à la traîne. Dans un pays comme le nôtre caractérisé par la rareté des ressources exceptées les mines aurifères qui nous créent des problèmes aujourd’hui, le Burkina peut s’en sortir en mettant l’accent sur sa culture et le sport. Malheureusement, quand on forme un gouvernement, on ne sait même pas où loger ces deux domaines. Donc, en mettant l’accent sur la culture, les femmes (femmes artistes, potières, tisseuses…) trouveront toutes leur compte.

Il est dit qu’en Afrique, la femme souffre des pesanteurs socio-culturelles qui font qu’elle (la femme rurale surtout) n’est pas bien épanouie. Quelle loi prendrez-vous  pour la rendre plus libre et épanouie ?

(Rires). Vous me tendez un piège ! En fait au Burkina, les lois sont déjà là. Mais c’est leur mise en œuvre qui pose problème. Est-ce qu’il ne faut pas plutôt sensibiliser parce qu’on ne peut changer les mentalités du jour au lendemain. Ça prend du temps ! Prenons par exemple la répartition des taches au sein d’une famille. Qu’est-ce qu’on constate ? C’est la femme qui fait tout pendant que l’homme est comme d’habitude à la conquête de l’extérieur. Et il arrive aussi que la femme soit également à la conquête de l’extérieur. Alors si les deux sont à la conquête de l’extérieur, il faudra donc que les taches domestiques soient partagées. Malheureusement, c’est la femme qui se retrouve encore seule à gérer le reste des taches domestiques. Ce qui revient à constater que la femme va de moins en moins s’épanouir même SI la question d’autonomisation est résolue. Il y a un paradoxe !  Culturellement, pensez-vous qu’une loi peut changer la donne ? Peut-on dire qu’à partir de maintenant que c’est l’homme qui doit cuisiner dans mon foyer ?

Mais pendant la période révolutionnaire, les hommes faisaient le marché les « 8 mars ».

Oui … Mais c’était ceux qui le voulaient parce que Sankara n’est pas allé avec une chicotte pour obliger les hommes à le faire. Je crois qu’il faut travailler au niveau de la culture à faire émerger des modèles. Si de plus en plus, on peut montrer des hommes qui font des lessives à la maison ou qui assurent la corvée des enfants en les déposant à l’école, c’est déjà bien. Sinon, quand vous prenez la route, on a l’impression que les femmes ont les enfants toutes seules (rires). Souvent, ce sont trois enfants et leur mère sur une moto et on se demande où se trouve l’époux ? Pourtant, il est là ! Mais Monsieur ferme les yeux et il sort. Sinon, qu’est-ce qui le coutait de prendre un enfant et le déposer à l’école, ce qui pouvait même amoindrir les risques d’accident.

Vraiment, je ne sais pas trop quelles solutions aux difficultés de la femme dans les foyers. Mais ça prend du temps pour changer. Mais déjà, je pense au système éducation à travers les modules enseignés à l’école primaire. Il faut revoir les stéréotypes qui sont contenus dans les manuels scolaires. 2léborer des modules qui parleront de l’égalité entre l’homme et la femme en montrant le bien fondé de cette égalité des genres, montrer pourquoi il faut que la femme soit  libre au même titre que l’homme et pourquoi il faut que la femme soit autonome. Donc, c’est à la base qu’il faut aborder la question de genre aux enfants. Se les enfants sont sensibilisés, ce sont eux qui seront les porte-étendards de ces idées. Les lois sont importantes mais il faut les accompagner. Si nous sommes là à échanger c’est parce qu’il a des profondes contradictions entre ce qui est dit et ce qui est constaté sur le terrain.

Mais là où il faut durcir le ton, c’est au niveau des violences faites aux femmes. A mon avis, il faut commencer à taper fort ! les amendes infligées aux auteurs de viol sont faibles et le délai d’emprisonnement est très court. Moi, je voterai une loi qui emprisonne à vie tout homme  qui violerait une mineure. Malgré la douleur que tout parent peut ressentir à travers un viol, il y a certaines familles qui cherchent à le camoufler plutôt que de le dénoncer

Depuis deux ans, le côté festif des 8 mars est de plus en plus abandonné parce que la situation de la femme ne s’y prête plus ! Au regard donc de la situation, c’est de demander que la question sécuritaire soit rapidement résolue et qu’on soit plus regardant sur la situation des femmes déplacées et qu’on reste solidaires avec ces femmes déplacées internes. Avec la crise sécuritaire, elles sont les plus vulnérables.

ArtistesBF

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