Fespaco 2013 : Femmes et dévéloppement

Fespaco 2013 : Femmes et dévéloppement

Elles ont relevé le défi … !

La décision des autorités du FESPACO d’impliquer la femme professionnelle du son et de l’image semble bien accueillie par la gent féminine. La nouveauté à cette édition, rappelons-le, c’est la présence de la femme à la présidence de tous (ou presque) des Jurys. Connaissant les femmes pour leur sensibilité et leur émotivité, beaucoup craignaient que l’instinct de mère ne pèse dans leurs prises de décision. Mais, contre toute attente, le travail de ces présidentes de Jurys a été fort remarquable. En effet, elles ont relevé le défi… un signe qui témoigne d’une véritable prise de conscience de leur rôle dans la société et qui confirme également la justesse du choix des autorités du FESPACO de mettre la femme au devant des prises de décisions.
Pour vous en convaincre, voici à ce sujet des témoignages à quelques heures seulement avant et après la proclamation du palmarès officiel du FESPACO 2013.

Artistebf : La nouveauté à cette édition, c’est la présence de la femme à la présidence à tous les Jurys (ou presque) du FESPACO. La femme étant très sensible et émotive, cela ne va -t-il pas jouer ou peser dans leurs prises de décisions?

Alimata SALEMBERE ( A.S.) : Invitée d’honneur du FESPACO :
salambere-2.jpgBon, je ne vais pas vous retourner la question mais c’est à peu près ça ! Depuis des dizaines d’années, les hommes ont présidé; ils ont aussi une certaine sensibilité. C’est vrai qu’elle n’est pas la même que pour les femmes, mais vous n’avez jamais craint que leur sensibilité soit un problème pour les résultats. Aujourd’hui, comme il s’agit de femmes, vous vous posez maintenant la question sur leur sensibilité particulière. Mais moi je dis, sensibilité particulière pour sensibilité particulière !

Artistebf : Madame vous êtes l’invitée d’honneur de cette 23ème édition du FESPACO, pouvez dire pour la jeunesse le rôle d’un invité d’honneur ?

A.S. : J’aurais souhaité que ce soit en ” OFF” parce que la question devrait être posée à ceux qui m’ont proposée comme invitée d’honneur. Ce sont eux qui peuvent expliquer pourquoi, ils ont institué ce rôle d’invité d’honneur. De ce qu’on m’a dit, c’est pour me rendre hommage pour ce que j’ai pu faire pour le cinéma, pour le FESPACO et en tant que pionnière de ce festival. Comme vous le savez, il y a eu d’autres invités d’honneur avant moi tels que Manu DIBANGO, l’acteur français Richard Bohringer
, Modibo DIARRA, l’ex premier ministre du Mali et le tout dernier, c’était Elikia N’BOKOLO. Alors quand vous observez toutes ces personnalités, vous constaterez que nous n’avons pas les mêmes activités. C’est pourquoi, je vous disais que je n’étais pas bien placée pour répondre à cette question. Je profite de votre micro pour dire un grand merci aux organisateurs du FESPACO qui m’ont fait cet hommage. Mes remerciements vont aussi à tous ceux qui, pendant 4 jours m’ont beaucoup touchée par leur expression. Débout dans la salle du Ciné Burkina, j’ai été ovationnée et tellement touchée que je ne sais plus comment j’ai lu mon papier. Sincèrement, je n’ai pas pu leur dire merci comme je le voulais. J’étais tellement touchée, émotionnée au point que je ne savais quoi dire; cette situation, je sais que vous l’avez certainement déjà vécue. Je disais dans mon fort intérieur ” Dieu, remerciez-les à ma place… ! ”

