Boris ZAKOWSKY, Attaché Audiovisuel Régional

Boris ZAKOWSKY, Attaché Audiovisuel Régional

Cette semaine, nous sommes à l’Ambassade de France au Burkina; précisément au Service de coopération et d’action culturelle. C’est là que travaille Boris ZAKOWSKY, l’œil et l’oreille de l’Ambassade voire de la France en matière de Coopération et d’Action Culturelle au Burkina Faso. Avec ZAKOWSKY, nous avons échangé sur ses attributions, la mission de son service, les visas octroyés aux artistes et sur le paysage audio-visuel du Burkina. Mais bien avant, notre invité nous parle de son parcours professionnel et de son amour irrésistible pour l’Afrique.

Boris ZAKOWSKY (B.Z ): Je suis Attaché audiovisuel régional basé à Ouagadougou. J’ai en charge 4 pays : le Burkina Faso, le Cote d’Ivoire, le Mali et le Niger. Je dépends du Ministère Français des Affaires Étrangères. Mais ayant un goût pour l’Afrique depuis plus d’une vingtaine d’années, j’ai effectué mon service militaire dans le cadre la coopération française, au Centre Culturel Franco- Nigérien (CCFN). C’était la première fois que je découvrais l’Afrique et depuis lors, ce continent ne m’a pas quitté. J’ai exercé dans le domaine de la télévision. De retour à Paris, j’ai servi à France 2 où j’étais chargé de production d’émissions d’informations, de sports, de divertissement et de magazines. J’ai également servi à Canal France International (CFI) dans le cadre de la coopération audio-visuelle avec les médias africains. Enfin depuis trois ans, je suis attaché audiovisuel régional, basé à Ouagadougou au Burkina Faso.
Artistebf (ART. ? Vous êtes au Burkina Faso depuis trois ans, pouvez-vous nous faire le point de ce B.Z : qui a été fait dans le cadre de la coopération culturelle?
Il y a des choses qui ont été faites depuis les années 60. Il y a constamment des choses qui sont faites par la Coopération Française, notamment un appui aux réalisateurs. Je peux dire que 90% des films qui ont marqué le paysage cinématographique en Afrique de l’ouest ont bénéficié d’un financement français ou des fonds du Nord. C’est le cas par exemple des films d’IDRISSA OUEDRAOGO et de Gaston KABORE. Aussi, des activités régulières, notamment des projections de films et des formations, sont organisées régulièrement à l’Institut français de Ouagadougou.
ART. : Notre question était surtout de savoir ce que l’Attaché Culturel BORIS ZAKOWSKY a développé comme initiative dans le cadre de la coopération française sur le plan culturel ?
B.Z : C’est difficile parce que je ne peux pas dire ce que j’ai fait en trois ans; car ART. : je suis dans la continuité de ce qui a été fait avant moi et de ce qui sera après. C’est un travail que je fais au fil de toute l’année en termes de conseils et d’informations apportés aux réalisateurs et aux producteurs sur les financements, les festivals, les appels à candidatures. Tout au long de l’année, j’accompagne, j’informe les producteurs et je les aide à trouver les meilleurs créneaux pour diffuser leurs œuvres, parfois trouver des partenaires pour coproduire. Je dirais que je suis un facilitateur, quelqu’un qui met de l’huile dans les rouages pour faire avancer les projets et aider à la professionnalisation du secteur. C’est ce cadre que s’est inscrit le Rendez-vous sur les séries africaines organisées en février 2014 à l’institut français de Ouagadougou. A une autre occasion, nous avons pu favoriser la rencontre de deux réalisatrices française et burkinabé dont le regard portait sur le travail des sapeurs-pompiers. C’était à la fois une façon de confronter deux regards (français et africain) sur la même thématique et rendre hommage aux pompiers. Mon travail consiste au quotidien à aider les acteurs du cinéma à la hauteur de nos moyens qui sont il faut le dire, en baisse actuellement.
ART. : Visiblement, la musique n’est pas inscrite dans votre domaine d’action !
B.Z : Oui! Je le regrette parce que voilà bien une sphère au Burkina Faso qui fonctionne bien avec de nombreux talents, des styles musicaux très différents, on le voit à travers tous les festivals qui existent. Malheureusement, je ne m’en occupe pas trop; mais j’essaie quand même de faire en sorte que la SACEM sensibilise les gens sur les droits d’auteurs. A Abidjan par exemple, on a fait une action dans ce sens, sur les droits d’auteurs, avec des artistes et des sociétés d’auteurs. C’est vrai que la musique n’est pas mon domaine, mais je suis très sensible à cette sphère artistique et au respect des droits d’auteurs.
ART. : Quel est votre appréciation sur l’effervescence culturelle au Burkina Faso?
