Pascal Yemboini Thiombiano, Directeur de la TNB

Pascal Yemboini Thiombiano, Directeur de la TNB

“j’ai l’impression que l’époque des grandes productions, des films à grands budgets et à coût de milliards est dépassée. Je veux parler des films comme BUUD-YAM, KINI et ADAM’S, et autres grosses productions qui faisaient la fierté du Bukina Faso…”

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Pascal YEMBOINI ( P.Y.T ) : Pascal Yemboini THIMOBIANO. Après un DEUG de psychologie à l’Université de Ouagadougou, j’ai poursuivi mes études dans le domaine de la communication, particulièrement à l’Université d’Abidjan (République de Côte d’Ivoire), où j’ai obtenu une License et une maîtrise de communication avant de faire un D.E.S.S à l’Université de Ouagadougou avec le Professeur Balima . Directeur de la Télévision Nationale du Burkina depuis février 2009, J’anime tous les dimanches une émission intitulée “ACTU-HEBDO” qui est une sorte de “TOP SHOW, au cours de laquelle je reçois des personnalités de divers horizons. Mais avant, c’est-à-dire entre Mars 2006 et février 2009, j’étais à la fois rédacteur en Chef et présentateur des journaux télévisés de 13h, de 20h et de 22h. Je suis marié et père de deux filles.

ART : Revenons aux Galians 2010 pour savoir le thème ou la catégorie pour laquelle vous avez compéti.

P.Y.T : Voilà ! Ça me permet de lever l’équivoque. En réalité, je n’ai pas été primé sur un thème puisque je n’ai pas déposé d’œuvre particulière. C’est l’Assemblée Nationale qui a estimé que le travail fait tous les dimanches au niveau de l’émission “ACTU-HEBDO” méritait récompense. C’est donc un travail d’ensemble qui a été récompensé et j’en profite pour dédier ce prix à toute l’équipe qui m’accompagne dans la réalisation de l’émission : cameramen, preneurs de son, ingénieurs vidéos, réalisateurs et tous les journalistes qui ne cessent de me donner des idées et de me faire des suggestions sur le choix de mes invités. Je crois que c’est la télévision nationale toute entière qui a été récompensée à travers ce prix, pour une émission faite par un groupe et non par un individu.

ART : Si ce n’est pas indiscret, à combien remonte votre l’enveloppe ?

P.Y.T : On m’a dit que j’avais 500 000 franc CFA soit environ 763.35 Euro. Je ne suis pas encore rentré en possession de cet argent. Mais du côté de l’assemblée, on me confirme que ce serait chose faite. De l’utilisation de cette somme, je verrai bien … je n’en sais rien encore.

Art: Qui peut être invité à l’émission Actu-Hebdo ? Quels sont vos critères de choix ?

P.Y.T : Ecoutez ! Les critères de choix de mes invités sont de trois ordres. D’abord en fonction de l’actualité. A l’occasion par exemple d’une journée du paysan, vous conviendrez avec moi qu’il est plus indiqué d’avoir un invité qui a le profile du monde rural (agriculture, ressources animales) pour coller un peu à l’actualité.
Ensuite, il y a des gens qui viennent vers nous de façon spontanée. Après échanges, si nous estimons qu’ils ont un bon profile susceptible d’intéresser le grand public, nous n’hésitons pas à les recevoir.
Enfin, il y a des personnes qui nous sont suggérées par des citoyens Lambda ou des journalistes. Je rappelle que le passage à l’émission “Actu-Hebdo” est totalement gratuit. Il n’y a donc pas de conditions particulières pour y venir.

Art: N’avez-vous pas l’impression que ces prix sont souvent complaisants ?
P.Y.T :
Non ! on ne peut pas parler de complaisance. C’est vrai qu’il y a toujours quelque chose à redire dans toute œuvre humaine de manière générale. Rien n’est pas parfait !. Mais Il faut tendre vers l’excellence. Moi je suis convaincu que les Galians tendent au file des années vers l’excellence. Je suis sûr que la première édition des Galians n’a pas été aussi bien réussie que cette 13ème édition. Plus le temps passe, plus on essaie d’affiner et de corriger les imperfections. Ce qui est sûr, l’idée première n’est pas de faire de la complaisance. Il faut reconnaître qu’il est matériellement difficile de suivre le travail d’un journaliste de la presse écrite, de la radio ou de la télévision et décider de le primer. Mais je reste persuadé que la situation va évoluer pour prendre en compte plus d’objectivité et de professionnalisme dans le choix des œuvres à primer. Le petit disfonctionnement constaté au cours de cette 13è édition, n’est pas sciemment fait ; ce n’est pas non plus un groupe d’amis qui se retrouve pour se récompenser mutuellement. C’est peut être lié aussi à un contexte de difficultés matérielles.

