Historique et naissance du M21 : Marcel Tankoano nous retrace son dévouement!

Historique et naissance du M21 : Marcel Tankoano nous retrace son dévouement!

L’histoire se déroule au Burkina Faso. Le 21 avril 2013, un dimanche soir plus précisément dans un café situé aux abords de l’Avenue Charles-de-Gaule, des jeunes décident de s’attaquer frontalement au régime dictatorial de Blaise COMPAORE. Du Kiosque à café où ils étaient, ces « clients » inhabituels s’emparent subitement de l’Avenue Charles–de -Gaule en posant séance tenante des barrières à différents endroits de l’Avenue. La tension monte d’un cran du côté des usagers de la route suivi des multiples interrogations des commerçants ambulants. Mais que cela ne tienne, le groupe garde la pression pendant 2 minutes… C’est la naissance du « M21 » une organisation civile orchestrée par Marcel TANKOANO et ses camarades pour que « Plus rien ne soit comme avant ». Leur objectif, dire non au sénat et à la prolongation du mandat présidentiel. Malheureusement, l’incivisme depuis lors est aussi monté en grades et en échelons au pays des hommes intègres. Comment y remédier ? Voici la vision du Président du « M21 »


Marcel Tankoano (M.T) : Je suis animateur Radio-télé. J’ai commencé d’abord par la Radio nationale avant d’aller à la Télévision nationale comme présentateur télé en langue GULMANCHEMAN. Je totalise 10 ans d’expérience dans la communication et plus précisément en journalisme télé-radio. Mais en 2013, j’ai été chassé de la RTB par le ministre en charge de la communication de l‘époque, Alain Edouard Traoré pour mes activités qui seraient selon lui, subversives. Pour lui, on ne pouvait pas servir un média d’Etat et s’opposer au régime en place.

Artitesbf (ArtBF) : Quelle est véritablement l’histoire du « M21 ? »
Moi, j’avais déjà une autre vision, celle de ne pas me laisser gouverner par une élite intellectuelle pourrie.
En citoyen honnête, je me suis senti comme trahi par le comportement des autorités politiques de l’époque. En effet, l’élite dirigeante était mise en cause à un moment donné. Les autorités politiques de l’époque n’avaient plus de respect pour personne et la situation du pays était devenue grave, socialement et économiquement tendue. En citoyen honnête, je me sentais comme trahi par un tel comportement…. ça n’allait pas ! Il fallait absolument que les gens prennent leur responsabilité. C’est ainsi qu’avec d’autres jeunes courageux nous avons réfléchi à la création d’une organisation, une organisation toute singulière en ce sens qu’elle devrait avoir pour mission de s’attaquer directement au régime en place même si on va y laisser la peau.
Un dimanche soir donc, nous nous sommes retrouvés à 5 pour prendre un pot sur l’Avenue Charles-De-Gaule. C’était aussi l’occasion pour nous de peaufiner notre projet, définir nos objectifs et trouver la bonne dénomination à notre organisation. On voulait une dénomination forte qui puisse frapper la psychologie des gens et qui puisse aussi interpeller les consciences. S’inspirant du Printemps Arabe de l’époque, nous avons décidé de faire à notre manière un ‘’Printemps Africain ‘’ ; c’est-à-dire, créer un mouvement qui va embraser les universités du Burkina, les Ecoles supérieures pour susciter une grande adhésion de la jeunesse. Après un tour de table, nous avons choisi la dénomination « M21 ». « M » comme Mouvement et « 21 » en référence à la date du 21 avril 2013, date de création du Mouvement. Sur le champ, nous avons décidé de réaliser notre baptême de feu en barrant séance tenante l’Avenue Charles De Gaules. Le barrage a duré environ 2 minutes sans que les gens ne comprennent la raison. Mais ce geste symbolisait le « Plus rien ne sera comme avant ». Le lendemain, les médias ont pris le relais pour annoncer la naissance du « M21 » pour un grand changement. Mais à la RTB, l’élément n’est pas passé. J’ai cherché à comprendre et le rédacteur en chef m’a dit de monter voir Alfred NIKIEMA, le Directeur de la Télévision à l’époque. Alfred NIKIEMA me dit qu’il y a un problème. « A cause de ton élément, on n’a pas dormi, j’étais obligé de revenir la nuit avant le journal de 20h parce qu’il ne devait pas passer. Le Ministre a intimé l’ordre de ne pas diffuser l’élément et de lui en faire 2 copies ». Deux jours après, j’apprenais par une note qui m’était adressé que j’étais exclu de la RTB. J’ai cherché à comprendre, on me répétait sans cesse que « ça vient d’en haut »
Agent contractuel à la RTB, on ne m’a plus intégré jusqu’à l’heure où je vous parle. Vous pouvez mener votre enquête pour vous en convaincre.
A notre 1ère conférence, nous avons fait part de notre désapprobation du régime de Blaise Comparé qui a fait 27 ans au pouvoir. En effet, nous avons dénoncé cette usure du pouvoir et notre opposition au sénat et au référendum.

