SNC : Son histoire en quelques mots avec le Professeur Sanou SALAKA

SNC : Son histoire en quelques mots avec le Professeur Sanou SALAKA

La Semaine Nationale de la culture (SNC) est de retour.  Elle est annoncée pour se tenir du 26 novembre au 03 décembre 2022 à Bobo Dioulasso. La SNC  qui entre ainsi dans sa  20è édition  se tiendra sous le thème « Diversité culturelle, ferment de l’unité nationale » avec comme pays invité d’honneur, la République de Guinée Conakry.

Au Burkina, presque tous les évènements culturels à caractère international notamment en « O » tels le SIAO, le FESPACO, la FILO, le SITHO ont toujours bénéficié d’un pays invité d’honneur ; toute chose qui laisse croire que la SNC , du fait probablement de son caractère national ne devrait pas avoir un pays d’invité d’honneur. Erreur de jugement ou méconnaissance des textes en la matière, le Professeur Salaka SANOU, Professeur titulaire de littératures africaines à l’Université Joseph KI-ZERBO  et  en sa qualité d’ancien secrétaire permanent de la SNC nous éclaire sur la situation. Voici donc l’histoire de la SNC en quelques mots avec le professeurs Salaka SANOU .

Je suis Professeur titulaire de littératures africaines à l’Université Joseph KI-ZERBO où j’’ai exercé toute ma carrière durant de 1983 à 2020 (avec un premier passage dans l’administration culturelle de mai à septembre 1983 et un autre de novembre 1996 à octobre 2001) avant d’être admis à faire valoir mon droit à la retraite le 16 janvier 2020.

ArtistesBF (ArtBF) : Pouvez-vous nous retracer l’histoire de la Semaine Nationale de la culture (SNC)en quelques mots ?



Salaka SANOU (S.S.) : En quelques mots, ce sera difficile. Mais je vais essayer. En fait les textes fondateurs de la Semaine Nationale de la Culture (SNC) ont été présentés en Conseil des Ministres du 29 juillet 1983. Et ce Conseil des Ministres a adopté les textes relatifs à la SNC.

Mais auparavant, j’ai eu la chance de travailler sur ces textes avec Prosper KOMPAORE qui était le Directeur Général des affaires culturelles.

Le premier dossier sur lequel j’ai travaillé sous la direction  Prosper KOMPAORE  portait  sur le droit de l’auteur et le deuxième dossier qu’il m’a confié, c’est celui de la Semaine Nationale de la Culture. Donc  c’est comme ça que nous avons travaillé sur les textes qui existaient. Nous nous sommes inspirés des textes du prix CA.LA.H.-V.

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Le (C.A.LA.H-V), c’est le Cercle des Activités Littéraires Artistiques de Haute Volta(C.A.LA.H-V).Nous nous sommes inspirés aussi d’un prix qui avait été organisé sous le Comité Militaire de Redressement pour le Progrès National (CMRPN) où on avait parlé du grand prix national des arts et des lettres. Voilà les deux textes dont nous nous sommes inspirés pour  réaliser le document sur  la Semaine Nationale de la Culture et le Grand Prix National des Arts et des Lettres en  son sein. Donc, ça été adopté le 29 juillet 1983 et la première période qui avait été retenue en conformité avec l’organisation du grand prix C.AL.A.H.-V., c’était la date du 1er au 10 décembre parce que le C.A.L.A.H.-V.organisait son prix du 1er au 10 qui finissait à la veille de la fête du 11 décembre, date de la proclamation de la République de Haute-Volta en 1958. Mais comme il ya eu le 4 Août 1983, le nouveau gouvernement a estimé qu’il ne fallait pas  organiser la première édition à la période prévue.C’est ainsi que la date a été reculée de 10 jours : la première édition de la S.N.C. a donc eu lieu du 20 au 30 décembre à Ouagadougou en 1983 sous Thomas SANKARA.

