Souleymane CISSE, Réalisateur

Souleymane CISSE, Réalisateur

Après ses études de cinéma à l’Institut des Hautes Etudes Supérieures de la Cinématographie de Moscou, Souleymane CISSE regagne en 1970 son pays (le MALI) où il est employé comme cameraman-reporter au Service cinématographique du Ministère de l’Information, ce qui lui offre l’occasion de parcourir le Mali de long en large, caméra à l’épaule pendant trois ans et de réaliser plusieurs documentaires.
Le 4 Mars 2011, le FESPACO lui a fait un grand honneur en érigeant une Colonne de l’Etalon d’Or de Yennega (statue) à son effigie.
Enfin depuis 1997, Souleymane CISSE est président de l’Union des créateurs et entrepreneurs du cinéma et de l’audiovisuel de l’Afrique de l’Ouest (UCECAO)
Source : WIKIPEDIA

Souleymane CISSE que nous avons rencontré à Ouagadougou pendant le FESPACO, a accepté répondre à nos questions.D’abord au titre des films réalisés, il cite :


1 – ” CINQ JOURS D’UNE VIE ” réalisé en 1971et primée au Festival de Carthage

2 –” DEN MUSO” en bambara, (La Jeune fille) réalisé en 1975,

3 – “BAARA” (Le Travail) fut son premier long métrage réalisé en 1978; ce film reçoit reçoit l’Étalon de Yennenga au FESPACO de la même année .
4 – FINYE (Le Vent) réalisé en 1982. Il s’agit d’une chronique sur la révolte des étudiants maliens face au pouvoir militaire. Ce film reçoit également l’Étalon de Yennenga au FESPACO de Ouagadougou en 1983 et le Tanit d’Or au Festival de Carthage
5 – Entre 1984 et 1987, il tourne Yeelen (La Lumière), film initiatique sur le douloureux chemin que prend l’enfant pour devenir adulte.
6 – Waati (Le Temps) tourné 1995
7 – En 2009, Souleymane Cissé sort le film MIN YE qui aborde le thème de la polygamie

Artistebf (Art) : En 1975, vous avez réalisé votre premier film en bambara “DEN MUSO 3 (la jeune fille) dont la projection fut interdite. Pourquoi ? Qu’est-ce qui se cachait derrière cette interdiction ?
Souleymmane CISSE (S.C) : Je crois que c’est de gens mal intentionnées qui voulaient créer des faux problèmes autour de ce film que j’ai produit. Ils ont saisi la justice à travers le gouvernement pour dire que le film était une production du gouvernement malien et qu’un individu ne pouvait pas s’en accaparer. Voilà donc comment ils ont posé le problème puisque les auteurs de la plainte étaient des hauts responsables. Ils ont profiter du pouvoir de l’Etat dont ils étaient investi pour s’accaparer du film. Il a fallu du temps pour que le Chef de l’Etat malien en personne dénoue l’affaire parce qu’il a découvert que c’étaient des mensonges préparés et sans aucun fondement.

Art : Votre film ne portait donc pas d’atteintes graves à la dignité de la femme ?
S.C: Non, absolument pas ! A mon avis, c’était des positions individuelles, des gens qui étaient dans la machine du gouvernement et qui cherchaient à se venger. Ils ont tout fait pour porter l’affaire au niveau du contentieux du gouvernement, puis du tribunal pour me créer des ennuis.

Art : Le film en question parlait de quoi ?
S.C: “DEN MOUSO ” est un film social sur la vie d’une jeune fille muette qui tombe amoureuse d’un garçon qui la viole et qui, solidairement avec ses parents refuse de reconnaître les faits et la grossesse…”

Art : Vous avez été élevé au rang de Commandeur de l’Ordre national du Mali le 1er Janvier 2006. Avec une telle distinction, est-ce que vous sentez encore libre de vos propos ?
S.C: Non, je ne pense pas; je dis toujours ce que je pense. Ça, ce n’est pas un souci même si on me fait déguerpir de ma famille paternelle malgré que je sois Commandeur de l’Ordre National; mais c’est pas un souci. Nous sommes dans une société démocratique.

