L'accueil des étudiants étrangers en France perturbé par le coronavirus

L'accueil des étudiants étrangers en France perturbé par le coronavirus

Combien seront-ils à la rentrée? La France accueillait jusqu’ici près de 358.000 étudiants étrangers (notamment du Maroc, d’Algérie, de Chine, d’Italie ou de Tunisie). Et se classait dans le top 5 des pays les plus demandés. Une bonne nouvelle : selon Campus France, l’agence nationale chargée de promouvoir l’enseignement supérieur hors de nos frontières, chacun de ces jeunes dépense en moyenne 11.000 euros par an (hors frais d’inscription). Leur accueil coûterait près de 3 milliards par an au budget de l’Etat… mais rapporterait 4,65 milliards. Las, la crise sanitaire ne risque-t-elle pas de plomber l’attractivité française?

L’année 2020 avait pourtant bien démarré. Avant l’épidémie de Covid-19, les candidats étrangers affluaient (+20% sur la plateforme d’inscription). Mais le coronavirus est venu bousculer ces projets (et l’objectif : atteindre 500.000 étudiants internationaux d’ici 2027!). Certes, depuis le déconfinement, il y a eu quelques bonnes nouvelles. Les frontières au sein de l’espace Schengen ont rouvert le 15 juin. Celles avec le reste du monde le 1er juillet. Les étudiants devraient a priori faire partie des voyageurs autorisés à entrer en France même s’ils viennent de pays classés rouge (après avoir éventuellement réalisés les tests demandés). Et leur demande de visas, promis, seront traités de façon prioritaire.

Malgré tout, reconnait-on à Campus France, « les perspectives sont plus floues ». Certains estimaient fin juillet qu’il pourrait y avoir 20% d’étudiants étrangers en moins en septembre… mais semblent un peu plus pessimistes aujourd’hui.

Une baisse de 25 à 30% du nombre d’étudiants?

A la fac, choisie par deux-tiers des arrivants, on tente de s’adapter. Beaucoup d’établissements proposeront des rentrées « hybrides » : des cours à distance avant une mobilité physique. « La crise sanitaire aura forcément un impact, estime Michaël Hauchecorne, du réseau des vice-présidents Relations internationales des universités. Mais nous espérons que la baisse du nombre d’étudiants étrangers ne dépassera pas 25% à 30%. Tout dépendra de l’évolution de la situation sanitaire dans de nombreux pays, notamment en Afrique ».

La crise sanitaire aura forcément un impact

L’impact financier, dans tous les cas, devrait être limité. D’une part car les frais d’inscription différenciés pour les étrangers (2.770 euros la licence, 3.770 euros le master) sont très peu appliqués. D’autre part, comme le rappelle Mohamed Amara, à la tête de la commission relations internationales de la Conférence des présidents d’université, car « les droits d’inscription des étudiants ne représentent en règle générale que 2 à 3% des budgets des universités ».

Certaines formations seront malgré tout plus touchées. Le nombre d’étudiants internationaux atteint des proportions très élevées dans certaines filières viticoles, voire 80% dans certaines filières d’ingénierie, de physique ou de maths. Mais les universités peuvent proposer de reporter les séjours au semestre suivant. Et ne s’inquiètent pas trop du manque à gagner : « Sur un budget de 600.000euros, les droits d’inscription, tous étudiants confondus, représentent 1 à 2% », relativise José Manuel Tunon de Lara, le président de l’université de Bordeaux, dont dépend l’institut des Sciences de la vigne et du Vin (30% d’étudiants étrangers).

Les grandes écoles perdantes

Les grandes écoles, qui accueillent entre 10% et 50% d’élèves étrangers, pourraient y perdre davantage. « Dans de nombreuses écoles de gestion ou de commerce, le ticket d’entrée avoisine les 10.000 euros pour les bachelors (l’équivalent de la licence), 12.000 à 18.000 euros pour les masters, explique M’Amhed Drissi, président de la commission relations internationales à la Conférences des grandes écoles (CGE). Si elles n’ont pas un nombre suffisant d’étudiants étrangers, elles vont être déficitaires ». Dans ces établissements, les droits d’inscription représentent en effet souvent une bonne partie du budget.

A la mi-août, la situation est préoccupante dans certains pays, la délivrance des visas également. Chacun suit donc l’évolution des inscriptions avec attention. A Sciences-Po, par exemple, où l’on compte 50% d’étudiants provenant de 130 pays, le nombre de candidatures a augmenté de 16% en dépit de la crise sanitaire. La direction propose cette année une rentrée « inédite », avec un double campus : numérique (tout étudiant peut suivre à distance l’intégralité de la formation) mais aussi physique (avec des activités en petits groupe). Et selon un sondage réalisé début juillet, 78% des étudiants internationaux en licence sont prêts à venir.

« Les signaux sont au vert », se félicite Vanessa Scherrer, la vice-présidente chargée des affaires internationales, qui reste malgré tout prudente : « Il risque d’y avoir une chute cet été. Peut-être de 10%, deux fois plus que les autres années ». Mais difficile de savoir quelles seront les conséquences financières : l’établissement ne communique pas la part des inscriptions dans son budget total.

Le manque n’est pas seulement budgétaire

A la Skema Business School, la proportion d’étudiants étrangers avoisine 45% des effectifs, mais varie selon les campus : 80% à Paris, 70% à Sophia Antipolis ou 20% à Lille. « Nous pourrions en avoir 20% de moins que les autres années », estime Alice Guilhon, la directrice générale. Difficile d’être précis tant il reste d’incertitudes : le campus aux Etats-Unis accueillera-t-il bien des jeunes non américains à la rentrée? Le campus en Afrique du Sud ouvrira-t-il vraiment en janvier? Des inscriptions seront reportées au semestre suivant.

Ces étudiants deviennent des ambassadeurs de la France

En attendant, on a sorti la calculette : la perte devrait s’élever à 5 ou 6 millions d’euros (sur un budget de 110 millions). « Nous allons rogner 10 à 15% des frais de fonctionnement (déplacements, conférences des collaborateurs, grandes réunions…), analyse la dirigeante, sans toucher aux dépenses pédagogiques ».

Ecoles et universités devraient donc s’en sortir… Mais les coûts qu’entraînerait une baisse de la mobilité ne sont pas seulement budgétaires. L’internationalisation, c’est aussi un enrichissement en termes de recherches (près de la moitié des doctorants français viennent de l’étranger), l’appropriation de codes très utiles pour diriger des équipes, négocier un marché ou exporter des produits. « Ces étudiants, résume un interlocuteur, deviennent des ambassadeurs de la France ».

En ces temps incertains, chacun cherche donc des solutions. La conférence des grandes écoles appelle par exemple à ouvrir, à l’étranger, des « tiers lieux » connectés, pour rassembler les jeunes d’une même zone géographique afin d’y suivre les cursus en ligne. Bienvenue en France, même à distance.

Source : lejdd.fr

Leave a comment

Send a Comment

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *