Fespaco 2021: Des Contributions dignes d'intérêt pour l'avenir du festival

Fespaco 2021: Des Contributions dignes d'intérêt pour l'avenir du festival

Initialement prévue du 27 février au 6 mars 2021, la 27 ème édition du Fespaco a été reportée à une date ultérieure en raison de la recrudescence du coronavirus dans le pays. Les acteurs du 7ème art devraient donc jouer balle à terre en attendant de meilleures conditions sanitaires.

Si tout se déroulait dans les normes, c’était ce 27 février 2021 que  le monde entier devrait braquées ses caméras sur Ouagadougou dans le cadre de la 27ème édition du Fespaco. En attendant donc la tenue de celle-ci, un micro-trottoir nous a permis de recueillir des contributions dignes d’intérêt pour le festival.

Les différents intervenants qui se sont prêtés à nos questions ont fait chacun des suggestions quant à l’avenir et la pérennité d’un festival vieux de plus de 50 ans. Quel avenir et quelles nouvelles orientations à imprimer  au Fespaco cinquantenaire ? voici les suggestions de quelques grandes figures du cinéma.

Noureddine SAÏL : Réalisateur

« Dans tout le Burkina, je pense qu’il y a que 8 à 10 salles et ça aussi, c’est pendant le FESPACO; je n’en suis même pas sûr. Si vous n’avez pas de salles vous n’avez pas de public et plus vous tardez à avoir des salles, moins le public prend l’habitude de sortir pour aller au cinéma. Nous sommes dans un cercle totalement vicieux. Alors que faire ?

Il n’y a que les Etats africains qui peuvent par un mouvement marquer de manière affirmative et totalement positive leur volonté de créer des industries cinématographiques. Et pour ça,  il y a mille mécanismes à utiliser. Il s’agit par exemple du mécanisme de l’avance sur recettes. On peut de la manière utiliser ce mécanise pour créer des petites salles, des salles multiplex de 50 places. C’est-à-dire faire en sorte que dans un même espace, il y ait 8 ou 9 écrans qui offrent 8 ou 9 programmes. Un tel mécanisme a l’avantage de créer un débouché national pour des productions nationales à venir.  Cette réflexion, je suis en train de la développer depuis une dizaine d’années.

Pour moi, il n’est jamais tard pour bien faire et les décisions d’un État souverain peuvent être prises à n’importe quel moment. Il faut simplement avoir la patience de dire, “on verra les résultats dans 5 ans, 7 ans ou 10 ans”. Mais si vous voulez régler la problématique du cinéma, c’est-à-dire la production, l’exploitation, les salles multiplex au moment où vous prenez la décision, c’est que vous n’avez rien compris. Le temps de la décision politique ne peut être que long à long terme. Et nous avons tardé à prendre cette décision politique en Afrique; qu’aujourd’hui pour rester mesurer, on en paie le prix. »

Savoir+ avec Noureddine SAÏL

 

Fespaco 2021: Des suggestions dignes d'intérêt pour l'avenir du festivalBéatrice DAMIBA : Ancienne Ministre de la culture et de la communication

« Le budget du Ministère de la Culture doit être revu à la hausse ».

« Les orientations que je voudrai imprimer au cinéma africain, c’est sur la thématique. Il faut cesser de créer autour de la même thématique, c’est-à-dire, les contes africains et toujours des thèmes sur la femme. Il faut à mon avis trouver des thèmes plus commerciaux. Il faut faire en sorte que le cinéma puisse rapporter de l’argent aux cinéastes et même contribuer au développement de l’Etat. Ce qui manque au pays francophones, c’est de faire du cinéma une industrie qui rapporte beaucoup d’argent et qui s’exporte en Europe, en Asie ou  en Amérique. Il faut aussi professionnaliser les acteurs en les formant. Il faut donc que les réalisateurs, les producteurs et les acteurs se forment. On pourrait faire en sorte également que les séries africaines puissent s’afficher sur les écrans brésiliens, américains et mexicains pourquoi pas ?.

Enfin, Le budget du Ministère de la Culture doit être revu à la hausse.

