Jean Michel FRODON, Journaliste

Jean Michel FRODON, Journaliste

Jean Michel FRODON est journaliste et un critique de cinéma. Il était à Ouagadougou où il a donné du 1 au 6 avril 2015, un Master class à l’Institut IMAGINE au profit des journalistes et des acteurs du cinéma. La formation qui a porté sur l’histoire du cinéma, a permis aux participants de voir les différentes techniques filmiques et de comprendre surtout la fonction de la critique du cinéma. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Jean Michel FREDON donne son appréciation d’ensemble sur le cinéma en Afrique. Pour notre lui, le “cinéma africain n’existe pas “. Lisez plutôt !

Jean Michel FRODON (J.M.F)
“Je suis journaliste et critique de cinéma. J’écris dans l’hebdomadaire “le point”, dans le quotidien “Le Monde”. J’ai aussi dirigé le mensuel “Les Cahiers du Cinéma”. Enfin, j’écris aujourd’hui sur le site internet slate.fr; mais je suis aussi professeur notamment à sciences Po.
Artistebf : Nous venons de terminer un Master class sur la critique de cinéma sans savoir véritablement ce qu’est la critique. Pouvez-vous dire un mot sur la critique ?
J.M.F : D’abord, je dirai que la critique a existé avant le cinéma parce que la critique de cinéma, est une forme de critique d’art. Il y a eu des critiques de pâtures, de musiqueet de littérature avant même qu’on ait inventé le cinéma. C’est quand on a compris que le cinéma était un art qu’il y a eu des critiques de cinéma comme il y en avait déjà pour les autres arts. Les critiques de cinéma sont des gens qui font un travail un peu particulier qui consiste à accompagner des œuvres d’art avec de l’écriture. En tant que critique de cinéma, mon travail n’est pas de dire aux gens ce qu’ils doivent penser ou si ce qu’ils font est bien ou mal. Mais c’est surtout de traduire les émotions que j’ai eues en voyant des films avec des mots qui essaient de décrire ces émotions, de réfléchir sur la cause de ces émotions et de leur effet.

Art : Que faut-il faire ressortir lors d’une critique d’un film?
J.M.F : Il faut faire ressortir ce que l’on a ressenti personnellement en voyant ce film et ce qui fait que c’est cela que j’ai ressenti dans ce film-là. Comment le réalisateur, les acteurs, le décor, l’histoire, la lumière, la musique font des effets qui, à un moment donnent un résultat et me touchent. Ce que j’ai ressenti moi-même, c’est quelque chose qui touche et intéresse aussi les autres lecteurs ou cinéphiles.

Art : Quelles appréciations faites-vous du cinéma africain?
J.M.F : “Le cinéma africain” n’existe pas mais des films qui sont faits en Afrique. Par contre, il existe des films burkinabé, sud-africains, égyptiens, sénégalais… mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose pour eux de tout mélanger sous l’étiquette “africaine” et de les appeler “le cinéma africain”. Le “cinéma européen” par exemple, ça n’existe pas; le cinéma asiatique, je ne sais pas ce que c’est non plus; le cinéma chinois est très différent du cinéma coréen et il est très différent du cinéma iranien. Il y a de beaux films qui arrivent d’Afrique, il y en a qui correspondent à ce qu’attend le public international.
C’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup de films qui vont à cannes, mais les films de Mahamat Saleh Haroun font quand même l’exception. Le plus important n’est pas de faire occasionnellement un beau film mais qu’il y ait une industrie du cinéma, un système qui aide le cinéma. Pour le moment, le seul pays africain que je connaisse et qui a fait de gros investissements sur le cinéma, c’est le Maroc. C’est le seul pays jusque-là qui a développé tout un système d’aide à la production de films mais ils ont fait une erreur en n’aidant pas les salles de cinéma alors qu’ il faut soutenir les salles de cinéma sinon, on fera des films sans pouvoir les voir.

Art : Un film à Cannes, est-ce forcément les moyens ?
J.M.F : Il faut commencer par ôter de notre esprit toute idée de faire un film parce qu’on tient à aller à Cannes; il faut plutôt commencer par réaliser de bons films. Après, ce sera le travail du festival de Cannes de venir les chercher en Afrique parce que ce sont de bons films. Si l’on se passe le temps à se demander quel film réaliser pour aller à Cannes, on ne va jamais faire de bons films. On fera peut-être un film artificiel, truqué, rusé; mais il n’ira pas à Cannes parce qu’on n’aura pas fait un cinéma intéressant. A mon avis, c’est une mauvaise façon de poser le problème en cherchant à aller en compétition à Cannes. Le problème est de savoir s’il y a des gens en Afrique qui ont des histoires à raconter; évidemment c’est oui ! Mais est-ce qu’il y a des gens qui, pour raconter ces histoires ont une sensibilité qui est celle du moyen cinématographique et qui ont la raison d’utiliser le cinéma plutôt que de faire de la peinture, de la littérature ou de la musique… ?
P.K

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