Art : Qu’avez-vous dans le sac en venant à cette 22ème édition ?
S.C: Cette année, j’ai été invité par le FESPACO pour faire un hommage à … sur la place des cinéastes. Donc, j’ai répondu à cet honneur. Voilà le sens de ma présence à cette 22ème édition du FESPACO.
Art : Depuis 1997, vous êtes le président de l’Union des Créateurs et entrepreneurs du cinéma et de l’audiovisuel de l’Afrique de l’Ouest. En quoi consiste votre tâche ?
S.C: Je dirai tout simplement que ma tache, est d’être un trait d’union entre le pouvoir, les professionnels et entre les entrepreneurs. C’est ça notre objectif parce que nous nous rendons compte que la machine de l’industrie cinématographique et audio-visuelle en Afrique de l’Ouest n’est pas comprise. A ce titre, nous essayons de sensibiliser parce que jusque-là, nous crions victoire alors qu’il n’y a pratiquement pas de victoire encore en Afrique de l’Ouest. En 50 ans d’indépendance, il n’ y a pas d’industrie cinématographique dans aucun des pays de l’Afrique de l’Ouest en dehors du Nigéria, du Ghana et de la Côte d’Ivoire. Malgré les petites séries qui se vendent beaucoup au Burkina, il faut reconnaître de manière générale que la qualité professionnelle manque à tous ces films et c’est dommage !.

Art : Les entrepreneurs africains n’aiment pas investir dans le cinéma
S.C: Parce qu’ils ne sont pas sécurisés et il faut les comprendre. Il leur faut une garantie.

Art : Il faut les sensibiliser aussi; Parce que jusque-là, les cinéastes ont certainement du mal à prouver au milieu d’affaire africain, qu’investir dans le cinéma, peut rapporter. Là, c’est une faute qui vous incombe; n’est –ce pas ?
S.C: Qu’est-ce qui vous dit que c’est notre faute ? Donnez-moi la preuve ! Quel pouvoir avons-nous pour amener le milieu d’affaire à investir dans le cinéma ? Si on avait ce pouvoir on le ferait. Mais quel pouvoir avons –nous ?. Vous ne pouvez pas accuser les cinéastes comme ça !. Vous voulez qu’on fasse des films, on fait des films. Nous représentons l’Afrique sur le plan international dans les plus grands festivals du monde. Nous avons été primés et malgré tout, vous nous accusez ! Je crois que c’est trop !. Comment pensez-vous que les cinéastes peuvent sensibiliser ?. Les cinéastes demandent le minimum pour créer et pour produire; on le leur refuse, on les jette dans les prisons.

Art : Quel avenir pour le cinéma africain quant on connait aujourd’hui la crise financière qui secoue ce cinéma, la vidéo et la télé qui inondent le marché ?
S.C: Non, on n’a pas le choix, le cinéma se fera en Afrique comme dans tous les pays du monde. Il est retardé parce qu’il n’est pas compris par les politiques au pouvoir. Mais avec les générations à venir, nous espérons que tout va changer.

Art : Un autre aspect, c’est le cachet des comédiens. Il semble qu’il est très faible en Afrique; n’est-ce pas une réalité qui va beaucoup peser sur la qualité des films africains ?
S.C: Mais ces problèmes, on les a posés, il y a 20 ans; et je ne vois pas pourquoi les reposer en 2011 dans la mesure où les vraies difficultés ont été déjà dites dans cette affaire-là. Dites-moi ! ” quand les producteurs s’endettent pour faire un film, ce ne sont pas les comédiens qui viendront les retirer de leur merde ?.” Il est toujours demandé aux comédiens de donner leur consentement avec un contrat à l’appui qui est signé entre le producteur et le comédien. Mais s’ils ne sont pas d’accord pour le contrat, pourquoi le faire dans la mesure où ils ne sont pas obligés. Nous sommes dans des pays démocratiques et nous avons cette liberté de refuser. Et pourtant… ils ne refusent pas. Pourquoi ?. Alors, il faut arrêter ça et voir comment on peut mettre l’industrie cinématographique en marche.
Pour une fois encore, il faut arrêter d’accuser les cinéastes parce qu’ils ne disposent d’aucun pouvoir pour amener le milieu d’affaire à investir dans le cinéma. D’ailleurs, je ne vois pas comment cela serait-il possible. Il faut plutôt accuser les gouvernements au lieu de s’en prendre aux cinéastes qui ne sont que des pauvres gens. Vous êtes un responsable médiatique et à ce titre, vous devez protéger la liberté, vous devez protéger la dignité de l’homme. Vous savez bien où se trouve le mal, mais vous n’osez pas le dire; pourquoi ? Il faut arrêter d’accuser les cinéastes parce que vous devez participer à la construction du cinéma. Voilà ce que j’avais à dire.

Artistebf,
Février 2010

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