Savoir + avec Madame Béatrice DAMIBA

Baba HAMA, Ancien Ministre et D.G du FESPACO «  La question de la distribution et de l’exploitation cinématographique reste entière »

La lutte se poursuit et doit assurément se poursuivre pour réussir le pari d’exister, de créer, de dialoguer, de rapprocher les œuvres du public et d’affirmer l’identité du cinéma africain, dans un monde en perpétuelle évolution.

Malgré l’apparition sur le continent d’autres manifestations et rencontres cinématographiques, la question de la distribution et de l’exploitation cinématographique reste entière. Les salles ferment. Les distributeurs se font rares. Les sources de financement s’épuisent. L’action du FESPACO qui est de révéler restera inachevée si les autres maillons de la chaîne restent inopérants.

L’espoir est cependant permis pour peu que les parties prenantes s’attèlent à une meilleure organisation et à la recherche de solutions de financements endogènes. Pour favoriser la mise en place d’une industrie cinématographique, il faudra en effet que les secteurs de la production, de la distribution, de la promotion et de l’exploitation se complètent harmonieusement.

En plus des pouvoirs publics, il nous faut sans doute, face à la situation qui prévaut en matière de ressources, prendre en compte  toutes les possibilités, tous les mécanismes pouvant concourir à la mise en place de systèmes innovants  pour soutenir nos cinématographies.  La production d’un film en Afrique reste en effet un véritable parcours de combattant en dépit de la révolution numérique qui favorise l’émergence de nouveaux talents.

Savoir+ avec  Baba HAMA/

Edouard OUEDRAOGO / Directeur de l’Observateur Paalga : « Il faut réaliser des films d’auteurs et des films commerciaux «

Je crois qu’il faut réaliser des films d’auteurs et des films commerciaux. Il faut que nous soyons comme le festival de Cannes. Il y a du tout et on sait qu’historiquement et statistiquement, les films qui sont primés à Cannes ne sont pas souvent d’accès facile pour le cinéphile ou pour celui qui, le Week-end va avec sa petite amie ou son épouse pour se distraire. Les films qui passent et qui sont primés et qui ont la Palme d’or, le plus souvent déçoivent pour le commun des mortels. Je me rappelle du film d’un japonais.  Quand je suis allé le voir, je suis ressorti totalement bouleversé. Bien que je n’aie pas bien perçu le message que l’auteur a voulu faire passer, j’avoue tout de même que c’est un beau film, poétique, un film réussi sur le plan de la réalisation.

Je crois donc qu’il faut faire les deux ; c’est-à-dire à la fois des films qui se vendent et ceux qui font aussi réfléchir.  Il faut que nous ayons de grands réalisateurs qui vont nous amener à réfléchir, qui vont faire des œuvres inégalées et inégalables, qui vont traverser les générations. Et comme le cinéma nécessite de l’argent, il faut donc penser à faire des films commerciaux, des films qui permettent d’en produire d’autres. Mais la grande question aussi qui se pose, c’est l’avenir du grand écran ! Parce que déjà, les gens ne se bousculent plus pour aller au cinéma. Aujourd’hui, c’est à peine si les salles sont pleines au tiers et donc, il y a un problème …

Savoir+ avec Edouard Ouedraogo/

Ardiouma SOMA ; Ancien DG du Fespaco

Nous voulons faire en sorte que le FESPACO développe davantage un “espace industrie” et marchand où des hommes et des femmes d’affaires peuvent rencontrer des porteurs de projets et des créateurs pour faire en sorte que les œuvres des créateurs africains puissent s’insérer dans une dynamique économique. Voilà déjà une première orientation du festival ; c’est-à-dire, la dimension économique du cinéma qui doit se refléter dans l’organisation du FESPACO.

La pérennité du festival, c’est à la fois les politiques, les gouvernants et les cinéastes eux-mêmes qui ont adopté ce festival et qui se battent pour qu’il continue à exister. C’est aussi la presse et de façon générale, les cinéphiles et les partenaires qui l’accompagnent depuis quelques décennies.

