Roukiata OUEDRAOGO, Humoriste burkinabè

Roukiata OUEDRAOGO, Humoriste burkinabè

Il ne manquait plus que cette création pour convaincre les plus sceptiques de la capacité des burkinabé à créer et à faire rêver leur public. Le paysage burkinabé ces dernières décennies s’est enrichi avec l’arrivée de nouveaux talents. Au rang de ces talentueuses et talentueux créateurs, figure la Comédienne – Humoriste Roukiata OUEDRAOGO, affectueusement appelée “Petit Modèle”. Le 1er février 2015, elle était à l’Institut Français de Ouagadougou où le public a pu voir son spectacle ” Ouagadougou Pressé”.
Auteur également de “Yennenga, l’épopée des Mossé, Roukiata OUEDRAOGO que nous avons rencontrée parle de sa carrière et prodigue des conseils à toutes les filles qui voient en elle “un Petit modèle ” dont elles pourraient emboîter les pas. Nous remercions Stéphane Eliard (l’époux de Roukiata) qui nous a été d’un précieux secours pendant cet entretien. Voici donc le portrait de l’artiste :

Roukiata OUEDRAOGO ( R.O.) : Mon nom d’artiste est Roukiata OUEDRAOGO, mon nom de femme mariée Roukiata Eliard. Je suis comédienne, humoriste, dramaturge puisque j’écris mes pièces moi-même et chroniqueuse télé. Je vis en France mais je suis d’origine burkinabé.

Artistebf (Art) : Malgré le succès, Roukiata ne se prend pas la tête; elle ne se dépigmente pas pour être belle ni pour attirer des hommes. Même sans dépigmentation, vous avez gardé une très belle peau. Quel est le secret ?
R.O. : Il ne m’ait jamais passé par la tête de me dépigmenter. Les effets sont très dangereux. J’utilise des crèmes très simples. Il faut rester soit même. On n’a pas besoin de se dépigmenter pour avoir l’homme idéal. Ayant travaillé comme maquilleuse dans un centre de beauté, je peux vous prodiguer quelques conseils. Le matin à votre réveil, il est conseillé de boire à jeun un grand verre d’eau tiède avec un demi citron pressé. Cela nettoie la peau. Il est également conseillé de manger beaucoup de fruits et légumes, manger aussi beaucoup du poisson. Il n’y a pas meilleure recette pour avoir une belle peau.

Art : Êtes-vous comédienne ou humoriste?
R.O. : Les deux. Je pense que j’ai plusieurs cordes à mon arc. Quel que soit le métier que l’on fait,il faut avoir plusieurs cordes à son arc. Au cours d’un casting, si tu es un comédien qui sait chanter, danser, faire de l’humour ou de la dramaturgie, tu as beaucoup de chances d’avoir du boulot.

Art : Jusqu’à cette date, dans combien de pièces avez-vous joué ?
R.O. : Je ne pourrai pas vous le dire avec précision mais c’est à peu près la dizaine parce que j’ai fait aussi quelques contes au tout début de ma carrière.
Au titre des pièces jouées, je peux déjà citer “Yennenga qui est une pièce de théâtre que j’ai écrite, mise en scène moi-même sous le “regard complice de Stéphane Eliard qui est mon metteur en scène aujourd’hui avec “Ouagadougou pressé”. Puis, j’en oublie certaines ! J’ai fait “Feydeau”, un écrivain dramaturge contemporain qui a fait plusieurs pièces de théâtre. J’ai aussi joué dans “Article 13” qui fait partie de la déclaration universelle des droits de l’homme disant que tout migrant a le droit de quitter son pays de naissance, d’aller vivre dans un pays de son choix et de revenir chez lui quand il veut. Malheureusement, ce n’est pas du tout respecté. Il y a beaucoup de migrants qui n’arrivent pas à destination et qui meurent en chemin. Ce spectacle était dédié à rendre hommage à ces migrants-là (qui sont partis et qui ne sont plus revenus). il était très dur, très poignant.

Art : Quelle est la pièce qui vous a révélée au public?
( R.O.) :Il y a “Yennenga l’épopée des Mossé” que j’ai écrite et jouée ici; Il y aussi “Ouagadougou pressé”, la dernière création qui fait l’objet de ma tournée actuellement et m’a beaucoup fait connaître surtout en Europe.

Art : En tant que femme, quels genres de difficultés rencontrez-vous dans ce métier?

( R.O.) : Pour faire ce métier, il faut avoir beaucoup de ressources. C’est une passion avant tout; c’est vrai que ce n’est pas un métier de tout repos. Au début, il est difficile de trouver une salle; puis quand on arrive à jouer, on n’a pas d’argent. C’est au fur et à mesure que les choses viennent à nous comme nous avons une tournée actuellement.
Maintenant en tant que femme, c’est vrai qu’il y a des pressions de toutes sortes. Mais chacun doit avoir des principes; en tout cas, moi j’ai les miens; il faut savoir dire non ! Il y a des fois où je refuse certaines propositions surtout si elles ne sont pas de nature à me valoriser. Je préfère qu’on me donne du travail pour mon talent et non parce que je suis belle ou que je suis une femme.
La problématique n’est pas seulement propre qu’à l’Afrique. Il y a trois types de pressions énormes qui pèsent sur les comédiennes. La première, c’est la famille. Il est rare que les parents soient contents de voir leurs enfants embrasser la carrière artistique; ils espèrent que leurs enfants deviendront médecins, avocats… La deuxième pression, c’est celle du milieu lui-même qui ne nous attend pas; il faut s’imposer parce qu’on est jamais attendu comme un messie. Il faut s’imposer, creuser son trou, délimiter son territoire. La troisième enfin, c’est effectivement toutes les menaces, et les tentations. Il faut savoir garder son honneur et sa dignité artistique. Il ne faut pas accepter n’importe quelle condition; c’est un métier. Il ne faut pas payer pour jouer mais on joue pour être payé.

Art : Êtes-vous certaine que Stéphane n’a pas mis ses services en avant pour vous appâter et pouvoir s’agripper à votre personne ?
R.O. : (Elle éclate de rire) Non ! Nous avons d’abord travaillé ensemble avant de commencer à sortir. On travaillait et tout se passait bien et les choses sont venues naturellement.

Art : Parlez-nous de votre dernier spectacle “Ouagadougou Pressé”
R.O. : C’est un spectacle intitulé “ONE WOMEN SHOW” avec une seule femme sur scène pendant une heure et quart. C’est un spectacle comique mais aussi un spectacle rempli de nostalgie puisque c’est l’histoire d’une jeune femme qui est partagée entre deux pays (son pays natal, le Burkina et son pays d’adoption, la France). Dans ce spectacle, elle peint la réalité d’une famille africaine; on rentre dans l’intimité de cette famille-là puis on découvre le père, la mère, le petit frère, la jeune fille nommée petit modèle qui fait le mur pour sortir la nuit à l’insu des parents. Il y a toute une ambiance qui se dégage dans ce spectacle.

Art : Est-ce une autobiographie?
R.O. : Oui, un peu dans certaines parties. D’autres par contre sont tirées de la vie courante, chez mes copines et en famille aussi.

Art : Quelle est votre appréciation de l’art du point de vue rémunération?
R.O. : Le Burkina a plein de comédiens aussi talentueux les uns que les autres. Le gouvernement peut aussi mettre en place quelque chose en leur faveur parce qu’un pays sans culture est comme un arbre sans sève. La culture permet aussi une ouverture d’esprit et permet au pays d’être connu du monde extérieur. Les gens devraient faire tout pour que les comédiens se sentent bien. En France, on a le statut de l’intermittence. Le comédien, pendant son temps d’écriture, pendant qu’il écrit sa pièce ou sa création, n’est pas payé. Or il faut bien qu’il vive de quelque chose. Alors, il y a une logique qui est faite là-bas (en France) de telle sorte que quand on travaille au bout de 507 heures, on est payé tous les mois pendant une période de huit(08) mois renouvelable; mais il faut continuer à travailler. J’ai eu cette sécurité depuis quelques années mais on menace de couper ce cachet-là.

Stéphane : En France, il y a ce qu’on appelle le statut de l’intermittence ( une sorte d’assurance chômage) qui est adaptée au monde des artistes. Si cette assurance cesse, c’est 80% de l’activité culturelle du pays qui disparaît. S’il y avait cette assurance chômage au Burkina en direction des artistes, on verrait le monde culturel burkinabé gonfler de 80%; imaginez ce que cela pourrait représenter.

Art : Comment faire pour que les talents de nos artistes soient mieux positionnés à l’extérieur?
R.O. : Ouh là ! Alors je n’ai pas la réponse à cette question. Mais que la presse continue de donner de la visibilité aux artistes burkinabés et que les artistes ne baissent pas non plus les bras. Il y a par exemple les Recréâtrales, l’Espace Gambidi, l’ATB, le CITO qui permettent aux artistes de faire des créations au Burkina. Ce sont des structures qui offrent de la visibilité aux artistes. Mais j’invite aussi la population à soutenir les artistes et à aller les voir pendant leurs concerts. Ça fait plaisir de voir du monde autour de soi.

Stéphane: l’action du gouvernement à elle seule ne peut pas couvrir l’ensemble des champs. Il reste la société civile, les journalistes sont un des éléments importants de médiatisation des œuvres des artistes. Les artistes eux-mêmes grâce aux nouvelles technologies peuvent faire une bonne partie de leur propre médiatisation à travers Facebook, Tweeter. Aujourd’hui, il est très difficile d’exister hors d’internet. Il faut que les artistes utilisent les différents outils internet qui sont des outils énormes de communication et de fabrication de notoriété; il faut se les approprier et les animer régulièrement.

Art : Quel est votre message pour terminer?
R.O. : En tant que femme, il faut se respecter et s’imposer et c’est comme cela qu’on arrive. Je conseille aux jeunes filles qui veulent faire ce métier de foncer parce que c’est un métier qui est merveilleux; pouvoir voyager partout, mais qu’elles sachent qu’il y a beaucoup de travail derrière. Il faut savoir se respecter pour que les autres vous respectent. Il faut s’entourer de bonnes personnes et ne pas baisser les bras surtout.

Art : Comment faire pour vous contacter ?
R.O. : Les gens me contactent beaucoup sur Facebook.

Patrick COULIDIATY

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