Ouaga Film LAB : Les raisons d'une délocalisation

Après 06 ans d’activités au Burkina, Ouaga Film LAB se délocalise à Grand Bassam en Côte d’Ivoire pour sa 7ème édition. C’est ce que nous apprenons des sources proches du Collectif Génération Créative, une annonce qui n’est pas sans pincement au cœur au regard de l’impact de l’activité sur l’économie du pays. Ousmane BOUNDAONE le « CAÏD culturel » nous en donne les raisons :

Ousmane BOUNDAONE (O.B.) : Ouaga Film LAB la 7ième édition, après six(06) ans passés au Burkina a décidé de se délocaliser en Côte d’Ivoire dans la ville de Grand Bassam. Mais en fait, j’ai envie de dire que les choses arrivent tardivement  par rapport à ce qui était programmé dans le dossier initial. Ouaga Film LAB dès sa création en 2015,  ambitionnait de partir sur ce qu’on appelle un projet de préfiguration, un projet pilote sur trois ans pour voir comment le projet allait être accepté ou inséré dans l’écosystème du cinéma africain notamment, du cinéma burkinabè. C’était aussi de savoir comment il allait être adopté par les bénéficiaires et par les autorités burkinabè, etc.



Le temps de nous rendre compte, on avait déjà fait les 6 ans. En faisant aussi le point, il y avait beaucoup d’aspects positifs. Un des points positifs que nous avons réussi à capitaliser, c’est d’avoir  fait de Ouaga Film LAB un label. Aujourd’hui, beaucoup de films font référence à Ouaga Film LAB. Dans beaucoup de résidences  d’écriture, dès que vos projets proviennent de  Ouaga Film LAB, il a tout de suite les faveurs du comité de sélection.

Il y a assez d’engouement autour de Ouaga film LAB. Les gens, surtout les jeunes de toutes les régions d’Afrique nous font la pression. Nous sommes donc partis de l’Afrique de l’Ouest, ensuite on s’est ouvert à l’Afrique Centrale et depuis 2019, nous sommes  ouverts aux pays des Grands Lacs.

La crise sécuritaire, serait l’une des causes de la délocalisation

Alors, il se trouve que  depuis 2019 exactement à cause de la crise sécuritaire qui s’est installée, nos partenaires techniques ne pouvaient plus venir. Ce qui ne nous permettait pas de présenter Ouaga FILM LAB dans toutes ses dimensions à savoir favoriser les rencontres entre les décideurs et les porteurs de projets africains qui n’ont pas la possibilité de voyager. Si donc, ces porteurs de projets n’ont pas la possibilité de voyager et ceux qu’ils doivent rencontrer ne peuvent pas venir, on perd quelque chose. On a essayé donc de tenir le coup de 2019 jusqu’en 2021.

Donc à partir du bilan que nous avons fait, si nous voulons retrouver les fondamentaux de Ouaga Film LAB, faire en sorte qu’il soit toujours important pour les jeunes professionnels africains, il est important de réfléchir à un autre lieu que Ouaga pour la tenue de la résidence même si l’équipe qui mène ce projet siège à Ouaga et travaille à partir de Ouaga.

Aujourd’hui personne ne fait la différence. Nous avons déjà lancé la 7e édition  à travers l’appel à projet qui va se clôturer dans quelques jours. C’est le même engouement parce que toutes les inscriptions se font en ligne. Mais c’est la phase résidentielle elle-même qui ne se fera pas à Ouagadougou. Donc, c’est avec un peu de pincement au cœur que nous annonçons « La résidence de la 7ième édition de Ouaga FILM LAB à Grand Bassam en Côte D’Ivoire ».

Ouaga Film LAB un incubateur continental

Ousmane BOUNDAONE, Administrateur de Ouaga Films Lab

La particularité est que Ouaga FILM LAB pour la première fois  s’ouvre à toute l’Afrique. Donc les 54 pays d’Africains sont éligibles alors que nous étions 26 pays jusqu’en 2021.