ART : Le Jury a –t-il une jauge, une sorte de feed-back qui lui permet d’apprécier l’impact d’une émission ou d’un reportage sur le public cible avant de primer ?

P.Y.T : Ecoutez ! Je pense que dans toute compétition il y a toujours une forme de subjectivisme. Est-ce que le Jury qui a primé le film “TEZA” au FESPACO a pris le temps d’avoir un feedback du public pour savoir si ce prix méritait ou non ce qu’on lui a octroyé. A mon avis, il y a cette part de subjectivisme qu’il faut concéder aux organisateurs de compétitions. A aucun moment, on ne dira qu’une œuvre mérite à 100%. De mon point de vue, les œuvres primées aux Galians sont des œuvres de belles factures qui ont sans doute touché d’une certaine manière les auditeurs, les téléspectateurs et les lecteurs.
C’est vrai qu’il y a toujours quelque chose à redire dans toute œuvre humaine de manière générale. Rien n’est pas parfait !.
Pour ce qui est du cinéma, j’ai l’impression que l’époque des grandes productions, des films à grands budgets et à coût de milliards est dépassée.

Art; Mr Ablassé OUEDRAOGO dans l’Actu Hebdo enregistré le 8 mai 2010 disait que les KORA tenus dans notre Capitale n’auraient rien apporté au Burkina… Qu’en pensez-vous ?Cela fait déjà quelques années que vous êtes aux commandes de la Direction de la Télévision Nationale …
P.Y.T : Non, pas quelques années… ! C’est juste un an et demi (rires) !

ART : Merci pour la précision. Hier vous étiez journaliste présentateur à la RTB, aujourd’hui vous êtes à la tête de la même maison, quel est l’état de vos nouveaux rapports avec vos amis et collègues d’hier ?

P.Y.T : Nous entretenons de très bons rapports. Notre chance, c’est qu’on se connaissait déjà et nous avons encore la chance de travailler ensemble. De ce point de vue, on peut dire que c’est déjà un avantage !. Je note que nous sommes dans une maison où les agents sont responsables et savent à un certain moment mettre des limites (je n’ai pas besoin de le leur rappeler). Même quand une certaine familiarité s’installe entre nous, je note avec satisfaction que le respect de la hiérarchie et de la fonction que j’occupe est observé ; cela fait qu’il n’y a véritablement pas de problème entre nous. C’est donc un double avantage pour moi parce que je connais la maison, je connais les agents et je n’ai pas besoin de faire venir une audite pour qu’on me dise que tel service va ou ne va pas. De façon générale, je confirme que les relations avec le personnel sont excellentes.

ART : Nous sommes un site web qui veut donner plus de visibilité à nos artistes. A ce titre nous aurions bien voulu avoir vos appréciations sur le paysage culturel burkinabé (du point de vue musique, théâtre et cinéma).
P.Y.T : Pour ce qui est du cinéma, j’ai l’impression que l’époque des grandes productions, des films à grands budgets et à coût de milliards est dépassée. Je veux parler des films comme BUUD-YAM, KINI et ADAM’S, et autres grosses productions qui faisaient la fierté du Bukina Faso. L’époque de ce genre de films est plus ou moins passée. Fort heureusement, il y a une nouvelle génération de jeunes cinéastes qui travaillent avec des supports vidéo, qui ont leurs avantages et peut-être aussi leurs inconvénients mais qui, tant bien que mal font vivre le cinéma burkinabé. Ouagadougou, quoi qu’on dise reste la capitale du cinéma africain. De ce côté, on peut se réjouir. Il faut maintenant que les cinéastes tendent vers plus de professionnalisme car n’importe qui n’est pas cinéaste, n’importe qui n’est pas réalisateur. Ceux qui veulent s’essayer à ce métier gagneraient à faire des formations avant de passer à la caméra.

ART : C’est vrai que les moyens de production s’amenuisent et c’est aussi vrai que nous irons difficilement à CANNES parce nos films ne seront plus compétitifs?
P.Y.T : Oui, ça c’est vrai ! c’est un peu dommage. Mais je crois que ça viendra. C’est une période difficile que traverse le cinéma africain de façon générale. Je ne suis pas cinéaste, mais j’ai cru comprendre que les pays du nord qui finançaient habituellement le cinéma africain ont réduit considérablement les fonds. Mais quand il n’y a pas d’argent, il faut s’adapter. Néanmoins, je salue l’esprit d’initiative de tous ces jeunes talents qui n’hésitent pas à utiliser de petits moyens pour produire des œuvres d’assez belles factures. Bien évidemment, ces œuvres n’iront pas aux compétions de Cannes mais je reste convaincu dans les années à venir, qu’on aura une ou deux œuvres majeures pour représenter dignement le Burkina au FESPACO, au festival de CANNES ou dans d’autres instances cinématographiques.
Au niveau de la musique, nous avons de jeunes talents qui vendent de milliers d’albums. C’est un grand record sans précédent ; et c’est réconfortant de constater que tout se passe dans une saine émulation.
Au niveau du théâtre aussi, on a des pionniers comme Jean Pierre GUINGANE, Prosper KOMPAORE qui font découvrir le Burkina dans ses multiples facettes. Dans ce milieu, il y a également de jeunes talents qui émergent et qui proposent d’autres types de tribunes. Je crois que tout cela est positif et c’est de bonnes guerres pour la culture burkinabé de façon générale.