Le FESPACO dans ses nouvelles orientations fera beaucoup de place à la jeunesse. La section réservée aux écoles continue à se renforcer et le FESPACO va de plus en plus s’ouvrir au secteur privé parce que nous sommes de plus en plus dans une dynamique d’entreprenariat culturel, de renforcement de la dimension économique du cinéma et de l’audio-visuel. Vous constaterez que certains volets de l’organisation du festival sont directement pris en en charge par le secteur privé. Nous voulons faire en sorte que le privé continue de jouer sa partition dans l’organisation du FESPACO et c’est cela qui va renforcer la dimension économique du FESPACO.

Michel OUEDRAOO : Ancien DG du Fspaco « l’avenir du festival est d’abord l’affaire des professionnels du cinéma »

Moi, je pense que l’avenir du festival est d’abord l’affaire des professionnels du cinéma. Le FESPACO, en tant que structure d’organisation administrative va toujours exister et va même se renforcer. Mais si cette structure se renforce, il faut que l’aspect professionnel du cinéma africain se renforce également.

Mais il faut au Burkina et en Afrique que les politiques comprennent qu’ils existent des politiques culturelles. Il faut que les politiques culturelles et économiques du Burkina le comprennent également. Il faut que les diplomaties Burkinabè et africaine comprennent l’importance du FESPACO. C’est un instrument qui doit être fort. Si le FESPACO est fort, si la production cinématographique en Afrique commence à se diversifier et à bénéficier des technologies, l’avenir du Festival et du cinéma africain ne seront que radieux. L’Afrique ne doit pas se fermer ni vivre en vase clos. Il faut qu’on comprenne et qu’on accepte que l’extérieur peut nous apporter des compétences et que nos compétences peuvent aussi servir à l’extérieur. Ce n’est pas une question de biceps, mais c’est avant tout une question d’intelligence.

Savoir + avec Michel OUEDRAOGO

Nadia El Fani, réalisatrice : « Il ne faut pas qu’on ait d’état d’âme »

C’est magnifique de faire une grande fête avec beaucoup de choses mais je pense parfois qu’il faut être capable de sélectionner beaucoup plus, de restreindre les films en compétition de façon à ce que nous nous professionnalisions et que de nouveau le cinéma africain soit visible à l’international. Ce n’est pas tout qu’on voit. Pour que nous trouvions dorénavant plus d’argent, il faut que nous soyons exportables et pour être exportables, il faut, quand nous sortons un film avec un grand prix, qu’il ait une valeur et pour qu’il ait une valeur, il faut vraiment que ce soit quelque chose qui ait du sens. C’est-à-dire, “pas faire plaisir à tel pays”, Non ! Il ne faut pas qu’on ait d’état d’âme par rapport à ça. Nous sommes des professionnels, nous sommes capables d’apporter nous, les anciens (comme le dit la jeunesse) un savoir-faire que nous avons acquis depuis longtemps. Il faut que nous travaillions main dans la main avec la jeunesse et que celle-ci soit capable d’apprendre de nous et que nous prenions en compte ses propositions.

Alimata SALEMBERE, Membre fondatrice du Fespaco : « Le véritable défi des cinémas africains pour l’avenir »

Premièrement, il est essentiel que les plus jeunes tirent de la mémoire qu’il faut peu pour réaliser de grandes choses. En réalité, il faut de la passion, une vision et de la persévérance devant les inévitables obstacles. Il faut aussi beaucoup de créativité là où les moyens font défaut.

(…) Le véritable défi des cinémas africains pour l’avenir, consiste à trouver des histoires authentiques, des histoires qui donnent envie à une jeunesse parfois un peu perdue, de croire en elle-même et de bâtir un monde où elle est actrice de son développement et de son épanouissement. Le succès retentissant du film “Black panther”, nous aura démontré que la jeunesse africaine a soif d’images qui la valorisent et la font rêver. Je souhaite au FESPACO de continuer à être la première plateforme des cinémas africains et j’ai la conviction que cela se fera, tant que des groupes de passionné-e-s voudront raconter notre Histoire et nos histoires au reste du monde. (…) La diffusion des œuvres produites demeure un sérieux problème qu’il faut résoudre assez rapidement. C’est un combat qu’il faut mener tous azimuts (…) Il  faut par ailleurs que nos Etats en général, acceptent d’investir plus de moyens dans le cinéma.