Et si je ne m’abuse, je peux dire que c’était la première grande manifestation d’envergure qui a été organisée sous le Conseil National de la Révolution.

Du 20 au 30 décembre, il y a le 25 décembre(la Noël) là-dedans. Mais ça n’a pas empêché les artistes venant des provinces  de rester mobilisés jusqu’à la fin de  la manifestation le 30 décembre. Et c’est à la clôture de cette première édition que, sous l’instigation du président Thomas Sankara, il a été convenu publiquement à la Maison du Peuple de procéder à un tirage au sort pour décider du lieu où devait se dérouler la deuxième édition. Et le résultat de ce tirage au sort  a donné Gaoua comme devant abriter cette deuxième édition.

Maintenant, il y a des gens qui disent qu’en fait, il n’y avait que Gaoua dans la boîte et c’est pourquoi, le sort est tombé sur GAOUA.Mais c’était aux yeux de tout le monde…

 La deuxième édition a eu lieu à Gaoua et on a tout de même gardé le mois de décembre, malgré les difficultés de mobilisation du monde rural, pour tenir la fête. A la clôture de Gaoua 84,  il y a encore eu un tirage au sort pour abriter la  troisième édition à Bobo.

Alors l’idée de faire la SNC de façon tournante, c’est un peu comme ce qui se fait aujourd’hui pour l’organisation du 11 décembre au Burkina. L’idée était de donner l’occasion aux différentes provinces à l’époque d’avoir un minimum d’infrastructures à caractère culturel.



En 1984 on a réalisé à Gaoua, le théâtre Nani Palé , réhabilité l’aéroport et la salle de cinéma. Et c’est depuis la troisième édition qu’on a décidé de garder définitivement la S.N.C. à BOBO tous les deux ans.

Il est bon de rappeler  pourquoi on a finalement installé la S.N.C. à Bobo-Dioulasso. Je vous disais qu’à Gaoua, le sort a tiré Bobo  pour la troisième édition en1986. A Bobo, le sort a tiré Koudougou-Réo pour la S.N.C. 88 et à Koudougou-Réo, le sort a tiré Kombissiri pour la S.N.C. 90. Kombissiri étant proche de Ouagadougou (40 km) et pauvre en infrastructures d’accueil, la question qui s’est posée était de savoir  s’il fallait héberger les artistes dans cette localité ou bien les loger à Ouagadougou et les transporter chaque jour pour les amener au lieu des compétions à Kombissiri.

C’est à partir de là que les autorités ont décidé d’arrêter l’organisation tournante compte tenu des moyens insuffisants. C’est ainsi que la S.N.C. 90 a été ramenée à Bobo-Dioulasso et depuis lors Bobo-Dioulasso est  désignée le siège de la S.N.C..

ArtBF : Avec le contexte d’insécurité, comment voyez-vous la tenue de cette 20ème l’édition ?

S.S. : (Soupire).  C’est difficile à vous répondre parce qu’elle  relève de la politique et du politique.

Si le gouvernement ou le  pouvoir politique a décidé d’organiser la S.N.C.,  c’est qu’il estime que les conditions sont remplies à cet effet. Cependant, pour la 20è édition qui était prévue  en mars 2020, je ne sais plus à quel niveau se trouvent les préparatifs parce que j’avais été même nommé Coordinateur du jury des Lettres et un certain nombre de choses avaient été déjà faites. Avec la covid-19, tout avait été mis en veilleuse.

Depuis cette date donc, personne n’est revenu vers vous pour  vous dire quoi que ce soit ?

Non ! Honnêtement, je ne sais pas où est-ce qu’on en est. Je ne dis pas qu’il  faut nécessairement revenir vers moi ; mais c’est juste un constat. Un jury avait été constitué et parmi les membres, figurait le doyen Edouard OUEDRAOGO, Baba Hama, Adama Amadou Siguiré, Bernadette Sanou, entre autres. A-t-on mis en place un autre jury  pour apprécier les œuvres de 2020 et /ou celles de 2022 ? A-t-on déjà fait appel à candidature pour les manuscrits de 2022 ? Je ne sais plus !

