Ky Sidiky, sculpteur. : Je fais ce métier depuis 30 ans. Je travaille à cheval entre Ouagadougou (la capitale du Burkina Faso) et Lango (un village situé à quelques kilomètres de Ouagadougou)
Je suis passé par l’Ecole des Beaux Arts d’Abidjan. je me suis spécialisé dans la pierre en Italie. De retour au Burkina, je suis installé à mon propre compte pour partager mon expérience avec les jeunes.
En tant que sculpteur, je peux travailler aussi bien sur le bronze, la pierre que sur du bois. Un sculpteur doit pouvoir travailler sur différents supports.
D’où vous viennent vos inspirations ?
C’est vrai que certaines personnes, pour pouvoir travailler choisissent des thèmes . Mais pour ce qui me concerne, mes inspirations sont surtout liées à tout ce qui touche à la vie.
Quelles sont les qualités qu’un bon sculpteur doit avoir?
Il faut être prédisposé à ce travail. On peut passer par une école pour avoir les rudiments de la sculpture. Mais pour être un bon artiste, cela ne dépendra que de vous . L’école fait des sculpteurs ou des peintres mais pas des artistes .C’est çà la différence. On peut être un bon technicien sans être pour autant un bon artiste.
Vos œuvres sont-elles produites ou calquées à partir d’une photographies ou par simples imaginations ?
Alors si je travaillais comme ça, je n’allais pas avoir la prétention de dire que je suis artiste. Un artiste crée et non à partir des chef-d’œuvre d’une tierce personne. Ce travail de sculpture m’amuse, C’est tellement facile.
Le sculpteur, est-il forcément un bon dessinateur ?
La base de tous les métiers d’art plastiques est d’abord le dessin. Un sculpteur, doit d’abord savoir dessiner. Le dessin c’est vraiment la base.
Vous êtes l’auteur de deux monuments baptisés “colonne de L’Etalon de Yennega” érigés en honneur de Ousmane Sembène et de Idrissa OUEDRAOGO . Comment avez-vous été contacté par le FESPACO ?
Ce sont des burkinabé qui sont au FESPACO. Ils savent qui fait quoi dans ce pays. Pour réaliser des portraits d’une telle envergure, le FESPACO ne pouvait que penser à moi. Pour faire des portraits, la technicité et la formation compte beaucoup. C’est pour cette raison que j’ai été consulté. Pour ces portraits par exemple, je les ai fait très rapidement en deux semaines. Ça été une prouesse ! Je promets néanmoins faire mieux dans les prochaines éditions du FESPACO, si les organisateurs me donnaient au moins assez du temps (1 mois) par portrait.
La statue est entièrement faite de Bronze. Rien d’autres. A la limite, un fer IPN pour tenir l’armature. c’est tout.
Si ce n’est pas indiscret, à combien avez-vous facturé le FESPACO pour ce service rendu ?
Vous savez les sculptures coutent chères. Je ne peux pas vous dire le prix. En faite, c’est une contribution des entreprises de la place. La participation, bien entendu, peut varier d’une entreprise à une autre; selon qu’elle soit grande ou moyenne. Eco banque par exemple a financé pour Sembène Ousmane et la SONABEL pour Idrissa OUEDRAOGO. Mais je ne pourrai vous dire les montants. Si c’était des œuvres de commande, j’aurais fait un devis. Mais dans ce cas de figure, ce sont des apports.
Mais si un particulier vous commandait de telles œuvres, à combien allez-vous facturer ?
Pour ça, il faut des particuliers ou des privés fortunés. Une sculpture qui mesure 2,5 m de haut peut valoir 15 à 20 millions minimum. Généralement, les gens fortunés préfèrent s’acheter de grosses voitures et non des
Portraits d’ Ousamne Sembène.
La sculpture n’est pas encore entrée dans leurs habitudes .
Après la sculpture, que faites-vous d’autres dans la vie ?
Moi, je ne fais que la sculpture. Je n’ai pas d’autres débouchés comme certains, pour arrondir les mois . Il y a donc souvent des moments difficiles.
Contrairement aux autres artistes, on est tenté de dire que l’Art nourrit son homme ?
Ça dépend de ce qu’on appelle “nourrir”. En tout cas, j’essai de vivre avec ma famille en leur assurant un minimum de besoin .
Quels sont vos projets ? Construction d’une école de formation ?
Je n’ai pas de projet dans ce sens parce que je sais que je n’aurais jamais les moyens . Au Burkina, nous ne savons pas magnifier les bonnes volontés ou les bonnes initiatives. On ne dit jamais” … ah tiens, ce gars est bon, on va l’aider!…” Les gens (les moins nantis ou les moins qualifiés ) souhaitent même qu’on devienne pareil. Comme disait un chanteur ivoirien, ” les moutons se promènent ensemble, mais ils n’ont pas les mêmes prix” . Au Burkina, on souhaite que tous les moutons qui se promènent ensemble aient le même prix.
Que souhaiteriez- vous du ministère comme appui à vos activités ?
Je suis vraiment fatigué de courir après les gens ! Si les gens reconnaissent ce que je fais et qu’on veut m’aider, mais qu’on le fasse !. Sinon, je suis fatigué ! Néanmoins, je souhaite que le Ministère aide les jeunes plasticiens qui en valent la peine. Nous nous sommes rendu compte que de nombreux plasticiens compétents, se sont longtemps enfermés dans leur modestie et sont de ce faite aujourd’hui lésés. Je souhaite qu’on puisse aider ces jeunes –là !
Enfin, Je souhaite continuer à former les jeunes gens à faire la pierre dure sur granit par exemple. Ce sera une particularité au Burkina Faso, car en Afrique, à part l’Egypte aucun pays ne fait de la pierre dure sur granit.
Février 2013
