Marguerite ABOUET: Auteure de Aya de Yopougon

Marguerite ABOUET: Auteure de Aya de Yopougon

“Aya de Youpougon”, cette série de bandes dessinées vous dit déjà quelque chose. Même si vous ne l’avez pas vue au petit écran, vous en avez au moins entendu parlée. Marguerite ABOUET,  l’auteur de ce célèbre film d’animation, était à Ouagadougou dans le cadre du festival série series. Très modeste  et discrète, Marguerite ABOUET est une grande intelligence qui se cache derrière une paire de lunettes correcteurs. Mais qu’à cela ne tienne, avec notre “petit micro” et pour notre “petit média” (pour reprendre ses propos), nous avons voulu à travers cet entretien que le petit affluent que nous sommes puisse faire déborder la Mer.  C’est tout le sens qu’il faut donner à notre démarche vers cette grande célébrité qu’est Marguerite ABOUET, Scénariste, réalisatrice  et  auteure de la célèbre série Aya de Yopougon.

Tout naturellement, notre première question était de savoir comment elle a réussi à construire une si belle histoire captivante. Voici sa réponse :

Marguerite ABOUET, Scénariste, réalisatrice et auteure de la célèbre série Aya de Yopougon.

Marguerite ABOUET (M.A.) : J’avais envie de raconter des  souvenirs  heureux en tant qu’ivoirienne ayant vécu à Yopougon et  dire une réalité car lorsqu’il s’agit de l’Afrique, on nous montre souvent comment meurent les africains mais jamais comment ils vivent. Je suis partie de l’Afrique quand j’avais 12 ans et aujourd’hui, ça fait 30 ans que je vis en Europe.  Plus je  prenais de l’âge, plus j’étais mal dans ma peau parce que les médias là-bas me renvoyaient une Afrique  qui ne me satisfaisait pas. J’ai toute ma famille qui vit à Yopougon, j’y vais souvent et partout d’ailleurs en Afrique. Il est réconfortant de savoir qu’il  y a des africains qui sont heureux et qui n’ont pas tous envie de prendre le bateau pour aller mourir dans la mer  ou atteindre l’Europe pour être sauvés. C’est cette réalité que j’ai voulu raconter. En tant qu’auteur je dis souvent que mon écriture est responsable et  je dis aussi souvent que je suis un porte-parole de tous “ces sans voix”, tous ces gens qui n’ont pas cette chance de s’exprimer  ou qui  le font peu ou pas bien. Alors j’ai trouvé utile de créer des personnages qui racontent leur quotidien tout simplement.

ArtBF : Peut-on dire parler de retour sur investissement avec  Aya de Youpougon?

M.A : Il faut savoir que  lorsqu’on fait un film, il y a 200 personnes qui travaillent sur le film. Pour Aya de Yopougon et rien que l’animation,  c’est 3 ans de travail avec près de 200 personnes. Malheureusement en Afrique, il n’y a plus de salles de Cinéma et donc pour le retour sur investissement, il y a beaucoup de piratage. Ce qui me rapporte véritablement, c’est le livre, ce sont mes droits d’auteur. Quand on vend mes livres, j’ai la chance d’en avoir un peu.

ArtBF : Quel a été le budget de “AYA DE YOUPOUGON”

M.A : Moi je n’ai rien investi pour les livres. J’ai une maison d’édition  avec laquelle je signe un contrat et elle me donne une petite partie au début  parce qu’on ne sait pas si le livre marchera ou pas. À partir du moment où le livre se vend,  j’ai 1% sur la vente que  je partage avec le dessinateur. Je peux dire simplement que j’ai eu la chance de vivre de mon  art et ça c’est super. Contrairement à certaines personnes qui n’arrivent pas à en vivre, je ne fais pas que des bd (Bandes Dessinées), je fais aussi des séries. J’ai des projets de films de longs métrages et c’est ça qui me fait vivre.  Le fait que “AYA DE YOPOUGON” passe sur les écrans me rapporte de l’argent; non !  Il faut que je fasse des millions d’entrées pour espérer avoir un peu. C’est vrai que faire un film,  c’est beaucoup d’argent. Pour le partage des recettes, il y a d’abord le producteur,  les acteurs et les auteurs à la fin du processus. Donc, si j’étais si riche, je vous assure que je ne serais pas devant vous à vous parler dans un petit micro pour votre petit journal  qui s’appelle “ArtistesBF”.  En fait, c’est pour dire que le “AYA” m’apporte de l’argent.

ArtBF : Que pensez-vous du cinéma africain?

M.A : Alors aujourd’hui est ce qu’on parle encore de cinéma Africain ? c’est plutôt la télé, les écrans et les téléphones qui  ont remplacé les salles de cinéma, malheureusement !!!.  Et moi j’espère que ça va aller. Petite, nous avons eu la chance de voir des salles de cinéma partout. En côte d’ivoire, on a eu la chance de savoir ce que c’est que d’aller au cinéma. Aujourd’hui malheureusement, les salles sont  plutôt en voie de disparition. Il faut dire que le cinéma souffre de trois maux : le financement,  les marchés propres et une véritable politique sur notre travail. La plus part du temps, on a l’impression que c’est pas un vrai travail et c’est peut-être pour ça qu’il  n’y a pas toute une structure autour alors que notre métier génère de l’argent. Prenez par exemple une série comme “C’est la vie”; c’est un travail de  4 ans qui emploie 150 personnes rien que pour  la partie technique sans parler des comédiens. Et quand on sait qu’en Afrique, une personne qui travaille supporte plusieurs autres personnes, vous vous rendez compte de ce que ça donne comme résultats en termes d’emplois et de richesses.  Le cinéma  créée de l’emploi et il faut créer des écoles pour former tous ces jeunes qui  veulent faire du cinéma.

ArtBF : Quelles sont vos impressions par rapport à ce festival qui se tient actuellement?

M.A : Je suis ravie qu’il y ait justement des festivals comme ça où l’on donne la parole à tout le monde pour repenser le métier  parce qu’on a besoin de parler de rémunération, de parler de  notre statut et justement, il faut des festivals  comme celui-là  pour qu’on prenne en compte ce métier  et qu’on puisse avancer ensemble.

Propos recueillis par Patrick COULIDIATY

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