Palinfo SIE est étudiant à l’université de Ouagadougou. Parallèlement à ses études, il fait également la peinture. Ce qui était considéré au début comme une passion est devenu au fil du temps, une activité rémunératrice. En effet depuis 2006, il en a fait du pinceau ce que la plume est pour l’écrivain. Dans le quartier Tanghin de Ouagadougou où il réside, Palenfo fort de son talent de calligraphe, invente, créé et pousse ses limites au-delà de l’inimaginable. Bénéficiaire de plusieurs commandes d’œuvres pour le compte de la mairie de Dissin, notre invité grave et personnalise son propre design sur des Tee-shirts. Son plus grand souhait aujourd’hui, c’est d’obtenir de l’aide pour aménager un atelier en ville. Dans cet entretien, il nous dévoile quelques uns de ses projets mais aussi, son coup de gueule contre la municipalité. Voici le portrait de l’artiste
Art BF : Comment peut-on présenter Palenfo Sié aux internautes ?
Palenfo SIE : Je me nomme Palenfo SIE à l’état civil et SIEDECOR, mon nom d’artiste que la plupart de mes fans peuvent retrouver également sur ma page facebook. C’est depuis 2006 que je fais la peinture; donc pratiquement 10 ans.
Art BF : Votre choix pour la peinture, est-ce une passion ou un instinct de survie?
Palenfo SIE : Ce sont les circonstances de la vie qui m’ont à un moment donné forcer au réveil. Je dessinais sans savoir que cette passion pouvait être pour moi une source de revenue. Après mon certificat d’étude primaire (CEP), ma mère n’avait plus les moyens pour payer ma scolarité. C’est ainsi que j’ai été à Bobo à la recherche du travail. Par coïncidence, j’ai cohabité avec un calligraphe avec qui, des gens venaient régulièrement prendre des cours. Je me suis montré bien intéressé et j’ai pu bénéficier de quelques cours. Et comme je savais déjà dessiner, les choses sont allées très vite. De retour au village, il n’y avait pratiquement personne qui travaillait dans ce domaine. J’ai lancé mes premiers coups d’essais et les gens ont apprécié. Voilà comment la peinture est devenue mon métier.
Art BF : Quel a été le regard des autres lorsque vous avez entamé ce métier ?
Palenfo SIE : Les gens ont toujours bien apprécié mes œuvres mais jamais ils ne sont prêts à dire à leurs enfants de venir apprendre. Aujourd’hui, les mentalités ont bien changé parce que beaucoup de gens à DISSIN ont compris que c’est un métier d’avenir et qu’on peut y vivre dignement. C’est ainsi qu’à chaque fois que j’arrive maintenant au village, beaucoup de parents souhaitent que leurs enfants viennent apprendre le métier. Je me réjouis tout de même d’avoir été non seulement le premier calligraphe dans la commune de Dissin mais l’une des premières personnes qui a contribué à changer les mentalités dans cette Commune ou du moins à voir l’art comme un métier.
Art BF : Parlez-nous des difficultés que vous rencontrez ?
Palenfo SIE : Il faut souligner que l’art au Burkina n’est pas trop apprécié. En Côte d’Ivoire, presque tous mes camarades ont appris l’art plastique à l’école. Mais au Burkina, cette discipline n’est pas encore enseignée dans nos écoles. C’est plus courant de rencontrer des tableaux d’artistes étrangers dans les bureaux que des œuvres d’artistes burkinabè.
