Fanta Régina NACRO / Réalisatrice

Fanta Régina NACRO / Réalisatrice

Artistebf (Art.) : Vous avez été aussi présentatrice à la télévision nationale, est-ce exact ?
Fanta Régina NACRO (FRN : Oui c’est juste ! Comme j’avais soif d’apprendre, la télévision était pour moi un tremplin, un canal par lequel je pourrai être en contact avec les réalisateurs et les techniciens. Mais le métier de téle-speakerine n’était pas du tout mon dada.

Art.: Vous êtes repérée par le milieu comédien ou par certains milieux masculins comme une femme battante au point que nous nous demandons si (excusez-nous du terme) vous n’étiez pas très turbulente à votre enfance. N’étiez-vous pas une enfant qui donnait du fil à retordre aux professeurs au Lycée. ?
FRN : (Rires) Enormément ! Énormément ! ; Madame Ouédraogo qui était la directrice du Cours Normal de Jeunes Filles me demande jusqu’à présent et à chaque fois qu’elle me rencontre si j’étais maintenant rangée. Au cours Normal où nous étions internées, j’avoue que j’étais punie tout les week-end. Mes copines sortaient à 14h et moi j’attendais toujours 18 heures pour sortir. En fait, je déteste l’enfermement. C’est vrai que j’étais turbulente mais je ne commettais pas pour autant de grosses bêtises !

Art. : Madame, combien de films avez-vous produits à ce jour ?
FRN : Ouh là ! J’ai produit au moins une vingtaine de courts métrages et un long métrage. ( voir filmographie )

Art. : Parlez nous de votre documentaire pour lequel vous avez été primée
FRN : J’avais fait un documentaire sur les traitements ARV. Le film n’a pas été retenu pour la compétition mais il a été sélectionné pour le panorama. J’ai été surprise par le prix SP/CNLSS qu’on m’a attribué parce que je n’espérais pas du tout.

La combativité dans les veines !

Art : Vous êtes comme effacée ces dernières années des productions cinématographiques. Etes-vous à court d’inspiration ou ce sont les moyens qui vous manquent ?

FRN : Effectivement c’est l’impression qu’on a surtout quand on ne fait pas de film et qu’on se promène de festival en festival. Je ne suis pas du tout effacée ! Depuis << la nuit de la vérité >>qui a été très médiatisée, j’ai fait une dizaine de films qui vont de la fiction aux documentaires pour Handicap International, pour l’UNICEF et bien d’autres institutions. En fait, Je n’ai pas eu le temps de me concentrer sur ma propre production. Maintenant que je me suis libérée de cet engagement, je suis en train de finaliser la rédaction du scénario de mon deuxième long métrage. J’espère que nous aurons encore l’occasion d’échanger.

Art. : Quelles appréciations faites – vous du cinéma d’aujourd’hui ; le cinéma burkinabé en particulier. Certaines langues confessent que la plupart des films burkinabé sont des films tournés au rabais. Qu’en pensez-vous ?
FRN : ça dépend de ce qu’on met sur le rabais. Il y a un vrai problème au niveau du cinéma burkinabé et de façon générale, au niveau du cinéma africain qui est totalement subventionné. Tout le monde sait aujourd’hui que nos pays traversent des difficultés économiques énormes, que la crise économique mondiale ne joue pas à notre faveur si bien que tous les guichets qui mettaient énormément d’argent dans nos productions ne financent plus beaucoup ou peut-être, qu’ils ont recyclé leurs activités au point qu’il est difficile d’avoir de l’argent. De plus en plus, le cinéma coûte extrêmement cher. Aujourd’hui, il y a des réalisateurs (moi je suis d’accord avec eux et peut-être que je fais partie de ceux-là ) qui se disent que vaille que vaille, il nous faut faire des films avec nos moyens, si dérisoires soit-il. Dans un tel contexte, il est tout à fait normal qu’un film qui aurait coûté 2000 millions d’euro connaisse plus de succès que celui réalisé avec 1 million. Ce n’est pas qu’on est au rabais mais c’est la réalité qui est là. Nous avons besoin de vivre. En ce qui me concerne particulièrement, le cinéma, c’est ma vie ! et si je ne produis pas, je meure !. Si nos moyens ne permettent pas de nous acheter de grosses caméras, je crois qu’on peut se contenter des cartes vidéo ou des appareils portables qui font aussi de belles images. Nous avons besoin de film et quel que soit alpha, nous sommes condamnés à réussir.

Art. : Face donc à cette absence cruciale de moyens, les opérateurs économiques auraient pu relever le défi en mettant la main dans les poches. Qu’en pensez-vous ?
FRN : Oui ! Mais qu’on ne se voile pas la face ! Les opérateurs économiques ne vont pas accepter investir dans une production qui ne leur rapportera pas. Si je mets de l’argent dans une production, il faut bien que ça me rapporte quelque chose. Au pire des cas, que je puisse au moins récupérer ma mise.

Art : Mais il vous appartient de les convaincre en les expliquant concrètement ce qu’ils peuvent gagner dans la publicité. N’est-ce pas ?
FRN : Que voulez-vous que je dise à Kanazoé de ce qu’il pourrait avoir s’il met de l’argent dans mon film ? C’est comme si vous demandez à Kanazoé, à l’instar des nécessiteux d’utiliser aussi sa marge bénéficiaire au profit de mon œuvre. Là, c’est une autre forme de mendicité ! Je ne peux pas non plus lui dire de miser 2 000 000 contre 2 500 000 après l’exploitation de mon film. Je ne peux pas lui garantir qu’après l’exploitation de mon film, que je pourrais lui retourner 2 500 000 frs.

Art. : Madame, nous sommes à la fin de notre entretien, votre message à l’endroit de tous ceux qui vous apprécient ?
FRN : Je les remercie beaucoup pour leur admiration. Je les porte aussi au fond du cœur. Leur soutien me réconforte et me donne plus d’énergie et de courage pour continuer de faire ce métier si difficile mais si beau !

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