Artistebf : Le fait d’impliquer la femme professionnelle du cinéma dans les instances de décision du FESPACO, traduit–il un manque à gagner ?
A.S. : Ce n’est peut –être pas un manque à gagner mais il y avait un vide, une absence de la femme. C’est un cas parmi tant d’autres parce que ce vide n’est pas propre seulement qu’au cinéma. Dans la plupart des métiers, la femme a toujours été léguée au second plan malgré souvent sa compétence. Moi je crois que c’est par habitude que cette situation est demeurée parce depuis toujours, l’action de la femme n’a jamais été comptabilisée dans le développement d’une société. Il pourrait s’agir d’un oubli ou cela est peut être lié à note culture qui veut que la femme soit moins vue dans les lieux publics. Mais aujourd’hui, je me réjouis que les organisateurs du FESPACO aient pensé à mettre la femme cette fois au premier plan. Dans tous les corps des métiers, on trouve toujours les femmes. Je suis heureuse de constater des femmes présentes au colloque de cette 23ème édition; avant ce n”était pas évident.

Artistebf : Quel message laissez-vous à la jeunesse ?
A.S. : Ce serait un message d’encouragement parce qu’il y a déjà des femmes qui font beaucoup et mieux que moi. Je souhaite qu’il y ait encore mieux. Je constate dans cette jeunesse qu’il y a des réalisatrices que je peux considérer comme des petites sœurs, mes enfants et même mes petites filles ( car parmi elles, il y en a qui ont l’âge de mes petites filles ) qui font un travail formidable. J’en suis déjà comblée ! Mais un adage moréphone dit ” de ne pas trop féliciter l’enfant qui cultive bien, parce qu’il risque de vous casser la Daba”. Donc, je ne voudrai pas leur jeter des fleurs mais je veux qu’elles fassent plus et toujours exceller. Je reste confiante, je sais que mon appel va être entendu et qu’elles vont redoubler d’efforts pour dépasser ” Tantie”.

Artistebf : Pour toutes ces expériences capitalisées, il serait bien que “Tanti” écrive un livre. Quel est votre avis ?
A.S. :(rires) . Plusieurs personnes m’ont déjà posé cette question. “Tantie” va essayer d’écrire pour permettre une petite référence.

SANDRA COULIBALY , Sous Directrice Générale de la diversité et du Développement culturel
sandra-2.jpgPour ce qui est de la mise à l’honneur de la femme, je crois qu’elle illustre la capacité du FESPACO d’être à l’écoute du monde. Partout dans le monde, il y a un mouvement de prise de conscience que les femmes sont des acteurs de changement, des acteurs de développement, des créatrices, des réalisatrices et qu’elles ont aussi la capacité finalement d’être mises à l’honneur, pas comme un alibi, mais vraiment, comme des personnes professionnelles et qui peuvent être devant un moteur de festival comme le FESPACO. Pour moi en tant que femme, je suis ravie et je pense que c’est vraiment, au delà du symbole, une reconnaissance du talent, du professionnalisme des femmes qui, trop souvent ont été devant la caméra et pas derrière.
Je crois que nous avons beaucoup de qualités que les hommes n’ont pas (rires). Bien sûr qu’il y a une sensibilité féminine, une spécificité féminine dont la maternité et bien d’autres choses. Les études scientifiques l’ont prouvée …

Artistebf : Si donc la sensibilité doit prévaloir dans leur décision, peut-on encore parler d’objectivité ?
S.C. : Est-ce que l’art est objectif ? Est-ce que nous ne parlons pas de coup de cœur ? Est-ce que nous ne parlons pas finalement sur des critères techniques, professionnels ? Encore une fois, le geste du FESPACO montre qu’il y a des professionnelles femmes qui fonctionnent et qui prennent des décisions sur des critères et des standards professionnels et qui apportent en plus, leur touche féminine. Que demander de plus ?

Béatrice DAMIBA (B.D. ), Présidente du Conseil Supérieur de la Communication

csc-2.jpgJe ne peux qu’applaudir. On a déjà les journées cinématographiques des femmes africaines qui ont lieu entre deux FESPACO où on a pu découvrir les talents des femmes et maintenant que les organisateurs ont décidé de responsabiliser les femmes à ce FESPACO, je ne peux qu’applaudir. En matière de cinéma, quand les femmes s’y mettent en général elles font mieux que les hommes.

