Alliances et parentés à plaisanterie au Burkina Faso avec le Pr. Alain SISSAO

Alliances et parentés à plaisanterie au Burkina Faso avec le Pr. Alain SISSAO

Nous abordons cette semaine, les questions  des alliances et des parentés à plaisanterie au Burkina Faso. En Afrique, nul n’ignore l’importance  de ce genre de jeu verbal qui permet aux différentes communautés de jouir pleinement du “bon vivre ensemble”.  Pour introduire le débat sur ce sujet, nous avons rencontré le Pr. Alain SISSAO, Directeur de Recherches en Littérature africaine au Département de Linguistique et des Langues Nationales à l’Institut des Sciences des Sociétés.

Auteur d’une trentaine d’articles scientifiques et d’une œuvre de recherche sur Les alliances et les parentés à plaisanterie au Burkina Faso, mécanismes de fonctionnement et avenir“, Alain SISSAO décrypte pour nous l’importance et la fonction sociale de la parenté à plaisanterie.

ArtistesBF (ArtBF) : Vous êtes écrivain, chercheur. Mais au Burkina on a coutume de dire que les chercheurs, cherchent.. mais est ce qu’ils trouvent ?. Alors, quel est l’état des lieux de la recherche au Burkina ?

Pr Alain Joseph SISSAO (A.J.S) : Effectivement, il y a cette boutade qui circule souvent et qui a tendance à titiller les chercheurs. Est qu’ils trouvent vraiment? Moi je dirai qu’au contraire cela a plutôt contribué à   booster l’esprit des chercheurs. Dans la recherche, les gens travaillent de façon discrète, il faut aller dans le domaine pour savoir que les chercheurs publient  et qu’ils font des publications de bonnes factures.  Moi je suis dans un Institut de Sciences humaines l’INES,  l’Institut des sciences et des sociétés. Mais le CNRST comprend quatre instituts et dans chaque institut, IRSS (Recherche en Sciences de la Santé), INERA (Recherches Agricoles),  IRSAT (qui s’occupe des technologies et des innovations), les chercheurs produisent des résultats de recherche qui sont appréciables. La preuve, si vous avez l’occasion de faire un tour dans ces instituts vous pourrez prendre les rapports  du comité général qui se tient chaque fin d’année et qui fait un bilan général sur la production scientifique de tous les chercheurs et de tous les instituts. Il faut que le chercheur soit isolé pour trouver. Il est parfois dans sa tour d’ivoire mais au final, il y a des résultats de recherche.

ArtBF : Vous êtes l’auteur d’une publication alliance et parenté à plaisanterie au Burkina. Quelle est la fonction sociale de la parenté à plaisanterie ?

A.J.S : Moi j’ai une définition conceptuelle. Je distingue la parenté à plaisanterie de l’alliance à plaisanterie.  Effectivement en 2002 , j’ai publié une œuvre de recherche sur “Les alliances et les parentés à plaisanterie au Burkina Faso, mécanismes de fonctionnement et avenir. Donc, la parenté à plaisanterie qui est communément le jeu verbal qui permet aux différentes communautés d’avoir un lien de communication social est basée en quelque sorte sur un pacte entre les ethnies. C’est là que je fais la clarification conceptuelle en disant que l’alliance à plaisanterie, c’est lorsqu’il y a un lien entre deux ethnies , deux villages , deux régions, deux groupes ethniques , deux patronymes qui ont décidé délibérément d’instituer un pacte de non-agression assorti de lien de solidarité qui peuvent du moins se mettre en branle lors des situations heureuses ou malheureuses comme les décès; c’est cela l’alliance à plaisanterie.

Maintenant la parenté à plaisanterie, c’est lorsqu’il y a un lien intra familial qui induit la consanguinité entre le grand père et la petite fille ou  la grand-mère et le petit fils ou entre la sœur cadette de l’épouse et le mari, entre le mari et la tante paternelle comme chez les mossis ou entre les cousins qu’on retrouve chez les peulhs. Il y a une distinction entre les deux concepts, ce n’est pas la même chose. De mon point de vue, à partir des  recherches que j’ai effectuées, on se rend compte que chaque ethnie au Burkina Faso à un allié à plaisanterie. Il y en a qui en ont 3 ou 4 comme chez les peulh, les Gnongnosés avec les Benda et les Yarcés.

La fonction donc de l’alliance à plaisanterie a une fonction d’abord de cohésion sociale. Elle permet aussi l’anticipation des conflits parce qu’il s’agit en quelque sorte à travers le phénomène d’entrepôt sociologique, c’est de dire que quelqu’un est ton parent tout en sachant que ce n’est pas aussi vrai. En cherchant ainsi à l’apprivoiser, tu crées une certaine communion.  C’est ça le principe de la parenté à plaisanterie. Quand on remonte à l’origine de la parenté à plaisanterie ou de l’alliance à plaisanterie, on se rend compte que tous ces groupes sociaux ont été d’abord en guerre. C’est le cas par exemple de Boulsa et Tema. C’est d’abord la guerre qui a préexisté et qui a permis la pacification et l’alliance à plaisanterie entre les deux villages. Il y a eu donc un pacte de non-agression qui a permis à ces deux groupes de pouvoir communier et de dire qu’entre “nous”, il ne doit plus y avoir de conflit en toute circonstance et c’est ainsi que l’alliance à plaisanterie a été instaurée. Il en est de même des mossis et les Samos,  certains groupes sociaux ayant partagé un même territoire. Bien d’autres exemples tels les récits mythiques et humoristiques peuvent aussi expliquer les origines de l’alliance à plaisanterie.

ArtBF : Après ce livre quelle va être la suite?

A.J.S : J’ai deux projets. D’abord un projet de production d’un ouvrage critique sur la littérature burkinabé mais qui est déjà sous presse et un second projet sur la contribution des ONG pour le développement au Burkina Faso.

Dans le prochain entretien nous allons nous appesantir sur les différentes origines de l’alliance et de la parenté à plaisanterie dans certaines ethnies du Burkina Faso.

Mot de fin

A.J.S : Je vous remercie pour avoir posé votre regard sur ma modeste personne pour cette interview sur votre journal en ligne que je lis très souvent. C’est un journal culturel qui est très utile. J’invite les internautes à aller visiter le site. Je pense que la vie littéraire et culturelle  est importante dans un pays et c’est à travers cela qu’on permet de créer une certaine identité moderne et traditionnelle. L’identité est évolutive. C’est en vous intéressant sur la culture et sur l’identité culturelle de nos différents groupes du Burkina que vous allez permettre aussi de faire connaitre leur propre identité.

J’invite les lecteurs à suivre le prochain entretien sur les différentes origines de l’alliance et de la parenté à plaisanterie dans certaines ethnies du Burkina Faso.

Patrick COULIDIATY

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