B.Z : Musicalement, je trouve qu’il y a vraiment un vivier d’artistes dans des registres très différents. J’ai l’impression que ça marche bien; malgré la faiblesse des cachets des artistes et la difficulté pour ces artistes à exporter leur musique. Mais en termes de créativité, je trouve que ça marche bien.
Sur le plan de l’audiovisuel, je dirais qu’il y a une très forte notoriété du Burkina au niveau de son histoire cinématographique, avec surtout le FESPACO. Mais en réalité, il y a très peu de créations qui reflètent un niveau de langage audiovisuel élaboré. Je suis d’avis qu’il faut encourager certains films burkinabé qui sont bien maîtrisés même s’ils sont dans un schéma économique précaire. Mais ce n’est pas toujours rose parce qu’il y a des projets dont l’écriture est trop faible; des projets où il manque des intrigues, voire un scénario. Ces projets qui demandent à tout reprendre parce que les auteurs sont dépourvus et de formation et de moyens.
Ensuite, nous avons des films burkinabé qui sont bien maîtrisés; des films dont les thématiques reposent souvent sur des drames, des intrigues sociales et familiales, un peu à la manière de « romans-feuilletons ». Ce sont des films qu’il faut encourager parce que les réalisateurs de tels films réussissent tout de même à s’en sortir.
Enfin, il y a des cinéastes qui sont vraiment reconnus, qui sont sortis des difficultés de la précarité en Afrique et sont donc dans une autre économie. Je veux parler par exemple de Moussa TOURE, Alain GOMIS, Abderrahmane SISSOKO, qui ont des coproducteurs français et qui bénéficient de plusieurs guichets de financement, majoritairement du Nord, dont l’aide du CNC (Centre National du Cinéma et de l’image animée) français.
ART. : Que dire maintenant des salles de cinéma qui se ferment ?
B.Z : C’est regrettable tout simplement ! Heureusement, le Burkina Faso fait partie des pays africains où il y a encore des salles de cinéma. On peut être aujourd’hui optimiste parce que le matériel de projection numérique est de plus en plus abordable. Nous avons la salle de l’Institut français qui vient d’être équipée d’un matériel vraiment haut de gamme mais trop cher pour un particulier. A mon avis, il faut aussi une réelle volonté politique des pays Africains pour réhabiliter leurs salles.
ART. : Et que peut faire la Coopération Française dans ce sens ?
B.Z : Pour ces salles-là, pas grand-chose. On n’a pas assez de moyens, c’est la triste réalité ! Il n’y a pas pour l’instant de financement de la France pour aider à la réhabilitation des salles de cinéma africaines. Mais déjà, il y a la salle de l’Institut français qui est là et qui fait 191 places. A Abidjan, il y a un privé qui a repris la salle de cinéma de l’hôtel Ivoire avec 400 places, magnifique, avec une projection numérique de dernière génération. L’ouverture s’est passée le 17 avril 2015. A Bamako, il y a un entrepreneur camerounais qui a repris deux salles (le Ciné Magic, ex- Babemba). Au Burkina, on peut aussi citer le projet « Il faut sauver le Ciné GUIMBI » à Bobo Dioulasso, avec Berni Goldblat, qui a eu des aides de la coopération suisse.
ART. : Avez-vous la liberté de proposer à la Coopération Française des idées pour améliorer un secteur donné?
B.Z : J’ai la liberté de proposer, mais les moyens restent néanmoins réduits. C’est aussi aux structures publiques africaines d’aider leur cinéma. La France est une aide parmi d’autres qui a été très généreuse dans les années 80, 90, mais qui l’est moins maintenant. Il faut faire avec. Pour votre information, sachez que le Sénégal vient de doter son Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (FOPICA) de la somme d’un milliard de francs CFA .
Les artistes musiciens ont souvent des difficultés à obtenir des visas pour aller à l’extérieur; comment cela se passe ?
Nous aidons les artistes dès lors qu’ils sont invités par des festivals et qu’ils sont payés. Dès lors qu’il y a un engagement financier, nous les aidons à se rendre sur leur lieu de festival.
ART. : Quel message laissez-vous au monde de la culture Burkinabé?
B.Z : Je dirais que la qualité payera, c’est-à-dire qu’il faut avoir des films avec des écritures ambitieuses, dans des formats divers. Après reste l’équation économique qui reste très difficile : qui finance le film ? et comment dégage-t-on du bénéfice ? Mais je dirais qu’il faut miser sur des écritures innovantes. Donc, accrochez-vous, soyez singuliers, revendiquez votre culture Burkinabé, osez des écritures innovantes et différentes car l’Afrique d’aujourd’hui est riche et pleine de diversités qu’il faut exploiter.
Artistebf, Avril 2015

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