Artistebf : Connaissant bien la sensibilité de la femme, cela ne jouera pas sur les résultats?
B.D. : C’est au contraire un atout qu’il faut exploiter pour le bien être de l’ensemble de la population.

Koumba BOLY, Ministre de l’Education Nationale et de l’Alphabétisation

koumba-2.jpgC’est une excellente chose parce que les femmes ont toujours été au second plan dans ce domaine et particulièrement dans cette problématique du cinéma. Je pense que c’est une belle opportunité. Ce sont des femmes leaders qui ont été mises en avant aujourd’hui, les femmes cinéastes ont vraiment postulé et l’idéal pour nous, serait qu’une femme gagne un “étalon d’or”.
Oui c’est ce qui a manqué et d’autres choses qu’il va falloir vraiment construire en termes de capacité au niveau panafricain, au niveau burkinabè en particulier, en valorisant davantage nos langues, notre culture et en essayant de généraliser pour que le petit burkinabè lambda puisse avoir accès à ce cinéma.
Les femmes sont aussi compétentes que les hommes et dans différents domaines. Je pense que c’est le lieu pour exprimer leur capacité et leur valeur, l’essentiel est qu’on leur laisse des espaces pour s’exprimer.

Georgette PARE , comédienne
georgett.jpgPour me répéter, je crois que c’est une bonne décision. Il semble que c’est une première dans l’histoire du festival. Pour cette décision, le FESPACO a été bien inspiré et nous sommes bien flattées de savoir que nous sommes à l’honneur, que nous sommes présidentes de tous les Jurys, c’est nous qui dirigeons le FESPACO, enfin, c’est nous qui décidons de ce qui est à faire.
Vous ne le savez peut-être pas; les femmes sont plus rigoureuses dans les décisions; Ah oui ! il faut le savoir et peut-être que ça va être plus compliqué que les éditions précédentes parce qu’elles sont très pointues dans le choix.

Sally NANA, Journaliste à la RTB
saly-2.jpgJe loue l’initiative des responsables du FESPACO de mettre la femme au devant de la scène à cette 23ème édition; je l’apprécie positivement. C’est une première au Burkina qui est à saluer et cela montre tout l’intérêt que les autorités du pays accordent à la femme. Aussi, l’honneur fait à Alimata SALAMBERE est juste; c’est tout naturellement un hommage bien mérité pour cette pionnière du cinéma africain qui ne cesse de se battre pour la promotion du 7ème art. Et vous verrez que ça va très bien se passer; en tout cas, mieux que les éditions précédentes. (Rires)
Ce n’est pas parce qu’on est une mère ou parce qu’on est sensible, qu’on ne sait pas prendre de bonnes décisions. Je ne suis pas à la place des présidentes des jurys; mais en tant que femme, je dirai tout simplement qu’en aucun cas, notre sensibilité ne peut influencer nos prises de décisions. Bien au contraire, l’homme a aussi une sensibilité; peut être pas comme la femme mais je ne pense pas que cette sensibilité de la femme peut contribuer à faire un mauvais choix. Ces femmes présidentes de jury sont des mères, mais ce n’est pas pour autant qu’elles perdent du coup leur professionnalisme. Elles sont des professionnelles au même titre que les hommes et à ce titre, elles n’ont eu qu’un regard professionnel dans leur travail. Je pense qu’elles ont attribué l’étalon d’or de Yennega au film qui le mérite.

Akissi DELTA, réalisatrice-comédienne
delta-2.jpgMais ça me fait énormément plaisir que les autorités du FEPACO aient pensé aux femmes. Quand il y a la femme au FESPACO, il y a la lumière. Avant, quand nous venions au FESPACO, Ce n’étaient que des hommes; les femmes n’étaient seulement que des actrices. Dieu merci, il y a aujourd’hui des femmes réalisatrices qui donnent de la lumière et des couleurs au FESPACO. Notre souhait est qu’une femme puisse un jour soulever l’Etalon de YENNENGA. Depuis belles lurettes, ce ne sont que des hommes qui gagnent. Pour une fois, il faut que la femme gagne. Nous allons nous battre afin qu’un jour une femme puisse soulever l’Etalon.

