ZUENY BLACK : le ras-le bol d’un artiste musicien burkinabé

ZUENY BLACK : le ras-le bol d’un artiste musicien burkinabé

Zoué Windyelgo Fulbert KABORÉ alias ZUENY BLACK est un auteur compositeur et producteur. Après la Côte d’Ivoire, cet artiste a regagné le bercail pour contribuer aux côtés de ses frères à la promotion de sa culture. Malheureusement, il y trouve une réalité toute différente. Dans cet entretien, il lève un coin de voile de son ras-le-bol et recommande au Ministre de la culture d’importantes suggestions.


Artbf: En quelle année avez-vous débuté votre carrière musicale ?
Z.B.: J’ai commencé ma carrière musicale en 2005 à Abidjan avec un maxi intitulé “MAMAN “, un titre qui n’a pas beaucoup marché. J’ai deux albums à savoir “Positive” et “Le pouvoir à changer de camp”. Le 1er est sorti en 2014 et le deuxième en 2015. Dans “Positive” je conseille toujours d’être positif quelle que soit la situation. Nous sommes des générations conscientes donc, il ne faut pas céder au découragement. Quant au second album, “Le pouvoir a changé de camp ” ; c’est une manière de prendre l’opinion publique à témoin « que plus rien ne sera comme avant”. Je parle du passé, du présent et du futur…
Artbf: Pourquoi le Reggae plutôt que d’autres genres ?
Z.B.: Je fais du reggae surtout. J’ai aimé le reggae parce que j’aime toujours parler de la réalité. La musique aujourd’hui perd sa couleur parce que celle qui est prisée et très jouée par de nombreux artistes musiciens burkinabé est une musique qui ne nous ressemble pas; donc qui ne peut pas nous avancer. Je ne critique personne. La musique conseille, éveille, unie mais elle ne divise pas. Si vous voulez, le reggae est le genre musical qui me permet de m’exprimer le mieux et c’est pourquoi, j’y suis resté. Sinon, j’évoluais dans la “rap”.
Artbf: Pourquoi avez-vous quitté la Côte d’Ivoire pour le Burkina, un pays où la production audio-visuelle semble plus développée ?
Z.B.: Merci pour la question. Dans la vie, au lieu de faire marcher ce qui marche déjà bien, il faut plutôt faire marcher ce qui ne marche. Il faut montrer aux uns et aux autres, que ce qui marche en Côte d’Ivoire peut aussi bien marcher au Burkina; ce n’est pas une fatalité ! En revenant au Burkina, je veux faire comprendre à mes frères que le tout n’est pas d’aller en Côte d’Ivoire pour réussir; la réussite ou le succès est aussi possible chez nous.
Artbf: Et comme difficultés
Z.B.: Depuis que je suis rentré de Côte d’Ivoire, je n’ai pratiquement pas eu de médias qui parlent de ma carrière. C’est aussi compliqué, avoir des occasions pour prester. J’ai maintes fois demandé des audiences pour rencontrer le ministre en charge de la culture mais en vain… Ne sachant plus quoi faire, j’ai recherché le site web Artistes.bf sur lequel j’ai laissé un poste sur le forum. Je l’ai fait afin d’attirer l’attention du public et de ce média culturel sur ma condition d’artiste. C’est impensable que je rentre au pays dans l’intention de contribuer à la promotion de ma culture et qu’on me laisse isoler de la sorte. J’avais envie d’un canal pour m’exprimer et dire ce que je ressens… Les artistes burkinabé souffrent et souvent, on a même envie d’abandonner.
Pourquoi notre musique n’avance pas ? Nous mettons plus d’argent dans les festivals au détriment de la promotion des artistes. Beaucoup de promoteurs sous le manteau des festivals soutirent de l’argent au ministère de la culture. Pendant ce temps, les artistes triment et continuent de jouer à 5000 frs CFA (le prix du carburant) quand les promoteurs ont pitié de toi. Mais attendez ! On a aussi des familles à nourrir! Quand ta famille te voit constamment à la télé, elle croit que tu gagnes maintenant de l’argent alors que tu ne peux même pas donner 250 frs CFA, ” à ta maman; ce n’est pas sérieux! Il y a des promoteurs de spectacles qui sont capables d’inviter au Burkina des artistes étrangers à 30.000.000 frs CFA. Pendant ce temps et sur le même plateau, des artistes nationaux prestent à 25 000 frs CFA. Je voudrai la poser la question de savoir si les 30 millions empochés par l’artiste étranger peuvent construire le Burkina ? Est-que ces 30 millions profitent-ils à un burkinabé ? Il faut qu’on réfléchisse car pour construire un pays, ça se passe dans la tête. Si les 30 millions étaient revenus à un artiste burkinabé, ça peut aider le Burkina en termes d’investissement et de création d’emplois.
Artbf: De quoi parlez-vous dans votre musique?
Z.B.: Je parle d’amour, de courage et de ma vie privée. Certes que nous ne sommes pas de politiciens, mais nous ne sommes pas loin de là non plus; parce qu’à travers la musique, on est amené souvent à parler de la politique.
Artbf: Quelles sont vos suggestions pour de meilleurs lendemains ?
Z.B.: J’aimerai dire au ministre de créer des maisons de productions qui peuvent encadrer les artistes au lieu d’investir dans les festivals. Parfois les artistes négocient pour jouer… Il existe des spectacles au Burkina qui sont capables d’inviter des artistes et leur payer 30 millions et pourtant ces millions ne construisent pas le Burkina. Je parle à la jeunesse; il faut préserver la paix. Je félicite les hommes de média, la radio et la presse. Ils nous encouragent beaucoup.b4-3.jpg
L’un des importants actes qu’un être humain puisse faire, c’est de pardonner, d’accepter et de respecter les autres. Pour tester le climat social d’un pays, il faut être dans la circulation. Même en France, pour savoir comment va ce pays, observez bien la circulation à Paris. Si les usagers en circulation se tolèrent, c’est qu’il y a la paix. Mais si vous constatez que chacun est énervé et roule à sa manière, sachez que quelque chose ne va pas. Aujourd’hui au Burkina, tout le monde connaît le fameux slogan “Ta mère Con !”; ce langage ordurier dit tout sur nos mentalités et notre capacité à tolérer autrui. Je crois que notre combat n’est pas à nous chamailler; le progrès n’est pas là. Il faut que les fils et filles du Burkina s’asseyent, se parlent pour comprendre ce qui ne va pas et se pardonnent.
Avant de terminer, j’aimerai dire merci aux hommes de médias (presse écrite et en ligne, radio et télé) pour le travail qu’ils abattent dans le cadre de la promotion des artistes. Merci encore à Artistes.bf pour ce qu’il fait pour la musique burkinabé.
Propos recueillis par Patrick Couldiaty

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