Il fait partie des 140 personnes qui figurent sur la Rue des étoiles à Ouagadougou. Homme discret ou presque effacé, Siriki KY puisque c’est de lui qu’il s’agit est une intelligence dont toute la sous région Ouest africaine et l’international chantent le talent. Au soir du 1er mars 2025 précisément à la clôture de la 29è édition du FESPACO, les organisateurs ont encore vanter ses mérites à travers ses œuvres exceptionnelles et les trophées dont il est le concepteur qui ont servi de prix aux lauréats du FESPACO 2025.
Mais bien avant cette date, l’homme qu’on appelle affectivement le MAESTRO brillait déjà par son talent et son expertise, toutes choses qui l’ont conduit dans plusieurs pays de la sous région et à l’international. Retour sur l’actualité de l’artiste plasticien depuis fin 2024.
Siriki KY (S.K) : C’est vrai, j’ai eu une actualité très mouvementée en fin décembre 2024 et en début 2025.
Ma tournée a commencé à ART BASEL Miami ( Etats-Unis) où j’étais pour une exposition solo de dix jours. Elle s’est poursuivie à Dakar où j’ai assisté à l’installation de la sculpture de “Lat Dior” de Thiès (Sénégal) et à Bandjoun (Cameroun) pour un master class au profit des jeunes plasticiens.
La deuxième étape de ma tournée m’a conduit à Ségou’Art où s’est déroulé le festival des arts contemporains de Ségou (au Mali). Parallèlement à cette activité, je préparais dans le même temps, les commandes de trophées du FESPACO 2025 et pour quelques entreprises Burkinabè.
Vous figurez désormais sur la Rue des étoiles. Expliquez nous comment s’est faite la sélection à votre niveau .
C’est exact ! Je fais partie des 140 personnes dignitaires qui figurent sur la Rue des étoiles.
En fait, je n’étais même là. On m’a dit seulement que j’ai été sélectionné pour être sur la rue des étoiles. Selon le promoteur, c’est une reconnaissance pour tout ce que je fais, pour mon apport à l’avancée des arts plastiques au Burkina et mon engagement à promouvoir cet art.
Ma contribution a été de soutenir le jeune Kevin MONE à trouver le granite en Côte d’Ivoire pour fabriquer les plaques et les étoiles. Je suis fier de faire partie de cette première cohorte. C’est vrai que nous sommes les premiers; mais ca va continuer…
Comme si ça ne suffisait pas. Le FESPACO vous a confié la confection des trophées. Est-ce à dire que l’année 2025 est l’année de votre année ?
Je le fais souvent, c’est parce que les gens ne le savent pas. Et je n’en parle pas non plus. Aujourd’hui, c’est parce que vous me demandez d’en parler. Sinon, j’interviens pour les masters class, les ateliers et partout où je suis sollicité. Pour les trophées du FESPACO, je le fais déjà depuis trois éditions.
Combien de trophées avez-vous confectionnés ?
J’ai fait au total une trentaine de trophées pour le FESPACO. A la dernière minute, on m’a demandé de faire également des bus de Thomas SANKARA pour le “PRIX Thomas SANKARA”. Je l’ai donc fait gracieusement au titre de ma modeste participation citoyenne pour le FESPACO.
Comment se présentent les trophées pour chaque catégorie ? Y a t-il des spécificités ?
Tous les étalons présentent le même aspect. En bronze et plus précisément en laiton qui un alliage de cuivre et de zinc ou en bronze qui est un alliage “cuivre-étain” dosé à un certain pourcentage.
Mais l’étalon d’or est légèrement plus grand. Les trophées étalons sortent tous du même moule; c’est la couleur et la valeur financière seulement qui changent. Au niveau des poulains, on distingue les poulains d’or, d’argent et de bronze. Tous ces trophées sortent comme je le dis du même moule et c’est le FESPACO qui décide d’attribuer les trophées selon les prix ou qui décide de l’usage qui en sera fait.
Est-ce qu’il y a des dispositions prises pour préserver vos œuvres des éventuelles copies, contrefaçons et autres piratages ?

Il existe des bureaux chargés de la protection intellectuelle dont notamment le Bureau Burkinabè du Droit d’Auteur (BBDA) où d’ailleurs je suis un ancien membre.
On est souvent confronté à cette mauvaise pratique. Les jeunes s’inspirent de ce que nous faisons. Et pour changer l’œuvre, ils ajoutent deux ou trois touches; et voilà le plagiat !. Mais ce genre de pratiques ne feront pas de leurs auteurs des artistes. Ils sont pleins au Burkina, ceux qui s’adonnent à cette mauvaise pratique.
Est-ce que vous essayez de “griffer” vos œuvres ?