Aï KEITA, comédienne
keita-2.jpgComme vous savez, la comédienne burkinabé est soit fonctionnaire, soit qu’elle a d’autres activités à faire. Pour ce qui me concerne, j’étais fonctionnaire de l’Etat, mais depuis le 31 décembre 2012, je suis allée à la retraite. Pour l’instant, je suis à la maison.
Par rapport à la décision des organisateurs du FESPACO d’impliquer la femme dans le festival est une très bonne imitative. J’ai été très touchée parce qu’il était temps qu’on songe aux femmes. Nous avons toujours lutté au côté des hommes. La preuve, on a reconnu la lutte que Madame Alimata SALAMBERE a menée dans ce festival. Depuis 1969, elle est l’un des piliers du FESPACO. Le fait de l’honorer aujourd’hui, est un honneur pour toutes les femmes. En tout cas, je suis très contente cette année du FESPACO parce que ce sont les femmes qui sont à la tête de tous les Jurys du FESPACO. Ce qui reste maintenant à faire, c’est d’aider les femmes à réaliser leurs projets de scénarios qui dorment dans les tiroirs; il leur manque les financements. C’est peut-être l’occasion pour moi de lancer un cri de cœur afin que l’Etat priorise les femmes, c’est-à-dire que sur 5 financements accordés au cinéma, je souhaite que 3 soient octroyés aux femmes.

Hortense ASSAGA, journaliste à Africa 24
africa-2.jpgLes femmes président la destinée de cette 23ème édition du FESPACO. Je trouve que c’est une bonne chose, ce n’est pas du tout du féminisme. Quand les femmes prennent les choses en main, elles ont tendance à être plus carrées, plus concentrées sur leurs objectifs. Comme l’a rappelé le Ministre Baba HAMA, c’est de faire en sorte que le cinéma soit un facteur de développement en Afrique; je crois qu’en Afrique, les femmes seront celles qui vont œuvrer pour que demain, l’Afrique soit un continent développé. Pour moi, c’est une bonne initiative.
Les femmes sont des professionnelles comme les autres. Il s’agit simplement de donner la voix à la moitié de l’humanité comme on le dit. Je ne pense pas que le fait d’être femme fera intervenir une sensibilité particulière, ce sont des professionnelles qui vont avoir un regard de professionnelles.

Hortense ZIDA , Journaliste
hortense-2.jpgJ’apprécie le plus positivement possible la décision que les autorités ont prise de mettre les femmes au devant de cette édition du FESPACO pour plusieurs raisons :

Les femmes étaient là aux premières heures de la naissance du FESPACO lorsqu’on portait le FESPACO sur les fonds baptismaux. Cela est hautement illustré par Madame Alimata SALEMBERE qui est toujours parmi nous; Dieu merci. Les femmes jouent des rôles immenses dans la promotion du cinéma africain. Elles sont productrices, elles sont réalisatrices, elles sont comédiennes, elles sont aux différents postes de production et de post-production.

Pour toutes ces raisons, les femmes méritent à tout moment d’ailleurs d’être mises en avant dans les éditions du FESPACO. Même quand on considère les activités connexes qui se créent de manière occasionnelle du fait du FESPACO, on constate que ce sont les femmes qui sont devant. La restauration, l’hôtellerie, l’hébergement sont des activités tenues et gérées pour la plupart par des femmes. Il faut qu’elles tirent leur épingle du jeu. Et je crois que la meilleure manière de les honorer, c’est de les mettre à l’affiche.
Ce n’est pas parce que les femmes sont responsabilisées à un haut niveau du FESPACO que cela va créer un déséquilibre dans la décision du Jury. En tous les cas, elles ont toujours fait partie des Jury du FESPACO. La femme, on la connaît pour ses choix éclairés, pour sa droiture en toute chose et c’est elle qui imprime la bonne éducation dans la société.
24 février 2013

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