Marie Blanche OUEDRAOGO, Artiste-peintre

Marie Blanche OUEDRAOGO, Artiste-peintre

Je suis Marie Blanche OUEDRAOGO, Artiste plasticienne et scénographe. C’est depuis 1994 que je fais le travail de la peinture. Après 3 ans d’exercice dans l’informel, je me suis révélé au grand public par le biais des expositions. Ce que je gagne dans ce métier, c’est la joie de pouvoir transposer sur des tableaux mes pensées, mes émotions, les sensations et les questionnements sur la vie.



Mes thèmes peuvent être d’ordre spirituel, environnemental et social. Les œuvres que je produis sont généralement en série. Lorsque je me décide de traiter un thème, je le décompose d’abord en séries divisées en plusieurs sous thèmes allant de 1 à 8. Par exemple, si je pose la question de l’identité , je vais dans un premier temps étudier la personne dans son ensemble puis dans un second temps, je vais chercher à comprendre le comportement de la personne. J’essaie de comprendre certaines déviances sociales. Au départ, la personne se comportait bien et des années après, la même personne a changé ; elle ne se comporte plus comme avant. Pourquoi ?

Artistebf (ART) : Vous êtes vraiment une passionnée du métier. Comment l’idée de faire la peinture vous est venue à l’esprit ?
BO: C’est par passion depuis le bas âge. J’ai commencé à dessiner à mon CP2 jusqu’au jour où j’ai réussi à transformer une robe en un personnage. A l’école, mes crayons de couleurs ne me suffisaient pas tellement je les utilisais sans ménagement. Je ne m’arrêtais pas d’emprunter les boîtes à outils de mes camarades. Cette folie du dessin m’a poursuivit ainsi jusqu’en 3è où je prenais toujours plaisir à reproduire tout ce qui me tombait à la main et même certaines images de l’encyclopédie.
C’est à ma Terminale, que les choses vont véritablement se déclencher. En effet, par l’intermédiaire de mon professeur de tennis, j’ai fait la connaissance d’une dame qui aimait aussi dessiner. Elle était passionnée particulièrement des bricolages de Henry MATISS. La dame m’a encadré longtemps sans que je débourse le moindre copeck. Puis, il y eut un symposium d’artiste peintre sur le mur de la maison des Jeunes de Ouagadougou où j’ai eu la chance de participer. J’en ai fait plein de contacts; ma carrière de peintre venait d’être tracée.

ART : Vous travaillez à partir d’un support visuel ou c’est de manière imaginaire ?
BO: Je peux dessiner aussi à partir d’un support visuel c’est-à-dire à partir des photos d’une tierce personne ou à partir d’objets. Mais là, il faut être passionné de l’image à reproduire. Il faut s’y mettre avec beaucoup d’attention. Parallèlement, on peut créer un personnage imaginaire et le faire en figuratif. Mais on ne peut pas toujours rester sur un thème à vie.
Présentement, depuis fin 2010, je travaille par exemple sur un projet ayant trait à l’indépendance. Comme vous le savez, cela fait 50 ans que la plupart des pays africains sont indépendants. Beaucoup de choses se sont passées avant qu’on en arrive à l’indépendance.
Alors, c’est cette indépendance dans ces différentes étapes que je suis en train de reconstituer en différentes pièces (tantôt grandes, tantôt petites). A la fin du racolage, je dois retrouver le colonisateur. Vous voyez donc que les pièces à coller dont il est question ici ne visent pas un individu ni une société mais un ensemble. Pour ce qui est de ce projet, je prévois réaliser jusqu’à 50 pièces à coller qui correspondent à 50 années d’indépendance.

ART : Au Burkina, on dit que l’Art ne nourrit pas encore son homme. Qu’est-ce qu’il en est à votre niveau ? Est-ce que vous en tirez ?
BO: Je trouve déjà admirable de pouvoir travailler selon sa passion, à prendre du plaisir à réaliser ce dont on aime et qu’en définitive, ce plaisir me revienne sous forme de gain, comme une récompense. Au départ, c’est une satisfaction morale et à la fin, on est encore plus satisfait. Pour l’instant, je ne vis que de la peinture, un métier grâce auquel j’ai pu réaliser un certain nombre d’investissement.

ART : Comment écoulez vous vos œuvres ? Avez-vous un circuit ?
BO: A travers les expositions. Maintes fois, j’ai exposé en Allemagne sur invitation de mes partenaires. Grâce à la vente de mes œuvres, j’arrive à me payer les billets d’avion. Dieu merci. Les gens trouvent que nos tableaux sont chers. Ça me fait sourire souvent parce que dans les galeries européennes, les œuvres sont plus chers que ça; les prix sont même exorbitants. Sans exagérer, je peux dire que les artistes peintres africains ne vendent pas du tout; c’est du “donner” que nous faisons à nos clients.
Vous savez, je me suis fait une philosophie ; elle est simple. C’est moi qui fais mes œuvres et je les aime bien. Si vous êtes un client et que vous voulez acheter mon œuvre, je vous la cède moyennant un prix. Dans tous les cas, que vous arriviez à l’acheter ou pas, je ne perds pas. D’ailleurs, si vous n’arrivez pas à acheter l’œuvre, je garde toujours mon sourire parce que je me dis que j’ai réussi à conserver au moins mon tableau. Par contre, si le client me l’achète, c’est également bien parce que là, je me sens réconforté dans mon travail. C’est vrai qu’en regardant le client s’éloigner avec le tableau, il se passe un petit pincement au cœur pour l’amour que j’ai pour cette œuvre et que je ne reverrai certainement plus. Mais je dis que c’est tout de même encourageant.

ART : Quels genres de difficultés rencontrez vous dans ce métier de peintre ?
BO: Au Burkina, on a tendance à ranger l’art plastique dans un coin. C’est vrai que financièrement, les retombées ne sont pas immédiatement perceptibles. Mais des sociologues, des économistes et des historiens de l’Art pourront vous attester de la rentabilité de l’art plastique. Donc, ce qu’il faut, c’est déjà commencer à considérer l’art plastique au même titre que les autres métiers. Les artistes peintres abandonnés à eux-mêmes n’y arriveront pas facilement.

ART : Que proposez vous concrètement ?
BO: Je suggère qu’au lieu de laisser chacun organiser sa propre exposition par ci, par là, le Ministère pourrait regrouper les artistes plasticiens et réorganiser le secteur en instituant par exemple des galeries mobiles tel qu’on a pu le voir à la dernière édition du FESPACO. Oui c’est vrai que le SIAO est déjà un cadre qui sied pour ce genre d’exposition, mais là, pour ce qui est du SIAO, nous sommes beaucoup plus versés dans l’artisanat d’Art.
Je ne sais vraiment pas qui est ce qui vous soutient dans cette entreprise, mais en tout cas, je souhaite que cette personne s’investisse davantage pour le bonheur de la culture burkinabé.

Patrick COULIDIATI

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