Artitesbf (ArtBF) : Le « M21 » serait-il une copie du « Balai citoyen » ?
M.T : Non ! Je vous raconte la vraie histoire. SMOCKEY et SAMS’K LE JAH étaient d’abord avec le M21. Mais comme vous le savez, les artistes ont leur façon de communiquer. Ce n’est que 3 mois après la naissance du M21 que le « Balai citoyen » est né; c’était en juillet 2013. Nous étions le tout premier mouvement au Burkina Faso qui est sorti officiellement dans les rues devant les médias pour dire non à un régime.
tankoano2.jpgArtBF : Après les insurrections et la mise en place des institutions républicaines, à quoi s’emploie maintenant le « M21 » ?
M.T : J’ai toujours dit que le « M21 » n’était pas né juste pour le départ de Blaise Compaoré. Dans son manifeste sur les 5 points, le « M21 » est un mouvement pour le bien-être social. Le mouvement s’est intéressé au domaine de l’éducation, la santé, l’agriculture et l’emploi … tout ce qui concoure au bien-être social d’un individu. Il s’agit maintenant de continuer notre rôle qui est de veiller et d’interpeller le pouvoir d’Etat. Une OSC n’est pas là pour prendre le pouvoir d’Etat mais pour servir d’interface entre le peuple, le gouvernement et le Président du Faso pour une amélioration des conditions de vie des populations. Aujourd’hui, le « M21 » est représenté dans 9 régions du Burkina.
ArtBF : Vous avez été le chargé de communication aux municipales 2012 d’Ernest Paramanga YONLI. Avec cette nouvelle donne, quelle est aujourd’hui la nature de vos rapports avec cet ancien membre de la direction politique du CDP ?
M.T : C’est d’abord un grand-frère que je respecte très bien. Mais à un moment donné, nous nous sommes vus obligés de nous regarder en chien de faïence parce qu’il fallait que chacun fasse un choix.
Il y a eu des intimidations mais il a vu qu’on était en avance sur sa logique. Pendant le règne de Blaise Compaoré, l’entêtement était tel qu’il ne pouvait pas comprendre ni accepter facilement la défaite du Président COMPAORE.
ArtBF : En termes de bilan quels sont vos acquis majeurs à ce jour?
M.T : Le bilan est positif parce qu’on a réussi à empêcher le régime Compaoré à aller au-delà de la « zone rouge » c’est-à-dire, de briguer un autre mandat au-delà de 2015. Sur les autres points, nous sommes également satisfaits parce que nos préoccupations bénéficient toujours d’une grande écoute. L’un de nos objectifs était entre autres d’implanter le « M21 » dans les 13 régions du Burkina mais à cette date, nous sommes déjà dans 9 régions du pays ; il reste donc à boucler 4 régions.
Artbf : Comment expliquez-vous cette montée subite de l’incivisme au Burkina Faso malgré des élections en bonne et due forme ?
M.T : Vous savez qu’après 27 ans de gestion de pouvoir sans partage, il faut vous attendre à cela. Mais Dieu merci pour le cas du Burkina Faso, quelqu’un la dit, « si Dieu ne vit pas au Burkina, il n’est pas très loin du Burkina ». Ailleurs après le départ d’un dictateur, c’est souvent la guerre civile qui s’en suit. Mais tel n’a pas été le cas pour notre pays et Dieu merci !tankoano4.jpg
Le Burkina Faso a traversé de nombreuses difficultés, une grande crise socio-politique jamais observée dans l’histoire de ce pays. Vous savez, il y a des faits marquants qui ne s’effacent pas d’un coup tellement les cœurs sont meurtris.
Ensuite, quand celui qui vous dirige ou quand la tête n’est pas un exemple, que pouvez-vous attendre du citoyen à l’échelle inférieure? Les gens n’ont plus confiance aux dirigeants et il faut d’abord réinstaurer l’autorité de l’Etat. Donc il appartient aux autorités politiques de travailler à regagner la confiance du peuple. Nous sommes à ce stade-là.
L’incivisme, à mon avis, n’est pas un point de non-retour ; il faut informer, sensibiliser la population et l’amener à comprendre que nous sommes dans une république où chacun doit jouer correctement sa partition. Roch Marc Christian KABORE n’est plus le président d’un parti politique mais le président de tous les burkinabè. Il faut maintenant l’accompagner pour le bonheur du peuple burkinabè.
ArtBF : Quel pourrait être l’apport de la culture au retour du civisme ?
M.T : La culture pour moi occupe une place assez prépondérante dans notre pays. C’est un élément fondamental. Vous savez au Burkina Faso, nous avons ce qu’on appelle les parents à plaisanterie qui nous permettent de transcender nos rancœurs et de s’accepter mutuellement ; c’est un riche héritage culturel que nous avons. Il y a des pays qui ont voulu copier ce concept pour aller l’expérimenter chez eux mais ça n’a jamais marché.
En plus de la parenté à plaisanterie, nous avons les chefs coutumiers qui, en temps de paix comme en période de trouble jouent un rôle très important dans la stabilité du pays.
ArtBF : Avez-vous un dernier mot?
M.T : Je vous remercie d’abord d’avoir pensé au « M21 ». Je ne suis pas le seul acteur de la société civile. Je dis merci aux médias qui ont toujours été d’un apport considérable dans la visibilité de nos actions. Mais ce qui me tiens à cœur, c’est de dire au burkinabè que la cohésion sociale est très importante et que c’est un atout pour le Burkina.
Propos recueillis par Bernadette DEMBELE et Patrick COULIDIATY

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