12 ans de Récréatrales, quel bilan ?

12 ans de Récréatrales, quel bilan ?

Les récréâtresles, c’est un espace qui a grandi, un évènement également gourmand en termes de mobilisation de ressources financières..
S’il y a un festival qui draine du monde et d’importantes devises au Burkina à l’instar du FESPACO et du SIAO, c’est aussi les récréatrales. En effet, c’est véritablement en 2002 que cette dénomination “récréatrales” a commencé à se prononcer de plus en plus dans le milieu des acteurs culturels au Burkina FASO. Son fondateur, Etienne MINOUNGOU est un produit fini du célèbre Professeur Jean Pierre GUINGANE. Ce dernier, à la tête d’une petite équipe composée de 4 compagnies théâtrales créée la Fédération du Cartel. Etienne MINOUNGOU est à la fois comédien, metteur en scène, Dramaturge et Directeur bien sûr des Récréatrales. De 2002 à 2014, c’est 12 ans d’Ateliers d’écriture, de mise en scène et de jeux d’acteurs dirigés par ce jeune homme burkinabé, en forme comme un turque et à la silhouette d’un Mohamed Ali. En 12 ans de vie, quel bilan peut-on tirer de ce festival qui s’enracine dans l’histoire du théâtre burkinabé ? Pour en parler, nous avons rencontré le Directeur de ce festival Etienne Minoungou :

Etienne MINOUNGOU (E.M).: Les récréâtrales, c’est un festival qui a grandi, un espace qui est devenu extrêmement important pour l’ensemble des artistes, auteurs et metteurs en scène, comédiens, scénographes. Les récréatrales en 12 ans, c’est, comme le disent certains, le “FESPACO DU THEATRE”. C’est un évènement aussi qui a changé par le fait qu’il a réussi à s’inscrire dans un territoire communautaire. Il s’agit du quartier Gounghin où est célébré l’évènement avec une population riveraine qui a accepté le projet et des familles qui ont ouvert leurs portes à l’activité théâtrale.
Les recréatrales, c’est aussi l’émergence de professionnels techniques du métier. Vous savez que nous disposons aujourd’hui d’un des parcs les plus importants en matière de théâtre mobile en Afrique de l’Ouest. Nous pouvons déployer 7 théâtres professionnels avec chacun une capacité globale de 200 places. Enfin, Ouagadougou est devenu la destination privilégiée du théâtre africain à travers la régularité des récréatrales qui vient en complément du dispositif existant (le CITO et les différents centres culturels). Il y a deux saisons théâtrales au Burkina. La saison du CITO et celle de la fédération du CARTEL. Cette dernière est l’un des apports des plus importants que les récréatrales aient apporté au paysage artistique de notre pays.

Artistebf (ART.) : Quelle expérience tirez-vous de votre rôle de rassembleur d’artistes comédiens ?
E.M.: C’est une capacité d’organisation parce qu’accueillir du monde sous-entend pouvoir compter sur des compétences pour pouvoir loger les gens, les transporter et leur permettre également de travailler aisément .Il y a une expérience en matière d’organisation et en matière de gestion de l’ensemble des professionnels qui arrivent et qui s’est accru de plus en plus .
La deuxième expérience est que le théâtre nous a fait grandir. Il nous a permis d’expérimenter l’inscription de l’art théâtral sur le territoire et sur le tissus social au Burkina . La troisième chose, c’est la mobilisation des ressources. On a noué des alliances et des partenariats à la fois avec les institutions mais aussi avec des artistes et qui nous ont ouvert des réseaux au Burkina comme à l’étranger.

Art. : Le succès rend souvent fou dit-on; est-ce que Minoungou est un garçon qui se prend la tête?
E.M.: Cette réaction est propre à ceux qui ne sont pas dans le milieu. Ceux qui travaillent avec nous savent que nous sommes tous accessibles.On n’a pas de bureau encore moins une salle d’attente. Nous sommes au maquis autour d’une bière et c’est là que nous discutons et parlons de nos projets. Vous savez également que c’est multi-générationnel; il y a les anciens, les nouveaux, et ceux qui sont en train de s’affirmer. Ma responsabilité en tant que Directeur des récréatrales ne m’a nullement éloigné de personne; bien au contraire, je me sens plus proche de tous !

Art. : Aujourd’hui, on a comme l’impression que les artistes burkinabé travaillent en cloisonnement, chacun dans son écurie; Quel est votre avis ?
EM. : C’est peut-être une mauvaise perception des choses. De mon humble avis, je constate tout simplement, que les trois générations d’hommes de théâtre sont ensemble. Je vous donne des exemples : Odile SANKARA est en train de travailler avec Seydou BORRO et Alain HEMA à la création de ” SARSAN”, une reprise d’Amadou BOURROU dans le cadre des récréatrales; Paul ZOUNGRANA travaille avec Abidine DIOUARI et Mamadou TINDANO sur le texte de Jean Pierre GUINGANE, ” la malice des hommes”. Aristide TARNAGDA travaille avec Sidiki YOUGBARE sur un texte de Gustave AGKAPKO du Togo. Dans sa distribution, il fait recours à des artistes musiciens WENDY, BONSA, Augusta PALINFO (humouriste).Serge Aimé COULIBALY (du Faso Danse Théâtre) qui montre “Nuit Blanche à Ouagadougou ” avec des danseurs chorégraphes qui viennent de Belgique, d’Allemagne et du Burkina et Smockey comédien rappeur. Où se trouvent donc les cloisonnements dont vous parlez ?

