Aboubacar LANKOANDE, économiste gestionnaire et écrivain

Aboubacar LANKOANDE, économiste gestionnaire et écrivain

” D’abord je ne suis pas du tout fier d’être économiste ou gestionnaire (…) Je pense que chaque économiste gestionnaire doit avoir honte de cette profession vu l’état dans lequel les économistes et les gestionnaires ont mis le monde. (…) Avant, c’était une tare que d’être riche ; aujourd’hui, c’est le contraire ! C’est une tare que d’être pauvre. Je vous dis que la pire chose qui soit arrivée aux burkinabé, c’est de ne plus reconnaître les burkinabé; c’est à dire des hommes qui étaient modestes, travailleurs et intègres.

Aboubacar LANKOANDE (A.L ) : Je suis Aboubacar LANKOANDE, économiste gestionnaire à la LONAB. J’ai fait une maîtrise de sciences économiques option gestion, un DEA en Economie et Finances Internationales et un billet en finances et comptabilité. D’un point de vue professionnel, j’ai passé l’essentiel de ma carrière à la LONAB où je travaille depuis 1983. J’y ai occupé successivement les postes de Directeur Financier, Directeur Général, Conseiller et à cette date,Directeur des Etudes et de la Prospective. J’ai également travaillé dans des cabinets, participé à des projets de création d’entreprises à Ouaga, au Sénégal, en Guinée et en Cote d’Ivoire. Enfin, j’ai eu à diriger le projet de création de BRAFASO où j’ai piloté le montage de l’usine en tant que premier Directeur de la société de Juin 2003 à Aout 2004. Je précise que c’était pendant ma période de disponibilité. Évidemment il y a d’autres formations mais sans importance.
De DG à Directeur dans la même entreprise, quels sentiments éprouvez-vous ?
Vous savez, je n’ai pas reçu une formation pour être Directeur Général; mais plutôt pour être économiste-gestionnaire. C’est accidentellement que j’ai été un DG; c’est ce qui était anormal à mon avis !Alors, si vous partez d’une situation normale pour une situation anormale, la tendance est de revenir vers la normale.

Art. : Aboubacar LANKOANDE, de ce que nous avons appris est un homme simple, très ouvert humble pour ne pas dire intègre.
A.L : Je vous remercie parce qu’il n’y a pas de meilleur compliment à faire à un homme que de dire qu’il est modeste; je l’accepte bien que ça blesse ma modestie évidemment. Que puis-je vous dire de cette modestie dont vous parlez ? Cette qualité est peut-être liée à mon éducation. Ensuite, tous ceux que j’ai connus et que j’ai eus à fréquenter étaient modestes, dignes et fiers; forcément, j’ai hérité de cette qualité.

Art. : Qu’est ce qui vous a beaucoup marqué à la LONAB?
A.L : De mal, je peux dire que rien n’est resté sur mon cœur ! Tout ce qui s’est passé, je pense que ce sont des réactions normales. La jalousie et la cupidité sont le propre des hommes; ce n’est pas une surprise.
Ce qui a été positif, je crois que c’est le projet PMU’B que j’ai géré de bout en bout pendant 6 ans et c’était formidable parce que les gens se sont beaucoup sacrifiés. Nous avons fait passer la LONAB, de la petite entreprise presque inconnue,au chiffre d’affaire de 1 milliard à 10 milliards en un laps de temps. Au départ,nous n’étions pas persuader de réussir un tel coup et il faut féliciter tous ceux qui y travaillent.

Art. : En vous déchargeant de la direction de la LONAB, c’était comme une délivrance d’un enfer dites-vous ?
A.L : Oui ! Parce que dans le système COMPOARE, lorsque vous dirigez une grande entreprise de cette taille, vous recevez des sollicitations, des exhortes, des menaces. La hiérarchie vous demandait toujours des choses impossibles et vous deviez forcément vous y soumettre ou vous démettre. Je vous assure qu’en quittant la direction de la LONAB, c’était vraiment sans regrets. J’étais quand même fier d’avoir réussi à amener le PMU dans mon pays. Le Burkina était classé deuxième pays en Afrique de l’Ouest après le Sénégal à avoir le PMU.

Art. : A propos de responsabilités, on constate aujourd’hui que beaucoup raffolent de gros postes dans l’administration publique. Quel regard critique faites-vous de la gestion de la chose publique ?
A.L : L’homme burkinabé a changé. Avant, c’était une tare que d’être riche; aujourd’hui, c’est le contraire ! C’est une tare que d’être pauvre. Il y a des gens qui donnent l’impression qu’ils sont riches. C’est donc cette course à la richesse qui a envoyé le paradoxe que nous connaissons aujourd’hui. Diriger pour le bien de la société, est un sacerdoce et qui dit sacerdoce dit contraintes, sacrifice et don de soi. Mais lorsque vous dirigez pour votre intérêt; évidemment, vous tombez dans la caverne Ali BABA et en ce moment, c’est bonjour les dégâts. Je vous dis que la pire chose qui soit arrivée aux burkinabé, c’est de ne plus reconnaître les burkinabé; c’est à dire des hommes qui étaient modestes, travailleurs et intègres.

Art. : En 2013, vous avez présenté à la presse votre roman “LA PALABRE DES CALAOS”. Economiste de formation, on attendait plutôt de vous, une œuvre sur l’économie. Comment l’expliquez-vous ?
A.L : D’abord je ne suis pas du tout fier d’être économiste ou gestionnaire vu l’état dans lequel les économistes et les gestionnaires ont mis le monde. Je pense que chaque économiste gestionnaire doit avoir honte de cette profession.Nous sommes dans un monde délabré, un monde de fou. Dans une entreprise, le cout du travail représente au maximum 10% des charges. Je n’ai plus trouvé utile d’en parler dans un livre tellement, c’est évident. Comme j’ai honte d’être économiste gestionnaire, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose d’autre dans ma vie. C’est pour cette raison que j’ai préféré écrire ce roman.

Art. : Votre roman est intitulé ” LA DES CALAOS, pourquoi pas “LA PALABRE DES HOMMES ” ?
A.L : Les CALAOS sont toujours deux; ils ne font du mal à personne, ils ne s’intéressent à personne et n’ont de problème avec qui que ce soit. Mais pour que ces animaux soient dans une pareille sérénité, c’est qu’ils ont vécu une expérience qui leur a valu une leçon. A la fin du livre, le rêve du Héro était de voir les calaos se réconcilier avec tout le monde. C’est en fait, une image pour dire que lorsque vous réfléchissez aux problèmes de nos pays, on est frappé par les nombreuses catastrophes qui les frappent. J’ai juste pris une histoire banale et tout se passe d’ailleurs de manière banale; regardez un peu ce qui s’est passé au Burkina !

Art. : Quel message voulez-vous qu’on garde de vous ?
A.L : Le message, c’est d’abord l’espoir. C’est vrai que je commence à désespérer de l’Afrique, des africains et particulièrement des burkinabé. Mais je n’ose pas croire que l’histoire puisse se terminer comme ça ! Je crois encore à une petite lueur d’espoir portée par une nouvelle génération.
Artistebf 2015
PK

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