Savoir+ avec Alimata Salembéré/

Cheick Oumar Sissoko, Secrétaire Général de la FESPACI : « Convaincre les Etats Africains à s’impliquer dans l’organisation du FESPACO »

Le FESPACO va survivre parce que si on regarde depuis sa création on a vu, je l’ai dit une affirmation de la volonté politique de l’État burkinabé quel que soit les régimes autour de ce bel arbre. Le FESPACO va survivre. Sa pérennisation dépend en ce moment des cinéastes, de leur mobilisation, de leur attention à ce bijou qui leur permet de s’en orgueillir, de faire des créations et de les montrer aux populations, aux producteurs et aux distributeurs.  Ce qu’il faut maintenant, c’est qu’au niveau panafricain, ces cinéastes arrivent à convaincre leurs états de s’impliquer dans l’organisation du financement de tous les festivals panafricains aussi bien les ICCC que le FESPACO. L’UEMOA qui se trouve dans la même ville que le FESPACO doit s’impliquer plus qu’elle ne le fait au niveau du FESPACO. La CEDEAO qui est l’institution économique de l’Afrique de l’Ouest doit pouvoir s’impliquer et avoir un budget pour le FESPACO. Je dirais la même chose pour l’Institution Économique des Pays arabes. L’Union Africaine doit également avoir un budget pour le FESPACO parce que l’Image est le média par excellence de la communication sociale.

Toutefois, Cheick Oumar Sissoko reproche entre autres au festival, la faiblesse de son professionnalisme. » Il (le FESPACO) pèche par une faiblesse dans le professionnalisme. Pour moi, nous sommes à la croisée des chemins et nous devons nous demander, si nous n’avons pas besoin avec le grand problème que nous connaissons à ce moment-là, de nous arrêter et de bien préparer

Savoir + avec Cheick Oumar Sissoko

S.E.M Filippe SAVADOGO, ancien DG du Fespaco : «  Le festival va continuer de vivre en opérant des changements quelques fois inexpliqués »

Moi Je pense que  le festival a beaucoup réfléchi et a beaucoup eu des « in put »  pour prévoir et présager de l’avenir. Donc pour moi, il faut comprendre que  le festival va continuer de vivre en opérant des changements quelques fois inexpliqués mais que l’on peut très vite comprendre. (….) Nous devons comprendre que l’avenir  nous appartient et qu’il nous faut toujours réfléchir, changer les mentalités et les esprits parce que l’esprit de l’homme ne vieillit pas mais c’est plutôt l’homme qui vieillit et qui  veut quelque fois  faire du surplace.. Nous devons être de très près de la créativité, apprendre les nouvelles leçons de production filmique et comprendre que si nous voulons avancer, il faut toujours tâter et être avec le progrès. Et le progrès a toujours  été porteur de développement.

Le Fespaco, résolument tourné vers un avenir prometteur

Bassirou SANOGO : Journaliste « Ce cinquantenaire, au-delà de la fête doit être un cadre de réflexion »

Il y a très peu de structures panafricaines qu’on peut montrer aujourd’hui comme le FESPACO. C’est un motif de fierté pour les burkinabè et les africains en général. Mais je pense que c’est l’occasion de demander aux politiques d’investir davantage dans la culture. C’est la culture qui peut sauver sur le plan de développement. C’est sur les fondements culturels que les Etats comme le Japon et la Chine ont pu acquérir une certaine technologie qui les a hissés au premier rang mondial. Les africains peuvent le faire mais il faut commencer par les politiques, des politiques qui ont une certaine vision lointaine des choses. Ce cinquantenaire, au-delà de la fête doit être un cadre de réflexion sans complaisance sur la question culturelle africaine, sur l’apport conjoint des politiques et des créateurs dans un sens d’aller au rythme de l’Afrique avec ses moyens mais aussi, dans un sens d’aller vraiment en avant…

Savoir + avec Bassirou Sanogo/

Gwladys RoseMonde

 

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