Oui, une œuvre qui n’est pas signée ce n’est pas la peine. Mais pour les trophées du FESPACO, je ne les signe pas. Etant donné que c’est le fespaco qui les a commandés, ils sont désormais la propriété du fespaco.
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A quand une école des beaux arts au Burkina ?
Franchement, je suis fatigué de ce combat ! Je me bats depuis des années pour que le Burkina ait une école dans ce sens. Malheureusement, il y a des intellectuels mal avisés qui m’ont dit qu’on n’a pas besoin d’aller à l’école pour être un artiste. Selon ces derniers, le talent est inné et il faut l’être dans l’âme. J’entends ce refrain depuis des années. Et maintenant j’ai arrêté d’en parler. Sinon, il fut un moment, des Cubains voulaient qu’on créé une école de beaux arts au Burkina. Il eût trop de bruits, tellement de tergiversations sur le sujet au point qu’aujourd’hui, on n’en parle plus !
Est-ce qu’il n’y a pas lieu de relancer le projet avec les nouvelles autorités qui vous portent déjà bien à cœur ?
Moi j’ai levé le pied. Toutefois, je suis prêt à apporter ma contribution et continuer d’échanger avec les jeunes comme je le fais toujours. Mais je ne vais plus jouer au syndicaliste. Vraiment, je n’ai plus l’âge pour ça; Non, je suis fatigué. J’ai enseigné au conservatoire des arts et des métiers de Bamako, j’ai enseigné également à Abidjan. Il n’y a qu’au Burkina où les gens comprennent peu l’importance de la formation académique. Ils minimisent la formation académique.
Mais qu’à cela ne tienne, avez-vous néanmoins d’autres projets ?
Je n’ai pas de projets dans l’immédiat. Cependant, avec le concours des amis plasticiens, nous avons mis en place une équipe de RÉFLEXION ET DE PARTAGE DE SAVOIRS. C’est ainsi qu’on se retrouve souvent pour des besoins de formations au profit des jeunes. Parmi ces grands frères, il y a Abdoulaye KONATÉ, Barthélémy TOGO et CISSE qui répondent toujours à mes invitations lorsqu’il s’agit d’encadrer des jeunes.
Que voulez vous que la jeune génération ou tous ceux qui vous suivent gardent de vous?
(rire). Mais que voulez-vous que la jeunesse garde de moi ?. D’ailleurs les gens disent que j’ai un caractère insupportable à cause de mes prises de position. En vérité, les gens sont hypocrites, ils ne disent pas la vérité et veulent combattre et étouffer mes idées.
Je souhaite surtout que nos autorités fassent la part des choses parce que dans notre pays, l’artisanat a largement pris le pas sur la création et plus particulièrement sur les arts contemporains. La pratique artisanale a une longueur d’avance sur la création. On a longtemps pris les œuvres artisanales pour de l’art contemporain, ce qui fait qu’on n’est pas sur la scène internationale. Je le dis toujours qu’en ce qui concerne les arts plastiques, le Burkina n’est pas présent sur la scène internationale. La pratique artisanale est certes bien mais, on peut aller au-delà…
Et qu’est-ce qu’il faut faire pour pouvoir positionner nos artistes plasticiens sur la scène internationale ?
Mais c’est la formation ! Il faut qu’ils voient ce qui se passe ailleurs, qu’ils confrontent leur travail à celui des autres. On ne peut pas s’asseoir chez soi et se complaire dans sa position en disant qu’on est artiste plasticien. Tout est régi par des règles internationales qui hélas, ne sont pas de nous. Si vous faites un travail et que vous voulez qu’on le comprenne, il faut se conformer à ces règles internationales.
Si on formait les jeunes de manière académique, ils auraient compris que les Picasso et autres, se sont inspirés de nos créations “artistiques” ( objets de cultes, et masques). Ils en ont fait des œuvres contemporaines de hautes factures. En tant qu’africains, on peut bien s’en inspirer aussi. Mais encore faut-il qu’on nous l’enseigne à l’école. Si donc tu n’es pas allé à l’école, comment comprendre que tu peux t’en servir ? A défaut, tu resteras là à tourner en rond et à vouloir faire comme ceux qui trichent.
L’autre aspect, ce sont les critiques d’art. Les journalistes culturels ne vont pas au fond des choses. J’aimerais que les journalistes culturels se mutent en critiques d’art. C’est bien de toujours aller dans les galeries, s’intéresser à ce que font les artistes et se cultiver. Il y a beaucoup de bouquins qui parlent de l’histoire de l’art, mais hélas, ces bouquins ne relatent pas l’histoire de l’Afrique.
ArtistesBF
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