ArtBF : Pour cette 20ème édition, un pays d’honneur a été annoncé. Est-ce une innovation ?

S.S. : Je ne pense pas que ce soit la première fois qu’il y a un pays invité d’honneur. La dernière édition que j’ai supervisée en tant que secrétaire permanent en 2000, c’était le Mali qui était le pays invité d’honneur. Le chanteur Abdoulaye DIABATE est venu se produire à la S.N.C.. Une délégation officielle du Ministère malien de la culture était présente.

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La S.N.C., bien qu’elle soit nationale, ne ferme pas les portes aux autres cultures. Mais elle va ouvrir le Burkina aux autres pays et permettre aux Burkinabè d’aller en contact avec les autres. Comme je l’ai dit, un Senoufo  burkinabè, malien ou ivoirien, reste toujours un Senoufo . Sa culture n’est ni ivoirienne, ni burkinabè ou malienne. Mais simplement une culture Senoufo . C’est bien donc qu’il y ait cette ouverture et c’est même stipulé dans les textes fixant les objectifs de la SNC.

ArtBF : Après 20 ans d’existence quelles ont été les résultats engrangés?

S.S. : Sans fausse modestie, je  peux dire que la S.N.C. a contribué à créer un sentiment national. Même si nous qui vivons dans les grandes villes, nous nous sentons burkinabè, il y a les artistes du monde rural qui, eux, se sont découverts les uns les autres grâce à la S.N.C.. Ils ont tissé des relations humaines, institutionnelles, organisationnelles. Ils ont aussi compris que partout où ils se trouvent  (Nord, Sud, Ouest, Est), ils sont tous du Burkina. Et ce sentiment d’appartenance à une même nation-là,  la Semaine Nationale de la Culture y a contribué. Le deuxième élément de mon point de vue, c’est que les Burkinabè, de façon générale, ont réalisé que la culture constituait le socle autour duquel tous les groupes ethniques peuvent se retrouver malgré nos différences.

L’autre avantage de la Semaine Nationale de la Culture, c’est la réalisation des infrastructures. C’était cela l’intérêt des manifestations tournantes.

Aujourd’hui, on peut être fier de ce qui a été réalisé à Bobo en termes ‘infrastructures. Nous pouvons citer la Maison de la Culture et  le Théâtre de l’Amitié.

Votre mot de fin

S.S. : C’est d’abord vous dire merci pour cette occasion que vous me donnez de revivre certains souvenirs. Je pense un peu à l’ambiance du séminaire de Matourkou,  à l’ambiance du séminaire de 1992,  aux ambiances des différentes éditions de la S.N.C..

Merci aussi de m’avoir donné l’occasion de faire des rappels historiques parce que très souvent nous oublions le passé. En nous replongeant  dans notre histoire, nous pouvons trouver des éléments qui nous éclairent pour demain. Nombreux sont ceux qui pensent que c’est la Révolution Démocratique et Populaire sous le Capitaine Thomas Sankara qui a créé la SNC. C’est le Conseil des Ministres du 29 juillet qui a adopté les textes de la S.N.C. sous le CSP-II  (Conseil du Salut du Peuple-II).

Je le  répète : ce n’est pas le Conseil National de la Révolution (RDP) qui a créé la S.N.C.. Mais il a organisé la première édition. C’est une vérité historique et il faut le dire et le faire savoir.

C’est un fait qui montre que notre culture traverse tous les régimes politiques qui viennent et qui s’en vont. Mais la culture, elle, est toujours là. C’est un socle qu’il faut consolider, c’est un socle qu’il faut éviter de détruire, c’est un socle dont il faut prendre conscience pour regarder l’avenir.

Propos recueillis par Patrick COULIDIATY et Valérie WANGRAWA

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