La 2e particularité est que nous ouvrons la 7e édition  de Ouaga FILM LAB aux genres séries. La série télévisuelle va pouvoir bénéficier des atouts, des avantages, des offres et des services de Ouaga FILM LAB.

La 3e particularité est que nous passons de 10 à 12 projets. Ce qui signifie qu’au niveau des mentors nous passons de 5 à 6. Quand on sélectionne un mentor pour 2 projets et qu’on passe à 12 projets, il faut nécessairement aller à 6 mentors.

Enfin, nous intégrons un atelier de formation à la production de séries télévisuelles pour qu’on puisse avoir un spécialiste qui va accueillir les projets séries à  incuber. Voici les trois (03) principales particularités qui font de Ouaga FILM LAB un incubateur continental.

Délocaliser Ouaga film LAB en Côte d’Ivoire au moment où la chaine hôtelière burkinabè pour des raisons de Covid-19 et d’insécurité grandissante peine à trouver ses repères, c’est du coup les Etablissements Touristiques d’Hébergement (ETH), les Agences de Voyages et du Tourisme (AVT) et quelques emplois de subsistance pour les jeunes qui sont ainsi touchés. Qu’en pensez-vous ?

Pendant que nous préparions donc cette décision de délocalisation, nous et nos partenaires avions sur la table depuis 2019 un autre projet qui s’appelle « paspanga » qui a plus de moyens que Ouaga FILM LAB dont le budget est estimé à 100 millions de Francs CFA par an. C’est un budget annuel qu’on a jamais pu mobiliser.

Là, nous sommes sur un nouveau programme qui signifie « Paspanga » qui est un projet de renforcement des compétences du cinéma burkinabè’’.  Avec ce projet, nous sommes entièrement dédiés au cinéma burkinabè. Contrairement à Ouaga FILM LAB qui ne retenait que 02  projets burkinabè sur un total de 10, le projet « PASPANGA » ne sera ouvert qu’aux projets burkinabè tout corps de métiers de cinéma confondus et cela pendant deux ans.



 « PASPANGA » va permettre la production de 10 films de court métrage par an en faisant en sorte que les auteurs de ces films-là puissent intégrer des réseaux un peu comme ce qu’on faisait à  Ouaga FILM LAB. Pour le Burkina Faso, c’est un projet qui est de l’ordre de 610 000 euros. Donc au profit de l’économie burkinabè, vous avez des formateurs burkinabè qui vont être engagés et payés, des salles et des locaux pédagogiques qui vont être loués, des équipements et des plateaux techniques qui vont être financés. Aussi, des experts internationaux (autour de la vingtaine) vont occuper les hôtels pendant 10 à 15 jours chacun. Donc, ce sont le cinéma burkinabè, l’économie burkinabè et le tourisme burkinabè qui en profiteront.

Le seul  pincement au cœur que nous avons dans cette délocalisation, c’est pour le pays même et non la délocalisation de Ouaga FILM LAB en tant que tel.  Cette situation sécuritaire du pays doublée de l’instabilité politique du fait du régime de transition est préoccupante. On doit tous travailler à restaurer cette situation socio-politique et sécuritaire pour que le Burkina retrouve sa bonne ambiance.

Avez-vous omis des éléments  ? 

La seule chose que j’ai envie d’ajouter, est qu’en comparant le projet Paspanga et Ouaga FILM LAB qui sont des projets que nous portons souvent avec beaucoup de sacrifices, avec beaucoup de promesses notamment de nos autorités politiques, on souhaite avec ce nouveau régime qui est en place qu’on passe vraiment du discours à l’action. Ce que nous déplorons, c’est de considérer la culture comme un divertissement et ça c’est grave ! Les problèmes que nous vivons actuellement : sécuritaires, cohésion sociale, le vivre ensemble sont  les  conséquences d’un manque de considération ou d’une négligence de notre culture qui n’a toujours pas été suffisamment soutenue. Nos autorités politiques sont plus dans les discours mais pas de façon concrète.

Propos recueillis par Stéphanie OUATTARA

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