Art. : Mais c’est tant mieux si la communication est fluide entre vous. Mais l’histoire retiendra que la pièce “Les Bacchantes” a divisé un moment donné les comédiens et des promoteurs et pas des moindres; C’était en 2013 précisément. Tirant leçon de cette incompréhension, que comptez –vous faire pour éviter que l’histoire ne se répète ?
EM. : C’est vous qui en avez fait un problème; vous artistes.bf ; je le dis et je le redis parce que ce qui vous intéresse dans l’information, c’est ce qui peut diviser; c’est ce qui peut faire les choux gras de la presse parce que vous vivez là-dessus. Mais pour les artistes créateurs, tout ce qu’ils font est de tenter à chaque fois de trouver des solutions à leurs différends. C’est l’intermédiation d’une certaine presse dont vous vous êtes livrés dans ce contentieux, une intermédiation qui tente à faire croire qu’il y a des problèmes partout. Dans le milieu de la création, les contraintes de création amènent toujours les créateurs a renoncer à tel ou tel projet. C’est logique et c’est le sort même de notre métier. Il peut certes avoir quelques difficultés dans notre métier, mais encore une fois, c’est la presse qui tire la corde. Aujourd’hui, le problème que vous évoquez est dépassé.
Art. : Vous voulez dire réglé ?
EM. : Bien sûr !

Art. : De plus en plus, Etienne est rare sur scène; certainement trop pris par la Direction des récréatrales.
EM. : Non? vous ne faites pas correctement votre travail. Si c’était le cas, vous allez vous rendre compte qu’en 2004, j’interprétais Richard-II (Shakespeare) précisément à la 3e édition des récréatrales.

En 2004, nous n’étions pas encore né !
EM. : Vous étiez toute de même un observateur (rires). De 2008 à 2011, j’ai joué avec Bienvenue BONKIAN, (paix à son âme.) une pièce intitulée ” A la vie à la mort” qui est à l’origine de la démarche des récréatrales. J’ai joué également dans une adaptation de Molière, George DANDIN, une co-production entre le théâtre Belge et nous; la pièce a été jouée aux Récréatrales. Depuis 2013, je joue un monologue “M’appelle Mohamed ALI” qui a été présentée au Luxembourg et en Allemagne. C’est une pièce qui a connu un succès éclatant au Festival d’AVIGNON et que vous aurez l’occasion de voir bientôt. Je vais rejouer la pièce ” M’appelle Mohamed ALI” dans quelques jours au Festival de LIMOGES dans une mise en scène d’Hamado KIEMTORE.

Art. : Parlez-nous des prochaines récréatrâles; à quel niveau des préparatifs êtes-vous ?
EM. :Nous sommes à la phase des résidences de création où tout le monde est en train de travailler aux répétitions, à la préparation pour la plate forme festival qui va intervenir du 24 octobre au 02 novembre 2014. Donc dans le quartier Gounghin, il y a une centaine d’artistes qui sont occupés à poursuivre leur création en attendant le 24 octobre 2014.

Art. : Le budget prévisionnel est-il déjà bouclé ?
EM. :Nous n’avons jamais pu boucler un budget de Récréatrales; on fait toujours avec ce qu’on a pu trouver. Chaque édition a ses contraintes et cette édition n’échappe pas à la règle. Cette année par exemple, le Ministère de la Culture n’a pas fait ce qu’il a toujours fait depuis l’existence des récréatrales. En effet, depuis 10 ans, le Ministère nous a toujours apporté un soutien assez important. Mais, cette année cet appui s’est considérablement affaibli. C’est vrai que nous avons toujours réussi à lever des fonds au niveau de certaines sociétés pour accompagner le projet, mais cette fois, c’est timide. Donc nous engageons cette nouvelle édition avec un déficit important mais nous espérons un sursaut d’ici la reprise en octobre.

Art. : Quels seront les pays invités ?
EM. :Nous espérons que la maladie à Virus EBOLA ne découragera pas les professionnels d’Europe, d’Amérique et des autres pays africains.

ART.: Cette année, un nouvel élément s’invite à la fête. Nous faisons allusion à la maladie à virus EBOLA. Quelles vont être les dispositions pratiques ?
EM. :C’est une question très importante parce qu’elle touche à la santé et qu’elle nécessite des actions rigoureuses. Plusieurs évènements de grandes envergures tels le Salon International de l’Artisanat d’ Art de Ouagadougou (SIAO), le Salon International du Tourisme et de l’Hôtellerie de Ouagadougou (SITHO) ont été annulés à cause de la maladie à virus EBOLA. Mais, nous continuons de travailler parce que les artistes sont déjà là. Heureusement que la plupart des festivaliers qui viennent au Burkina ne sont pas originaires des régions touchées par la maladie. Nous gardons bon espoir que tout ira bien; ce qui ne nous interdit pas d’être vigilant et de continuer d’informer et de sensibiliser notre entourage sur les questions d’hygiène. Nous restons attentifs aux consignes données par les autorités sanitaires de notre pays en respectant les mesures qui s’imposent de sorte à ne pas être une porte d’entrée à cette maladie.
Mais tout de même, on ne peut pas fermer nos pays, nos frontières et se replier sur nous sous prétexte de la menace. Ostraciser systématiquement des gens ou des pays, les laisser à leur sort, c’est manquer de solidarité et d’ouverture. Or les récréatrales, c’est un espace de solidarité et nous tenons à maquer notre solidarité tout en restant extrêmement vigilants.
Patrick COULIDIATY

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