Art : Quelle est aujourd’hui la stratégie de la nouvelle équipe de la RTB dans le cadre de la promotion de nos artistes ?
P.Y.T : Notre stratégie est simple. Nous accompagnons dans la mesure du possible les artistes burkinabés. La télévision étant un puissant moyen de communication, nous incitons les jeunes talents à produire et à “clipper” leur production. Nous sommes en télévision, tant qu’on n’a pas un clip, il nous est difficile de faire la diffusion de l’œuvre dans la mesure où en télévision, il faut montrer le son et l’image. A ce sujet d’ailleurs, nous avons un service des programmes qui reçoit les œuvres des artistes que nous diffusons gratuitement !. C’est vrai qu’il fut un moment où la musique étrangère prenait le dessus sur la musique locale sur nos antennes. Eh bien aujourd’hui, si vous remarquez, nous avons totalement inversé la tendance et l’accent est mis en priorité sur les œuvres nationales. Ce n’est pas une manière de se replier sur soi, mais il s’agit plutôt de donner à la musique burkinabé la place qui est la sienne dans le paysage audio visuel. Ce ne sont pas les Ivoiriens, les Gabonnais, les Béninois ou les français qui feront la promotion de FLOBY, de WENDY ou de DEZ ALTINO. C’est d’abord nous burkinabé, à l’interne, qui devons consommer les œuvres de ces jeunes artistes et qui devront les promouvoir. Au niveau donc de la télévision et dans le cadre justement de la promotion des artistes, nous avons créé un certain nombre d’émissions culturelles musicales (Cocktail, Reemdoogo) qui permettent au public de découvrir nos richesses culturelles.

ART : Que pensez-vous des téléspectateurs qui disent : qu’ « Aujourd’hui, il vous suffit d’aller voir un Home Studio et avec un peu d’argent, on vous fait une petite musique et vous chantez n’importe quoi. Puis, vous vous débrouillez faire un clip et vous voilà à la télévision… Et votre carrière s’arrête justement à la télévision…. » !
P.Y.T : Je pense que nous sommes dans une étape charnière. Nous sommes conscients que les moyens de nos artistes sont limités et nous essayons tant bien que mal de les accompagner. De ce fait, nous n’allons pas demander à nos artistes de réaliser leurs clips à HOLLYWOOD ou à la Tour Eiffel avant de les diffuser sur la RTB. Cependant, nous avons mis en place un comité de sélection des œuvres qui passent à l’antenne. De manière générale, toutes les œuvres qui sont diffusées sur la Télévision Nationale sont acceptables. Mais quand l’œuvre ne vaut vraiment pas la peine, surtout du point de vue technique, nous ne la diffusons pas. Je confirme ici que la télévision nationale ne diffuse pas tout, et n’importe quoi.


ART : Mr Ablassé OUEDRAOGO dans l’Actu Hebdo enregistré le 8 mai 2010 disait que les KORA tenus dans notre Capitale n’auraient rien apporté au Burkina… Qu’en pensez-vous ?

P.Y.T : C’est son point de vue à lui que nous respectons ! Je suis sûr que si un sondage était fait au Burkina Faso, on aura des gens qui diront qu’ils apprécient énormément ce qui a été fait à la faveur des KORA. C’est une manifestation d’envergure nationale qui permet de découvrir un pays, qui permet de faire parler d’un pays. A partir du moment où des dizaines de caméras sont braqués sur ce pays, des articles et des reportages de presse qui parlent du Burkina Faso qui abrite les KORA ; à mon avis, ce n’est pas mauvais pour un pays comme le Burkina qui n’est pas très connu sur la scène internationale et qui a de grands objectifs en matière de développement. Pour une fois on ne parlera pas de l’Afrique en termes de misère, de famine, de maladie et en termes de tremblement de terre ou de guerre. Les KORA au Burkina, je crois que c’est une fenêtre, une opportunité de communication qui a été offerte à notre pays. De mon point de vue, je “positive” dans l’ensemble. Rien n’est parfait. Il faudra peut-être revoir l’organisation et mettre un certain nombre de balises pour minimiser les aspects négatifs. Mais dans l’ensemble, l’idée d’organiser les KOARA au Burkina n’est vraiment pas une mauvaise chose. Je note que Monsieur Ablassé OUEDRAOGO est libre également de son point de vue.
Merci et tous nos encouragements à Artistebf que nous lisons régulièrement sur la toile.

Aout 2010

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