Le graffiti jusqu’à ce jour par exemple, n’est pas bien connu et n’est pas autorisé malgré nos nombreuses demandes qui s’amoncèlent sur le bureau du ministre de l’administration territoriale ou des différents maires de la ville de Ouagadougou. Et pourtant, avec le graffiti on pouvait mettre en valeur certains murs ou lieux publics, notamment au niveau des échangeurs où chaque artiste pouvait laisser un message de sensibilisation ou éducatif. Pendant la transition, ce silence pouvait encore se justifié et on se disait qu’avec le nouveau gouvernement, tout allait baigner dans l’huile; mais rien jusqu’à ce jour. La preuve, nous n’avons jamais obtenu d’autorisation pour mettre en valeur les murs du Reemdoogo, qui est pourtant un lieu essentiellement artistique. Lorsque vous allez au Jardin de la Musique de Ouagadougou (REEMDOOGO) et que vous regardez les murs, on se demande s’il y a d’artistes plasticiens au Burkina; c’est triste ! Nous ne voulons pas non plus le faire par simple initiative car on ne nous prendrait pas au sérieux; ce sera vu comme des actes posés par une bande de voyou. Or, nous nous ne voulons pas justement présenter cet art aussi noble soit-il, sous un mauvais angle. Avec le graffiti, on est vraiment confronté à un problème de liberté d’expression en ce sens que les autorités municipales ne nous permettent pas de nous exprimer. C’est comme si elles nous violaient nos espace de liberté !
Quant à la sculpture, j’évoquerai plutôt des problèmes de moyens. Les matériaux qui doivent être utilisés sont chers et donc, on a besoin d’un financement.
ArtBF : S’agirait-il d’une incompréhension entre les plasticiens et les municipalités ?
Palenfo SIE : Peut-être qu’ils pensent qu’ils sont obligés de nous soutenir. C’est vrai; mais si elles peuvent accorder du soutien à certains festivals (de bière, de grillades, de poulets), je pense qu’elles pouvaient aussi le faire pour des artistes qui ne cherchent qu’à mettre en valeur la culture burkinabé sur les lieux publics. Je ne suis pas contre ces festivals; mais je crois que ça vaut la peine de soutenir les Graffitis qui ont l’avantage de délivrer des messages forts à la jeunesse. Nous l’avons déjà fait par exemple sur les murs du lycée Philipe Zinda qui a permis d’embellir les murs du lycée par des messages éducatifs à l’endroit des élèves; mais on l’a fait sans le soutien d’aucune administration.
Art BF : Arrivez-vous à vivre de cet art ?
Palenfo SIE : (soupir) Oui, je peux dire que je vis de mon art, je suis à l’université actuellement grâce à ce métier. Quand je suis revenu de Bobo en 2006, c’est à travers ce métier que j’ai pu acheter les téléphones portables et que je revendais à la rentrée pour payer ma scolarité en cours du soir et celle de mes frères. Je l’ai fait comme ça jusqu’à l’obtention de mon BAC. Aujourd’hui, grâce toujours à ce métier, j’arrive à honorer mon loyer et mes frais d’électricité.
ArtBF : Comment écoulez-vous vos œuvres ?
Palenfo SIE : Je vends en ligne à travers facebook. Dans la commune de Dissin aussi, j’ai pu me faire de la renommée à travers quelques travaux réalisés pour le compte de la mairie. Enfin, c’est aussi de bouche à oreille.
ArtBF : Quels sont les matières de bases utilisées dans vos
Peintures ?
Palenfo SIE : J’utilise les peintures ordinaires et la peinture à eau qu’on utilise pour les tableaux et la calligraphie. Pour le graffiti, j’utilise les bombes aérosols sur les murs
ArtBF : Combien coûte à peu près vos tableaux ?
Le prix dépend plus exactement de la taille du tableau ou du format
Pour un portrait, je facture les tableaux à :
60 x 80 : 80 000 FCFA (2 personnes sur le tableau)
50 X 70 : 25 000 FCFA
50 X 60 : 15 000 FCFA
Les tee-shirts sont à 3 000 FCFA
Art BF : Quels sont les thèmes en général que vous abordés ?
Je suis profondément culturel. Quand de sont des portraits, je fais toujours allusion personnages emblématiques de l’Afrique. Mais quand il s’agit de tableaux, j’évoque la culture. Je fais aussi des œuvres de commandes pour ceux qui le veulent avec des thèmes bien ciblés.
Mot de fin
Je souhaiterai un soutien financier afin de m’octroyer un atelier au sein duquel, je pourrai ouvrir une galerie afin d’exposer mes tableaux.